Français de souche

Français de souche
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Français de souche est une expression utilisée pour désigner les personnes de nationalité française dont tous les ascendants, sur un certain nombre de générations, sont également français. La définition de l'expression est variable, et son usage est controversé[1],[2]. Son utilisation dans des études scientifiques et des discours politiques a fait l'objet de diverses polémiques.

Sommaire

Historique

Le terme est utilisé pour la première fois au début du XIXe siècle[2]. Dans le contexte de la guerre d'Algérie, il est utilisé par Charles de Gaulle pour désigner la population européenne de l'Algérie française et la distinguer des musulmans[3]. D’après Jean-Luc Richard, maître de conférences en sociologie et démographie, il est réutilisé en 1979 dans Le National, journal politique du Front national, terme selon lui « associé à la première expression politique de l’idée fausse de la mesurabilité d’un coût de l’immigration en France »[4].

Un rapport de l'INED en 1991 emploie l'expression « Français de souche »[2]. L'une des auteurs de ce document, la démographe Michèle Tribalat, la définit pour sa part comme désignant une personne née en France, de deux parents eux-mêmes nés en France[5],[6]. Un autre rédacteur de ce rapport, l'historien Jacques Dupâquier, estime pour sa part que cette expression est une « notion importante mais difficile à saisir »[7],[2].

Critique du concept

La pertinence du terme et de son utilisation dans les études démographiques a été l'occasion de vives polémiques entre experts de l'INSEE et de l'INED[8].

Hervé Le Bras, l'un des principaux critiques de l'expression parmi les experts démographes, précise que c'est seulement depuis 1833 que les recensements en France sont possibles grâce à Alexandre Moreau de Jonnès. Ce dernier effectue notamment un recensement et un classement des Français selon les « races françaises », réduisant le concept de racine unique de la population française à une notion statistique inopérante[9].

Dans son texte Les Français de souche existent-ils ?[2], Hervé Le Bras souligne que « la politisation de la question de l'immigration a conduit le Front National à utiliser le terme pour opposer des Français de référence aux Français d'origine étrangère ». Même si en 1991 l’Institut national d'études démographiques (INED) réutilise le terme en lui donnant une définition « a contrario comme résidu subsistant après qu’on ait distingué quatre générations successives d’origine étrangère », l'usage politique de ce terme resterait pour Hervé Le Bras « mal défini ». Selon lui, le choix effectuée par cette étude « suppose en effet que les descendants d'étrangers installés en France depuis 1900 sont encore perçus dans leur étrangeté au même titre que des migrants arrivés en 1985 et donc qu'aucune durée ne résorbera la différence de nationalité initiale ». Selon Hervé Le Bras, la méthode de calcul utilisée par l'OCDE suffirait à calculer l'apport démographique « quelle que soit la nationalité » (calcul sur la mortalité et la fécondité d'une structure d'âge prise en 1901, « date d'un recensement »).

L'étude de l'INED, sous prétexte d'étudier « seulement l'apport migratoire des étrangers », mettrait en place un « mécanisme fatal » : « Il fallait, écrit Hervé Le Bras, trouver un chiffre beaucoup plus gros que celui des étrangers présents en 1986 pour justifier la xénophobie en France[10] ». Toute la difficulté de l'objet d'étude du rapport de l'INED résiderait pour Hervé Le Bras dans le fait qu'« une immigrée entrée en 1901 peut avoir été naturalisée en 1912, et donc avoir eu un enfant français cette année là, qui lui-même aura eu des enfants français, puis des petits-enfants, tous français, mais tous à comptabiliser au titre de l'apport étranger selon l'INED ». Cet objet d'étude est d'autant plus inaccessible qu'il serait « impossible de définir une population "issue de la population étrangère" dès que des unions mixtes avaient lieu », ces situations engendrant selon lui une impossibilité de définir un niveau de génération puisque plusieurs ascendants pouvaient être d'origine étrangère (par exemple, pour un même individu, sa grand-mère paternelle et son arrière grand-père maternel).

Hervé Le Bras croit voir également une autre faiblesse du rapport de l'INED : « Dans le cas, par exemple, d'un enfant de père étranger, mais dont la mère, la grand-mère et l'arrière grand-mère sont nées en France et dont la trisaïeule maternelle est née étrangère à l'étranger, le père ne compte pour rien, et la personne est classée dans la quatrième génération issue de l'immigration étrangère ». Le rapport ne rendrait donc compte pour Hervé Le Bras d'aucune réalité, et encore moins de la notion de "Français de souche", qui devrait être, selon l'INED, la population restante dont aucun ascendant n'est d'origine étrangère, alors qu'elle ignore dans son étude toute une population qui pourrait être d'origine étrangère mais qui n'est pas prise en compte.

Selon Hervé Le Bras, ce travail sur les générations est un élément central des théories racistes (p. 91). Pour lui, l'outil démographique et le racisme jouent le même rôle au service du nationalisme, mais la démographie est un outil « plus propre et moins disqualifié que le racisme » (p. 92). L'opinion de Le Bras étant que les Français « descendent tous d'immigrants à un certain horizon temporel », l'étude de l'INED, en mettant une barrière à l'année 1900, empêche de remonter plus loin, et permet donc d'utiliser le terme de Français « de souche ». Cet usage n'aurait pour Hervé Le Bras « aucun sens même si l'on tient compte des généalogies de chaque individu puisqu'elles feraient réapparaître la multiplicité des origines de chacun une fois considérées simultanément les ascendances maternelles et paternelles »[2].

Bibliographie

  • Hervé Le Bras, « Les Français de souche existent-ils ? », dans Quaderni, no 36, 1998, p. 83-96 [texte intégral (page consultée le 17 novembre 2011)] .
  • Hervé Le Bras, Le démon des origines, démographie et extrême droite, Editions de l'Aube, 1998, 260 p. (ISBN 0-313-29421-6) 

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Notes

  1. Claude Allègre et Denis Jeambar, « Il n’y a pas de Français de souche (Tribune) », dans Le Figaro, 30 janvier 2010 (en ligne).
  2. a, b, c, d, e et f Hervé Le Bras, « Les Français de souche existent-ils ? », in Quaderni, n° 36 (L’immigration en débat - France/Europe), automne 1998, pp. 83-96, Persée (archives ouvertes) doi : 10.3406/quad.1998.1365.
  3. René Rémond, 1958, le retour de De Gaulle, Complexe, 1999, page 175
  4. Analyse du terme par Jean-Luc Richard, ined, mars 1999.
  5. Éric Taïeb, Immigrés : l'effet générations. Rejet, assimilation, intégration d'hier à aujourd'hui, L'Atelier, 1998, page 293
  6. Manuel Boucher, Les théories de l'intégration : entre universalisme et différentialisme, L'Harmattan, 2000, page 98
  7. Jacques Dupâquier, "Naissance d’un peuple : l’histoire démographique de la France", in : Renaissance catholique, Qui a peur du baptême de Clovis ? Actes de l’université d’été 1996, Issy-les-Moulineaux : Renaissance catholique, 1997, pp. 105-134 (aux côtés d’un texte de Bruno Gollnisch), repris sous le titre “La démographie française : vérités et mensonges”, National Hebdo, n° 685, 4-10 septembre 1997, pp. 11-13.
  8. Jacques Boucher, Joseph-Yvon Thériault, Anne Gilbert, Svetla Koleva, Petites sociétés et minorités nationales : Enjeux politiques et perspectives comparées, Presses de l'Université du Québec, 2005, page 199
  9. Hervé Le Bras, Le retour de l'ethnie française.
  10. Voir notamment les pages 86-88 de son étude.



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Français de souche de Wikipédia en français (auteurs)

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