Intoxication au mercure

Intoxication au mercure
L'extraction du mercure est depuis l'Antiquité une première source de pollution, mais aussi de contamination humaine (ici Mine néerlandaise de mercure de Tegorah (première moitié du XXe siècle, Sambas, Bornéo)

Le mercure est un métal très toxique, il affecte principalement les fonctions cérébrales (neurotoxique) et rénales (néphrotoxique) et est soupçonné d'être lié à certains cancers, comme les cas de leucémie apparus au Japon à Minamata. L'intoxication au mercure est également appelée hydrargisme, hydrargyrie ou hydrargyrisme.

Cet élément est d'autant plus nocif qu'il s'évapore facilement et que ses vapeurs sont aisément assimilées par l'organisme. De plus, l'absorption simultanée de cuivre, de zinc ou de plomb tend à accroître le pouvoir nocif du mercure.

Il est important de distinguer les effets des sels de mercure (mercure sous forme ionisée) Hg++ et Hg+ du mercure métallique Hg°, des effets des composés organiques du mercure (méthylmercure CH3Hg notamment) beaucoup plus toxiques.

Sommaire

Du mercure comme poison

À l'époque romaine, les criminels condamnés à travailler dans les mines de sulfure de mercure (HgS) avaient une courte espérance de vie. Au Ier siècle, Pline l'Ancien décrivait déjà les symptômes de l'empoisonnement au mercure.

Ce problème reste actuel : aux États-Unis, aujourd'hui, près de 12 % des femmes en âge de procréer ont un taux de mercure sanguin supérieur aux recommandations de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis.

Les maladies professionnelles

Article détaillé : Mercure (maladie professionnelle).

On a utilisé des solutions de nitrate de mercure pour préserver et traiter les peaux en vue de la fabrication de chapeaux. Il a même été dit que cela a inspiré Lewis Carroll pour le personnage du chapelier fou dans Alice au pays des merveilles. En France, les maladies liées au mercure ont été parmi les premières reconnues comme maladies professionnelles dès 1919.

Les intoxications aiguës accidentelles

  • Incendie d'Idrija (Slovenie) en 1803 : 900 personnes intoxiquées.
  • Accident à bord du navire Triumph en 1810 : ce navire transportait des vessies de mercure. Leur ouverture accidentelle et les vapeurs de mercure consécutives causèrent la mort de 3 personnes. 200 autres tombèrent malades.
  • Mort en juin 1997 d'un professeur de chimie Karen Wetterhahn.

Intoxications d'origine alimentaire

Consommation de semences empoisonnées

On a utilisé dès 1890 des composés à base de mercure pour une meilleure conservation des semences. Cette pratique s'est généralisée à partir de 1915. Cela a donné lieu depuis à de nombreux accidents. Des personnes furent empoisonnées en consommant par erreur des semences traitées. Voici les exemples connus :

Le traitement des semences à l'aide de composés mercuriques est interdit depuis 1982 en Europe de l'Ouest.

Les composés utilisés pour le traitement étaient notamment : le chlorophénylmercure, l'acétate de phénylmercure, le chlorure de méthylmercure, le phosphate d'éthylmercure, etc.

Consommation de poissons contaminés

Citons par exemple la tragédie de la baie de Minamata au Japon. L'utilisation du mercure dans la prospection aurifère pose de graves problèmes de santé publique (entre autres chez les Amérindiens de Guyane, qui consomment beaucoup de poissons contaminés par les sites d'orpaillage).

De manière générale, il convient par précaution d'éviter que les femmes enceintes et les enfants de moins de 2 ans consomment plusieurs fois par mois des gros poissons de haute mer (éviter dorade, espadon, marlin, requin et thon) : un poisson contaminé peut contenir 23 mg de mercure par kg de poids humide soit près de 100 000 fois la concentration de l'eau environnante[réf. nécessaire]. Attention, les poissons prédateurs d'eau douce peuvent également être contaminés. Par contre, la consommation de mollusques bivalves ne semble pas poser problème.

Du mercure comme remède

Le calomel (chlorure mercureux) était autrefois utilisé comme diurétique et purgatif. Un tel traitement pourrait avoir causé la mort d'Agnès Sorel, dont l'autopsie, effectuée en 2004, révéla une grave intoxication au mercure.

Le mercure et la syphilis

En 1527, Paracelse préconisait déjà le mercure en poudre comme principe actif d'onguent (pommade grise) pour guérir la syphilis. Ce remède a malheureusement été plus ou moins utilisé jusqu'à l'arrivée de la pénicilline.

Le mercure dans la vie quotidienne

Le mercure dans les amalgames dentaires

Un amalgame dentaire contient en moyenne environ un gramme de mercure

Un amalgame dentaire contient environ un gramme de mercure, dont une partie est progressivement relarguée dans la bouche. La quantité de mercure libérée dépend des conditions : qualité de l'amalgame et en particulier polissage, acidité et température des aliments, présence d'autres métaux dans la bouche, mastication de chewing gum...
En fin de vie, de nombreux patients ont entre 5 et 10 amalgames, voire plus.
Le doute sur la toxicité de l'amalgame, couplé au risque environnemental lié à la présence de mercure, a conduit certains pays d'Europe (Allemagne, Autriche, Suède, Danemark) à limiter son emploi[2]. La Russie et le Japon ont respectivement interdit l'usage d'amalgames dentaires au mercure en 1975 et 1982[réf. nécessaire]. Depuis le 1er janvier 2008, la Norvège a interdit l'utilisation du mercure dans les amalgames dentaires (et pour toutes autres applications)[3].

Cosmétiques

Le « mercure et ses composés » entrent dans la « liste des substances interdites dans les produits cosmétiques » (Journal officiel de l’Union européenne, Annexe II, numéro d’ordre 221), « sauf exception reprise dans l’annexe V »

Annexe V : Liste des agents conservateurs admis dans les produits cosmétiques

Numéro d’ordre 17 : « Phénylmercure et ses sels (y compris le borate)"

Type de produit (uniquement dans les): « Produits pour les yeux »

Concentration maximale dans les préparations prêtes à l’emploi : « 0,007% en Hg »

Thermomètre et tensiomètre à mercure

Ils sont interdits à la vente depuis 1998, mais ils sont encore très fréquents chez les particuliers.

Lampe à basse consommation

Chacune de ces lampes contient environ 3 mg de mercure.

Conservateur mercuriel dans les vaccins

On utilise depuis les années 1930 le thiomersal (Thimérosal aux États-Unis et Canada) comme agent conservateur dans les vaccins. En 1998, une étude scientifique aujourd'hui très controversée proposait que l'injection de vaccins ciblant la rougeole, les oreillons et la rubéole (vaccin ROR) puisse-t-être à l'origine du développement d'un syndrome autistique chez huit enfants[4] En 1999, suite à une enquête de la FDA dans la quantité de mercure dans les aliments, le service de la santé publique américain recommandait la suppression des dérivés de mercure dans les vaccins. L'association de ces deux évènements a provoqué une crainte importante dans les populations, allant jusqu'à la création d'associations anti-mercure. Début 2009 plusieurs études scientifiques sont revenues sur ce sujet, mais aucune ne montre de lien évident entre la présence de thiomersal et l'apparition de trouble neuro-psychologique[5],[6].

Merbromine

La merbromine (Mercurochrome®) a longtemps été utilisée comme antiseptique. Cependant, des craintes concernant sa toxicité, font qu'on lui préfère des molécules plus récentes comme la povidone iodée (Bétadine®). La marque « Mercurochrome » continue à fabriquer des antiseptiques, mais sans mercure.

Règles et seuils de précaution

Sauf précisions, on parle ici de mercure inorganique sous forme de sels Hg2+ et Hg+. Les valeurs concernant les formes organiques du mercure sont en général inférieures. Les valeurs ne sont données qu'à titre indicatif. Le mercure élémentaire Hg0 étant peu réactif et peu toxique sauf si inhalé sous forme de vapeur.

L'OMS fixe la dose hebdomadaire tolérable provisoire (DHTP) de mercure à 5 µg par kg de poids corporel[7].

En France, le ministère du Travail a fixé[8] des valeurs limites moyennes d'exposition VME (sur 8 heures, et en milieu professionnel) de ;

  • 0,10  mg/m3 (exprimé en Hg) pour les composés minéraux du mercure[9] ;
  • 0,05 mg/m3 pour les vapeurs de mercure (car pénétrant facilement la barrière pulmonaire) ;
  • 0,01 mg/m3 pour les formes organiques du mercure (dérivés alkylés), car beaucoup plus toxiques[7].

On ne doit pas dépasser une concentration de 0,3 µg/m3 pendant 24 heures consécutives pour l'air ambiant[réf. nécessaire].

L'eau potable ne doit pas contenir plus de 1 µg/l de mercure[réf. nécessaire].

Pour l'adulte, les premiers effets - visibles - d'une intoxication au mercure ont lieu à partir de 100 µg/l de sang, avec des symptômes neurologiques à partir de 200 à 500 µg/l[9].
La valeur limite pour les travailleurs exposés est généralement fixée à 15 µg/l de sang, 5 µg/l de sang pour la population générale (soit 5 µg/g de créatine pour l'urine)[réf. nécessaire].

En France, et dans de nombreux pays, les maladies professionnelles dues au mercure sont à déclaration obligatoire[10]. Les travailleurs exposés doivent faire l'objet d'une surveillance spéciale[11]. L'utilisation de cet élément polluant est aujourd'hui proscrite pour presque tous ses anciens usages, et son rejet est contrôlé[9].
L'étiquetage fait aussi l'objet d'une réglementation et certains travaux nécessitant de manipuler du mercure sont interdits aux femmes, aux moins de 18 ans et aux salariés intérimaires ou temporaires[9].

Traitement

Le traitement se fait avec un chélateur : DMSA, DMPS, EDTA, etc. Mal pratiqué, il peut s'avérer plus nocif que bénéfique et doit être effectué sous le suivi d'un médecin expérimenté.

Produits naturels

La chlorelle a la réputation d'éliminer les métaux lourds de l'organisme, mais aucune étude scientifique ne l'a encore démontré. Des tests en laboratoire ont montré au contraire que des lots de chlorelle du commerce pouvaient être contaminés par de l'aluminium, de l'étain, du plomb et de l'arsenic[12].
L'ail des ours, la coriandre, etc. sont également mentionnés, mais là encore aucune étude scientifique ne semble avoir porté sur leur efficacité.

Notes et références

  1. Articles en anglais : Science 1973, 181, 230.
  2. Les effets des métaux lourds sur l'environnement et la santé, rapport 261 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 2001.
  3. La Norvège interdit l'utilisation de mercure, dépêche AFP, 21 décembre 2007 à 11h32.
  4. http://www.radio-canada.ca/nouvelles/sante/2011/01/06/002-thelancet-autisme-vaccins.shtml
  5. .(en) Jeffrey S. Gerber et Paul A. Offit, « Vaccines and Autism: A Tale of Shifting Hypotheses », dans Clinical Infectious Diseases, vol. 48, 2009, p. 456-461 [résumé (page consultée le 26 février 2009)] 
  6. (en) Alberto Eugenio Tozzi, Patrizia Bisiacchi, Vincenza Tarantino, Barbara De Mei, Lidia D'Elia, Flavia Chiarotti et Stefania Salmaso, « Neuropsychological Performance 10 Years After Immunization in Infancy With Thimerosal-Containing Vaccines », dans PEDIATRICS, vol. 123, no 2, 2 février 2009, p. 475-482 [résumé (page consultée le 26 février 2009)] 
  7. a et b Dr Pascal Andujar ; Cours intitulée Le mercure, pour le Diplôme Inter-Universitaire (DIU) de Toxicologie Médicale - 2009-2010 ; Unité de pathologie professionnelle – CHI Créteil ; Université Paris 12 (PPT, 42 pages), consultée 2010 06 25
  8. Circulaire du ministère du travail du 13 mai 1987, non parue au JO, citée par l'INRS (fiche toxicologique)
  9. a, b, c et d Fiche toxicologique N° 55 de l'INRS : mercure et composés minéraux
  10. Article L 461-4 du Code de la sécurité sociale ; Voir tableau n°2
  11. Circulaire du ministère du travail du 2 mai 1985 (non parue au JO) concernant les salariées en état de grossesse, et arrêté du 11 juillet 1977 (JO du 24 juillet 1977) fixant la liste des travaux nécessitant une surveillance médicale spéciale (travaux comportant la préparation, l'emploi, la manipulation ou l'exposition au mercure et à ses composés)
  12. Françoise Cambayrac, Vérités sur les maladies émergentes, Mosaïque-santé, 2011

Bien qu'issus de sources fiables, les chiffres donnés le sont à titre indicatif et ne sauraient être considérés comme les plus récents.

Voir aussi

Bibliographie

  • Françoise Cambayrac, Vérités sur les maladies émergentes, Mosaïque-santé, 2011. Très complet sur l'intoxication chronique par le mercure des amalgames (description des symptômes, outils diagnostics, traitements)
  • Christianne Bée, Mon Retour à la Vie : Le long cheminement de la détoxication des métaux lourds, Éditions Baudelaire, mars 2010. Récit et témoignage d'une intoxication aux métaux lourds, l'errance angoissante à travers un univers médical désemparé et incapable d'enrayer le mal mystérieux qui frappe de plus en plus de monde, un message d'espoir... Préface du Professeur André Picot (CNRS).
  • Francine Lehner, Maladies liées aux métaux lourds, Editions A la carte, 2001. Témoignage d'une pharmacienne touchée par les effets secondaires d'un désinfectant contenant du mercure : la recherche des causes et le traitement.
  • Henri Desoille, Jean Scherrer, René Truhaut, Précis de médecine du travail, Masson, Paris (1984) 4e édition - chapitre « Mercure »
  • Philippe Guerrier & al., Guide de gestion du mercure pour les établissements de santé au Québec, Comité de santé environnementale du Québec (1997)

Articles connexes

Liens externes



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