Biscuit de mer

Biscuit de mer
Exemple de biscuit de mer (Musée de la Marine d'Elseneur, Danemark). Celui-ci est présenté comme étant "le plus vieux" biscuit de mer connu.

Le biscuit de mer, aussi nommé galette, est une sorte de pain sec utilisé par les marins lors des voyages au long cours. Il est composé d'eau, de levain et de farine[1]. Il est plat et peut être de forme ronde ou carrée[2].

Sommaire

Fabrication

Marine française

Connu depuis le le Moyen Âge[3], le biscuit de mer ne disparaîtra qu'avec la décision ministérielle du 26 août 1937[4]. Il sera alors remplacé par le pain cuit à bord.

  • Matière première
Il s'agit de farine de pur froment et de levain. Il n'est pas utilisé de sel.
La farine est partiellement épurée d'un pourcentage variable (35% à Brest mais 15% à Toulon, par exemple, au XVIIIe siècle)[5].
Le levain est un levain naturel, de plusieurs jours. Sa proportion est de 5% du poids de la farine[5].
  • Méthode
La pâte est constituée avec de l'eau en quantité moindre que pour un pain ordinaire. Le pétrissage doit parfois être terminé au pied[6],[5]. Dans ce cas, une toile est étendue sur la pâte et le pétrisseur, se suspendant à une corde, va utiliser le poids de son corps pour travailler la pâte[5].
Elle est ensuite laissée lever, selon les sources, pendant une période assez brève[6] ou pendant six heures[5].
La mise en forme peut varier selon les lieux. jusqu'au XVIIe siècle, la forme favorisée au Levant est la forme en « grignon ». Au Ponant, on privilégie la forme ronde, en galette[6]. C'est cette forme qui finira par s'imposer[6]. Elle a un diamètre d'une vingtaine de centimètres pour une épaisseur de trois[7]. La galette est trouée avec une pique à trois pointes; ceci améliorera la dessiccation du produit cuit[8].
La cuisson est beaucoup plus longue que pour un pain ordinaire. Elle est de l'ordre d'une heure et demi[6], soit environ le double de la cuisson du pain[5]. Il n'y a pas de double cuisson[9],[10],[5] bien que le nom, « bis-cuit», puisse le laisser entendre.
Ensuite, le pain est mis à ressuer[11] pendant plusieurs semaines, dans des compartiments placés à côté des fours.
Au final, la galette pèse environ 180 grammes, pour un diamètre de 17-18 centimètres et une épaisseur de 3,4 à 3,6 centimètres[8]. À la cuisson, elle a perdu à peu près un quart de son poids[5].
  • Conditionnement
Les biscuits sont transportés en sacs[8]
Les biscuits sont rangés, en vrac[8], dans des boites de 2 mètres sur 2 environ, dans l'entrepont. Ces boites sont calfatées. Elles ne seront ouvertes que pour en distribuer le contenu[12],[8].
Les soutes à biscuit sont disposées sous la sainte-barbe et au dessus de la soute aux poudres. Elles sont donc situées à l'arrière du navire, dans un endroit où l'humidité sera limitée[8].

Marine britannique

  • Matière première
Le biscuit de la Royal Navy est fait à partir de farine complète (avec son). La levure est plus souvent de la levure naturelle mais peut être de la levure issue de brasseries[13].
  • Méthode
La farine reçoit l'eau et la levure et fermente une heure au moins. Le reste de l'eau est ajouté et la pâte est pétrie. Elle est ensuite coupée et laissée lever. Puis elle est cuite.
Si le « Victualling Board » fabrique son propre biscuit, à Deptford, Portsmouth ou Plymouth, il a aussi recours à des fournisseurs extérieurs[13]. C'est par exemple le cas, à Southampton, de Moody & Potter gros fournisseurs de la Marine et de l'Armée[14]. Deptford est équipé de 20 fours. Il peut cuire 20 fournées par jour, donnant 25 000 livres de biscuit par jour[15].
  • Conditionnement
Les biscuits, dont le poids ne peut être inférieur à 91 grammes (5 biscuits à la livre; cette précision figure dans les contrats passés avec des fournisseurs privés[13]), sont conditionnées en paquets de 112 livres; Ils sont stockés sous la dunette, dans un local dédié bread room[16].

Utilisation

Conservation

Officiellement, le biscuit peut se conserver jusqu'à 2 ans[8]. Mais cela dépend des conditions dans lesquelles il est conservé. A cet égard, il y a des différences selon les marines.

  • méthode anglaise.
Elle part du principe que le biscuit, pour bien se conserver, doit être ventilé. La conséquence en est que l'air marin, humide, associé au sel utilisé dans la fabrication, va favoriser la dégradation du produit. En premier lieu, une température suffisante et de l'humidité va favoriser le développement de parasites divers; en second lieu, le biscuit va rapidement perdre sa cohésion et se transformer en miettes[17].
  • méthode française.
Le biscuit est stocké, en vrac, dans des boites calfatées qui ne seront ouvertes que pour en consommer le contenu.
D'autres marines, comme l'américaine ou la néerlandaise, stockent aussi le biscuit en paquets scellés[17]
  • Parasites
Les biscuits, de toutes nationalités, peuvent être infestés par divers parasites.
Si l'on excepte les rats, il s'agit principalement d'insectes dont les larves creusent le biscuit. Ces larves sont minuscules et, médicalement, sans danger. Ce sont les larves de Ténébrion ou ver de farine (tenebroides mauritanicum) ou de stegobium paniceum et de diverses sortes de charançons (famille des curculio). Le biscuit peut aussi être sujet aux attaques de diverses moisissures[18].
La conséquence la plus visible de ces attaques va être la transformation du biscuit en poudre.

Consommation

  • La ration journalière
Dans la marine française, elle est de 20 onces, soit plus de 600 grammes, et représente environ les deux-tiers de l'apport calorique estimé[19]. Le marin en consomme une galette par repas.
Dans la marine anglaise, le marin reçoit une livre de biscuit (454 grammes) par jour.
Dans les autres marines, en fonction des éléments dénichés, la ration tourne autour d'une livre de biscuit par jour[20].
  • L'accommodation.
La ration journalière est délivrée sous la forme de biscuit ou, s'il est en morceaux d'une taille au moins égale à celle d'une noisette, de débris. Si les miettes sont vraiment trop petites, le biscuit devient de la « mâchemoure »[21] qui n'est pas distribuée.
Le biscuit, bien conservé, est pratiquement impossible à mordre et à mâcher. Il est nécessaire de l'humidifier avant d'essayer de le consommer[13]. Le premier travail est de le casser. Sur le bord de la table ou en tapant dessus (après avoir pris la précaution de l'envelopper dans un linge pour éviter la dispersion des morceaux)[13]. Ceux-ci peuvent alors être suçotés, mâchés ou, plus fréquemment[22] , mis dans la soupe, la sauce du plat ou la chopine de boisson[13],[23].
  • Quantités transportées
Elles sont très importantes et deux exemples suffiront à l'illustrer.
En 1821, la frégate HMS Doris arme pour une croisière de 4 mois. Son équipage est de 240 hommes et elle embarque 14 tonnes de biscuit[24].
Dans les années 1780, un vaisseau de 74 canons français embarque 104 000 livres de biscuit, soit près de 51 tonnes[25].

Redécouvrir

Il est tout à fait possible de re-découvrir ce qu'était cet aliment. La recette ci-dessous permettra au curieux de réaliser du biscuit similaire à celui fourni aux marins de Nelson.

Ingrédients : 500 grammes de farine, 15 centilitres d'eau. Le sel est optionnel.
Préparation : mettre la farine en tas. Creuser un puits et y mettre l'eau petit à petit. Mélanger jusqu'à obtenir une boule de pâte. Étaler un peu de farine sur une surface plane, y mettre la boule de pâte et laisser reposer une dizaine de minutes. Pétrir la pâte à la main (les passer à la farine pour mieux la manipuler) jusqu'à ce qu'elle ait une consistance lisse et soyeuse, ce qui prendra une demi-heure environ. Les pâtons seront taillés en carrés d'environ 7,5 cm de côté et d'une épaisseur d'un peu moins d'un centimètre. A l'aide d'une fourchette, faire une rangée de trous sur chaque biscuit.
Cuisson : Les pâtons seront mis sur une plaque légèrement graissée, et sans qu'ils se touchent, dans un four chaud, 160 °C, pendant une heure. Ne pas les laisser trop brunir. Sortir les biscuits et les laisser refroidir complètement sur une claire-voie, puis les placer dans un emballage étanche à l'air[26]. Attendre quelques mois avant de les consommer.

Fabrication de biscuit de mer (type début du XIXe siècle, selon J. Macdonald).

Notes et références

  1. Dictionaire technologique ou nouveau dictionnaire universel des arts et métiers, et de l'économie industrielle et commerciale, par une société de savans (sic) et d'artistes, volume 3, Thomine, 1823 [lire en ligne] 
  2. Adolphe de Chesnel, Dictionnaire des armées de terre et de mer, encyclopédie militaire et maritime, volume 2, A. Le Chevalier, 1864 [lire en ligne] 
  3. Pline l'Ancien parle déjà d'un "panis nauticus" (L. Fournier, op. cit., page 28.
  4. Bulletin Officiel de ce jour, page 728, précise L. Fournier.
  5. a, b, c, d, e, f, g et h Boudriot, T.4, pages 158.
  6. a, b, c, d et e Fournier, page 29.
  7. La mécanisation qui interviendra au XIXe siècle amènera l'apparition de biscuits de forme rectangulaires.
  8. a, b, c, d, e, f et g Boudriot, T.4, pages 160.
  9. Macdonald, page 16
  10. Fournier, pages 28-29.
  11. Sur le ressuage, [1].
  12. Fournier, page 30.
  13. a, b, c, d, e et f Macdonald, page 17.
  14. Macdonald, page 54.
  15. Macdonald, page 184.
  16. Mac donald, page 78.
  17. a et b Macdonald, page 18.
  18. Macdonald, page 98.
  19. Fournier, page 27.
  20. Macdonald, page 142 et 148
  21. La précision se trouve dans le Règlement sur le fourniture des vivres aux armées navales, du 15 mai 1674, selon L. Fournier (page 35).
  22. Boudriot, T.4, page 169
  23. Il ne faut pas oublier que la marine de l'époque, XVIIe-XVIIIe, est principalement une marine d'édentés, conséquences des carences du régime alimentaire.
  24. Macdonald, page 79.
  25. Boudriot, T.2, page 97.
  26. J. Macdonald, pages 184-185.

Sources

  • Jean Boudriot, le vaisseau de 74 canons, tomes II (chapitre X) et IV (chapitre XVIII), 1973, Grenoble, Éditions des Quatre Seigneurs, (ISBN 2852310007).
  • Lucien Fournier, L'alimentation des équipages, 2007, La Découvrance, (ISBN 978-2842654832),
  • (en) Janet Macdonald, Feeding the nelson's navy, the true story of food at sea in the Georgian Era, 2006, GreenHill Books, (ISBN 978-1861762337).

Voir aussi

Bibliographie

Outre les ouvrages utilisés en sources :

  • A. Clouet, L'histoire du biscuit de mer, 2010, S.F.H.M., Chroniques d'histoire maritime n° 67.
  • J. Boudriot, Biscuit et pain dans la marine d'autrefois, Neptunia, n° 163,

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