Hameau de forestage

Hameau de forestage

Les hameaux de forestage, ou hameaux forestiers, étaient des structures mises en place en France, pour loger des familles d’anciens harkis après la fin de la guerre d’Algérie. Les anciens harkis y étaient employés à des travaux de reboisement et d’aménagement des forêts domaniales.

Sommaire

Contexte

Lors du rapatriement des anciens harkis et de leurs familles, à la fin de la guerre d’Algérie, ceux-ci sont hébergés dans des structures d’urgence établies sur des camps militaires (Rivesaltes, Bias, Saint-Maurice-l'Ardoise, …). Certaines de ces structures ne fermeront qu’en 1975. Pour faciliter le reclassement des ex-supplétifs qui sont dans ces camps, les pouvoirs publics mettent en place un certain nombre de mesures dont la construction de ‘’hameaux de forestage’’. Du point de vue des pouvoirs publics, cette solution doit permettre à l’Office national des forêts (ONF) de mener à terme les projets d’aménagement des forêts domaniales qui n’avaient pas pu être menés à bien faute de personnel et de crédits. Elle permet aussi de répondre aux dégâts causés par les incendies de forêts dans le sud de la France. Elle doit fournir également un travail rémunéré aux anciens harkis, travail qu’on juge adapté à leurs compétences, tout en logeant sur place leurs familles[1].

Mise en place

À partir du mois d’août 1962 (suite au décret du 8 août 1962 [2]), une première vague de construction d’une quarantaine de chantiers est lancée, quelquefois avec la réticence, voire le refus des autorités locales[3]. Au total, 75 hameaux seront construits. Ils sont situés pour une grande majorité dans le quart sud-est de la France[4].

La vie dans les hameaux

Le logement

Baraque (2 logements) de l'ancien hameau de forestage de Montmeyan


Les hameaux sont généralement construits dans des sites isolés de la population du village. Chaque hameau accueillait un maximum de 25 familles, logées dans des préfabriqués en ciment. Les logements étaient considérés comme des logements de fonction et de ce fait attribués uniquement aux salariés qui travaillaient sur les chantiers ; ainsi, dans le cas où le père, pour une raison ou une autre, perdait son emploi, la famille était contrainte de quitter son logement[2]. Chaque logement était constitué de deux ou trois pièces, exceptionnellement quatre. Un poële à bois central chauffait l’ensemble. L’isolation des murs était insuffisante, les hameaux n’avaient pas l’eau courante[5], les sanitaires étaient collectifs[1].

L’encadrement

Un encadrement des hameaux a été défini, constitué par un chef de hameau et une monitrice d’action sociale. Pour le choix du chef de hameau, le fait d’avoir eu des contacts avec les populations musulmanes d’Algérie, dans les SAS par exemple, était déterminant[6]. Cet encadrement va faciliter la persistance de l’assistanat et ne va pas encourager l’autonomie[7]. Cette situation de fait a été dénoncée par de nombreuses personnes s’occupant de près ou de loin de la situation des rapatriés[8]. Les hameaux de forestage étaient soumis à un règlement intérieur sévère[9].

Evolution

Alors que la mise en place des hameaux doit aboutir, soit à un reclassement à l’ONF, soit à un tremplin permettant l’assimilation au mode de vie « européen », à partir de 1966, la réalisation des travaux prévus et la dégradation des installations amènent à fermer progressivement les chantiers[1]. Ainsi, un certain nombre de hameaux vont fermer à partir de 1966. De ce fait, les populations sont transférées dans divers endroits : les populations qualifiées d’"inclassables" ou d’"irrécupérables", sont orientées vers des camps spécialisés tels que ceux de Bias ou de Saint-Maurice-l'Ardoise, . Les autres sont reclassés dans le secteur de l’industrie, dispersés dans d’autres structures ou trouvent une solution par leurs propres moyens ou par leurs relations[2]. En 1973, on dénombre 40 hameaux de forestage, rassemblant un effectif de 1026 employés. En 1975, le Conseil des ministres décide de fermer (progressivement) les hameaux de forestage[2]. La même année, en écho à des révoltes dans les camps de Bias et de Saint-Maurice-l'Ardoise, des manifestations et des grèves ont lieu dans les hameaux de forestage, soit pour des revendications strictement locales[10], soit pour des revendications plus générales sur les hameaux forestiers[11],[12].

Après les grèves de 1975, les anciens harkis qui travaillent sur les chantiers forestiers se voient proposer un nouveau statut qui leur assure la sécurité de l’emploi, la mensualisation des salaires et la prise en compte des services accomplis dans les forces supplétives[8]. En 1981, on dénombre 23 hameaux ou anciens hameaux de forestage[2].

Liste des hameaux de forestage

Liste des hameaux de forestage[13]
Départements Hameaux de forestage
Alpes de Haute-Provence Bayons

Jausiers

Ongles

Saint-André-les-Alpes Sisteron
Hautes-Alpes Rosans
Alpes-Maritimes Breil-sur-Roya L'Escarène Mouans-Sartoux
Roquesteron Valbonne
Ardèche Largentière
Ariège Montoulieu

(Hameau de Ginabat)

Aude La Pradelle Saint-Martin-des-Puits Villeneuve-Minervois

(Hameau de Pujol-de-Bosc)

Aveyron Brusque La Loubière Saint-Rome-de-Cernon
Bouches-du-Rhône La Ciotat Fuveau

(Cité Brogilum)

Jouques

(Hameau du Logis d'Anne)

La Roque d'Anthéron
Cantal Chalvignac
Charente-Maritime La Tremblade
Côte-d'Or Baigneux-les-Juifs Vanvey-sur-Ource Vernot-Saussy
Villiers-le-Duc
Dordogne Antonne-et-Trigonant

(Lieu-dit de Lanmary)

Drôme Beaurières
Corse-du-Sud Zonza
Haute-Corse Lucciana

(Lieu-dit de Casamozza)

Gard La Grand-Combe Saint-Sauveur-Camprieu

(Hameau de Villemagne)

Haute-Garonne Juzet d'Izaut
Gers Mirande
Hérault Avene

(Hameau de Truscas)

Lodève Saint-Pons-de-Thomières

(Hameau du Plô de Mailhac)

Isère Roybon
Lozère Cassagnas Chadenet Chanac
Mende Meyrueis Saint-Etienne-du-Valdonnez
Villefort
Pyrénées-Orientales Rivesaltes
Haute-Savoie Magland
Saône-et-Loire Roussillon-en-Morvan

(Hameau de Glennes)

Tarn Arfons

(Hameau des Escudiers)

Puycelci

(Camp de la Janade)

Var Bormes Collobrières

(Hameau de Capelude puis de La Capelle)[14]

Gonfaron
La Londe-les-Maures[15] Montmeyan Le Muy
Néoules Pignans Rians
Saint-Maximin Saint-Paul-en-Forêt Saint-Raphaël

(Hameau d'Aigue-Bonne)

Vaucluse Apt Cucuron Pertuis
Sault

Notes et références

  1. a, b et c Tom Charbit, Les harkis, Edition La découverte, Collection Repères, mars 2006, (ISBN 9782707147745).
  2. a, b, c, d et e Fatima Besnaci-Lancou et Gilles Manceron (dir.), Les harkis dans la colonisation et ses suites, préface de Jean Lacouture, Ed. de l'Atelier, février 2008, (ISBN 9782708239906).
  3. Un des exemples cités par Abderahmen Moumen, (Les Français musulmans en Vaucluse 1962-1991, Installation et difficultés d'intégration d'une communauté de rapatriés d'Algérie, Editions L'Harmattan, Collection Histoires et perspectives méditerranéennes, juillet 2003, (ISBN 9782747541404))) : « Mais, au départ, le Préfet de Vaucluse, Jean Escande, s’oppose à une arrivée massive de Français musulmans rapatriés dans son département. Pour cela, il avance comme arguments à ce refus, le grand nombre de rapatriés déjà présents en Vaucluse et les problèmes de sécurité : Je demande à ce que des harkis ne soient pas affectés à des travaux forestiers dans mon département. J’attire l’attention de Monsieur le Ministre sur le fait que le département de Vaucluse est vraisemblablement un de ceux qui, par rapport à l’importance de la population regroupe le plus grand nombre de rapatriés (Pour 310 000 habitants, il y a environ 30 000 rapatriés). Par ailleurs, les arrestations importantes auxquelles il a été procédé, ne serait-ce que dans les dernières semaines, et celles à prévoir dans les jours prochains montrent que l’activité de l’OAS dans le Vaucluse retrouve une certaine recrudescence. Je rappelle que, depuis le commencement de l’année, mon département a eu à déplorer 47 plasticages. Ces faits me laissent à penser que la présence de harkis en Vaucluse est susceptible de créer de nouveaux incidents.
  4. On peut consulter à cette adresse une carte des lieux d’implantation des harkis en France.
  5. Voir par exemple La Dépêche du midi du 18 juin 2011 et l'interview d'un ancien habitant du hameau de forestage du Plo de Mailhac : « En hiver, l'eau à la source était gelée, nous n'avions qu'un simple poêle à bois pour tout chauffage dans les baraquements, tandis que le chef de camp qui, lui, disposait de tout le confort, abusait souvent de son autorité.»
  6. Voir par exemple : Jean-Jacques Jordi, Mohand Hamoumou, Les harkis, une mémoire enfouie, éd. La Découverte, 1999, ((ISBN 9782862608662)), page 98 : " Dès le début, on assistait à une reprise en main plus militaire que coloniale des hameaux forestiers qui perpétuaient, dans une continuité historique insensée, le drame du déracinement des populations algériennes à partir de 1957 en Algérie. On y retrouve cette même volonté de l'armée d'exercer sur les populations un contrôle direct : la totalité des emplois de chefs de hameau sont occupés par d'anciens officiers des Affaires musulmanes ou sahariennes (.... Si, en Algérie, les regroupements méthodiques et systématiques de 1957 devaient permettre de soustraire la population à "l’influence rebelle", les hameaux de 1963 empêchaient tout autant les familles de harkis d'avoir des contacts avec l'extérieur".
  7. Voir par exemple : Jean-Jacques Jordi, Mohand Hamoumou, Les harkis, une mémoire enfouie, éd. La Découverte, 1999, ((ISBN 9782862608662)), page 99, citant le rapport du chef du hameau de Truscas, écrit en 1964  : "Si la condition de citoyens français métropolitains acquise par les ex-harkis leur donne le droit d'aller où ils le désirent, il est quand même préférable en certains cas de pouvoir les surveiller et les conseiller".
  8. a et b Abderahmen Moumen, Les Français musulmans en Vaucluse 1962-1991, Installation et difficultés d'intégration d'une communauté de rapatriés d'Algérie, Editions L'Harmattan, Collection Histoires et perspectives méditerranéennes, juillet 2003, (ISBN 9782747541404).
  9. Voir par exemple : Michel Roux, Les harkis, les oubliés de l'histoire, éd. la découverte, 1991, ((ISBN 9782707120632)), page 316: Les habitants des hameaux forestiers ont largement bénéficié de la sollicitude du gouvernement. Ils bénéficient non seulement de ressources que procure un travail régulier et assuré mais encore d’un logement gratuit que beaucoup de mal-logés souhaiteraient posséder. Par ailleurs, un personnel qualifié leur distribue les soins nécessaires, facilite leurs démarches et leur apporte un appui constant. Ces avantages ont pour contrepartie un certain nombre d’obligations et d’interdictions dont voici les principales : Obligations : De se soumettre aux règles d’hygiène prescrites par l’autorité médicale, de tenir les logements et leurs dépendances dans un état de propreté parfait,d’assurer régulièrement et normalement son service sur les chantiers forestiers, de se confirmer aux instructions des responsables du bureau, de n’héberger que les seules personnes prévues par les listes d’affectation (des dérogations peuvent être accordées pour une période 15 jours aux membres de la famille),d’effectuer pendant les périodes d’intempéries tous les travaux nécessaires à l’aménagement du camp, de vider immédiatement et intégralement les locaux quand le chef de famille renonce à travailler sur le chantier. Interdictions : De gêner les voisins par l’usage d’appareils bruyants, de causer habituellement du scandale (ivresse ou violence), de jouer aux jeux d’argent. L’inobservation d’une des règles énoncées ci-dessus entraînera l’éviction immédiatement du contrevenant. Le logement rendu disponible sera mis à la disposition d’un autre membre et de sa famille.
  10. Cité par Abderahmen Moumen, Les Français musulmans en Vaucluse 1962-1991, Installation et difficultés d'intégration d'une communauté de rapatriés d'Algérie, éditions L'Harmattan, collection Histoires et perspectives méditerranéennes, juillet 2003, (ISBN 9782747541404) page 154: « Mais un conflit oppose les anciens harkis au chef de camp, M. Charlier. Ceux-ci exigent leur départ, ils envoient une pétition dans laquelle ils dénoncent l’abus de pouvoir auquel ils sont soumis. Nous admettons la nécessité d’un responsable au camp, mais ce ne doit pas être un dictateur et nous refusons d’être traités comme des esclaves ou comme des bêtes de somme »
  11. Cité par Abderahmen Moumen, Les Français musulmans en Vaucluse 1962-1991, Installation et difficultés d'intégration d'une communauté de rapatriés d'Algérie, éditions L'Harmattan, collection Histoires et perspectives méditerranéennes, juillet 2003, (ISBN 9782747541404) page 155: "L’objet de cette grève des harkis est d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les conditions de vie actuelles dans les camps et les hameaux forestiers. Nous demandons la suppression des camps et des hameaux forestiers et l’intégration des Musulmans français dans la société, et demandons pour les harkis les droits d’un Français et la dignité à part entière et non à part"
  12. Voir par exemple : Jean-Jacques Jordi, Mohand Hamoumou, Les harkis, une mémoire enfouie, éd. La Découverte, 1999, ((ISBN 9782862608662)), page 100 : L'élément le plus positif vient de ce que les hameaux se trouvent "débarrassés" de l'encadrement militaire qui aggravait considérablement leur isolement. Il n'empêche : dans un reportage télévisuel du 3 avril 1975 sur les revendications des harkis de La Ciotat, le journaliste, pour la première fois à notre connaissance, conclut par cette terrible phrase : "Voilà ce que ne veulent plus être ces Français, ex- supplétifs de l'armée française, parqués dans des réserves".
  13. Source : Abderhamen Moumen, Du camp de transit à la cité d'accueil, in Fatima Besnaci-Lancou et Gilles Manceron (dir.), Les harkis dans la colonisation et ses suites, préface de Jean Lacouture, Ed. de l'Atelier, février 2008, (ISBN 978-2-7082-3990-6).
  14. Michel Roux, Les harkis, les oubliés de l'histoire, éd. la découverte, 1991, page 310 (ISBN 978-2-7071-2063-2).
  15. Voir des photos du hameau de forestage de La Londe sur ce site

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Hameau de forestage de Wikipédia en français (auteurs)

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