Anne de Rohan (poétesse)

Anne de Rohan (poétesse)

Anne de Rohan, ou Anne de Rohan-Soubise, née en 1584, morte le 20 septembre 1646 à Paris, est une poétesse protestante française.

Sommaire

Vie et extraits

Sa mère, Catherine de Parthenay, duchesse de Rohan.

Fille de Catherine de Parthenay et de René II de Rohan, qu'elle perdit au berceau, on lui doit notamment ces vers[1] qui rappellent l'air de Cherubino[2] de Lorenzo da Ponte

Je ne repose nuit ny jour
Je me brusle, je meurs d'amour,
Tout me nuit, personne ne m'aide,
Ce mal m'oste le jugement,
Et plus je cherche de remède
Moins je trouve d'allégement :
Je suis désespérée, j'enrage ;
Qui me veult consoler m'outrage;
Si je pense à ma guérison,
Je frémis en ceste espérance ;
Je me fâche en ma prison
El me plains de ma délivrance.

Sento un affetto pien di desir,
Ch'ora è diletto, ch'ora è martir.
Gelo e poi sento l'alma avvampar,
E in un momento torno a gelar.
Ricerco un bene fuori di me,
Non so chi'l tiene, non so cos'è.
Sospiro e gemo senza voler,
Palpito e tremo senza saper.
Non trovo pace notte né dì,
Ma pur mi piace languir così.

Doit-on s'étonner de ces ressemblances à une époque où le plagiat était admis[3] ?

Éléments biographiques

Elle lisait couramment le latin, le grec, et l'hébreu et ne lisait jamais la bible que dans le texte d'un missel rédigé en cette langue. Elle subit avec sa mère le siège de la Rochelle de 1628, où, dit-on, elle se nourrit de quatre onces de pain et de viande de chevaux.

Elle avait pour frères Henri II de Rohan et Benjamin de Rohan, duc de Soubise et pour sœurs, Catherine Rohan, brève épouse du prince Palatin Jean de Bavière, duc de Deux Ponts[4]. et Henriette de Rohan, leur aînée[5], dont Tallement des Réaux[6] a immortalisé l'esprit et sa passion saphique pour Mme de Nevers.

Elle chanta, quatre ans après la mort d'Henriette, la passion de sa sœur en ces termes : Sur un portrait de feue la duchesse de Nevers fait par mademoiselle de Rohan.

armes de Charles de Mayenne, dont la duchesse était issue.

Tout change en un instant

Comme la lune,
Mais ma douleur pourtant
Est toujours une !
Rien ne sauroit changer
Mon deuil extrême,
Rien ne peut l'alléger
Que le deuil mesme.
Vous qui voyez mon sort
Et à toute heure,
Pleurez pour ceste mort
Que rien ne pleure.
Voyez mes maux certains
Et que sans feinte
La beauté que je peins
Soit partout peinte.

Ces vers lui valurent en récompense les éloges de Théophile de Viau[7]. Lui-même, libertin et homosexuel avait composé ses propres louanges à l'intention d'Henriette de Rohan lors de la mort de la duchesse de Nevers.

Généalogie de la famille Rohan-Parthenay

Jean V de Parthenay-l'archevêque
Seigneur de Mouchamps (Les Herbiers) dit Soubise
(1512-1561)
 
Antoinette Bouchard d'Aubeterre
(1535-1580)
Douairière de Soubise
Isabelle d'Albret
(1513-vers 1570)
tante de Jeanne d'Albret
 
René Ier de Rohan
Vicomte de Rohan
(1516-1551)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles de Quellenec
Baron du Pont, dit Soubise
(1548-1572)
 
Catherine de Parthenay
Mlle de Soubise
Mère des Rohan
Douairière de Rohan
(1554-1631)
 
René II
dit Pontivy, puis Frontenay
Vicomte de Rohan
(1550-1585)
Jean dit Frontenay
(?-mort en 1574)
Henri Ier
Vicomte de Rohan
(1535-1575)
Françoise de Rohan
Dame de la Garnache
(1540-1590)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Henri II de Rohan
Vicomte et 1er duc après 1604
(1579-1638)
Benjamin de Rohan
Duc de Soubise
(1583-1642)
Henriette de Rohan
dite la Bossue
(1577-1624)
Catherine de Rohan
Mariée à Jean de Bavière
(1580-1607)
Anne de Rohan
poétesse
(1584-1646)

A la mémoire de sa mère

En 1631, à la mort de sa mère, Anne de Rohan écrivit une consolation où elle résuma la vie de celle qui avait été son professeur et sans doute sa meilleur amie[8]:

« J'aimois celle qui te fut proche.

Dont tu as un deuil si cuisant,
Qui vécut toujours sans reproche
Dedans un siècle médisant.
Blasonnement : burelé d'argent et d'azur, à la bande de gueules brochant sur le tout Ces armes étaient celles de Jean V de Parthenay dit Soubise.
Je fus sa maîtresse d'école,
Je lui servois de protocolle,
J'essuyais ses plus tendres pleurs,
Je vis ses premières douleurs.
Et sitôt que sa génitrice
Vit son époux aller aux cieux,
Lors je fus leur consolatrice,
Comme leur conseil en tous lieux.
Son père étant réduit en cendre.
Je lui vis des malheurs pâtir
Dedans son avril le plus tendre,
Longs à dire et durs à sentir.
Après une guerre civile.
Je les conduisis dans la ville
Où toutes trois, pleines de deuil,
Nous rencontrâmes le cercueil
De cette Jeanne de Navarre
Qui fut de sa race l'honneur.
Soumettant, chose aux princes rare.
Son sceptre à la croix du Seigneur.
Je demeurai toujours près d'elles,
Quand tes François parmi les jeux
Exerçaient leurs fureurs cruelles,
Plus dignes des Scythes que d'eux.
En violant la foi donnée
A l'ombre d'un saint hyménée.
Armes de la Maison du Quélennec : D'hermine, au chef de gueules chargé de trois fleurs-de-lis d'or.
On massacroit de tous côtés.
Les sexes et les qualités
Pour lors ne furent mis en compte,
Et le fleuve, dans ce délit.
Plus rouge de sang que de honte,
Fit un sépulchre de son lit.
La bonté de Dieu sans pareille,
Oyant leurs cris et leurs sanglots.
Les sauva, comme par merveille,
Toutes deux des fers et des flots;
Les garda de l'ire enflammée
D'une populace animée.
Ta mère de donner la main.
Par force, à quelque indigne hymen.
Ainsi sauvées de l'orage.
Elles surgirent au doux port.
Abhorrant des meurtriers la rage
Et pleurant des meurtris la mort.
Ta mère me fut toujours chère.
Car n'aimant qu'en sincérité.
Je la suivis dans sa misère
Comme dans sa prospérité.
Je consentis son mariage.
Armes des Rohan, De gueules à neuf macles d'or
Je compatis à son veuvage,
Je l'assistai dans ses travaux.
Ayant pitié de tous ses maux.
Dedans le siège épouvantable.
Je rendis son esprit puissant;
Dans la famine lamentable,
Son corps ne fut point languissant
Elle passant septante années,
Lorsqu'en cette rude saison
Toutes deux vous fûtes menées
Dedans une étroite prison.
J'y entrai plus tôt que nul garde
Car pour les miens je me hasarde
Et descends dans les cachots noirs;
Je hante les hideux manoirs.
J'étois dans ce lieu solitaire
Où l'ennui faisait son effort,
De ses pensers le secrétaire.
De ses peines le réconfort.
Deux ans passés, voyant sa vie
Arriver à son dernier point.
L'ayant en tous âges suivie,
Alors je ne la quittai point.
Je lui fis dire la devise,
Autant utile comme exquise :
Le siège de La Rochelle, d'après une gravure de Jacques Callot
Christ à vivre et mourir m'est gain.
Ainsi priant jusqu'à la fin
Celui qui les péchés efface,
Qui mourant la mort a vaincu.
N'ayant fiance qu'en sa grâce.
Mourut comme elle avoit vécu.
Après une mort si heureuse.
Veux-tu, par un deuil importun,
Rendre ta vie douloureuse
Et toi déplaisante à chacun?
Ne souffre plus que ta tristesse
Te mine et domine sans cesse;
Il te faut ta mère imiter
Et non tes amis tourmenter.
Les pleurs des âmes pénitentes
De moi ne sont point empêchés ;
Je te permets que tu lamentes
Non tes pertes, mais tes péchés. »

Sources et références

  1. Anne de Rohan : Poésies dA̓nne de Rohan-Soubise
  2. Noces de Figaro : Acte II scène 2 ; l'air de Cherubino
  3. Jean-Claude Hauc : L'appétit de Don Juan page 106 ; l'auteur affirme que Da Ponte a pillé Giovani Bertati pour le Don Juan
  4. des mémoires relatifs à l'histoire de France …, Volume 50 Par Claude Bernard Petitot
  5. Sur le site PhaleseHenriette de Rohan
  6. Mlle Anne de Rohan, bonne fille, fort simple, quoyqu’elle sceüst du latin et que toute sa vie elle eust fait des vers ; à la vérité, ils n’estoient pas les meilleurs du monde. Sa soeur la bossue, avoit bien plus d’esprit qu’elle : j’en ay déjà escrit un impromptu. Elle avoit une passion la plus desmesurée qu’on ayt jamais veûe pour Mme de Nevers, mere de la reyne de Pologne. Quand elle entroit chez cette princesse, elle se jettoit à ses piez, et les luy baisoit. Mme de Nevers estoit fort belle, et elle ne pouvoit passer un jour sans la voir, ou luy escrirre si elle estoit malade : elle avoit tousjours son portrait, grand comme la paume de la main, pendu sur son corps de robe, à l’endroit du coeur, assure Tallemant des Réaux[ ]
  7. Antoine Adam : Théophile de Viau et la libre pensée française en 1620 ; page 98
  8. Anne de RohanPlaintes de mademoiselle Anne de Rohan dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français (1853)

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