B.J. Vorster

B.J. Vorster

John Vorster

Balthazar Johannes (John) Vorster (1915-1983) était un homme politique d'Afrique du Sud, membre du Parti national, ministre de la justice de 1961 à 1966, premier ministre de 1966 à 1978 et Président de la république de 1978 à 1979.

À son apogée, John Vorster fut l'homme politique le plus puissant que l'Afrique du Sud ait jamais connu de son histoire et le plus populaire des Afrikaners au sein de la communauté blanche. Au firmament de sa vie politique, en dépit de ses réformes internes et de la politique de détente qu'il mène auprès de plusieurs chefs d'états africains, il laisse un pays singulièrement isolé sur la scène internationale et les Afrikaners en proie à une plus grande inquiétude existencielle[1]. Son nom est devenu par la suite l'un de ceux les plus associés au régime de l'apartheid.

Sommaire

Origines, études et militantisme

Treizième des quatorze enfants de Willem Carel Vorster et de son épouse Elizabeth Wagenaar, John Vorster est né en Afrique du Sud en 1915 à Jamestown, province du Cap. Très dévots, ses parents sont aussi des nationalistes afrikaners.

Il fait ses études de droit à l'université de Stellenbosch (1938), un bastion du nationalisme afrikaner, où il suit notamment les cours de sociologie d'Hendrik Verwoerd. Il est également de la section des jeunes du Parti national de Stellenbosch. En 1939, il devient avocat auprès de la cour suprême du Cap et conseiller juridique d'un cabinet de Port Elizabeth où il préside une section locale du parti national jusqu'en 1941. Il est alors engagé dans de multiples activités culturelles et sportives pro-Afrikaners comme la société de culture afrikaans qu'il préside localement.

En 1941, il démissionne du parti national et renonce à se présenter aux élections générales dans la circonscription de King William's Town pour se consacrer à ses activités militantes au sein de l'Ossewa Brandwag (la sentinelle des chars à boeufs), une organisation afrikaner pro-nazie. Chef local de l'OB dans la région du Cap-Oriental, il est mis en détention par le gouvernement en avril 1942 et interné pendant plus de 14 mois en raison de ses activités politiques contre l'effort de guerre.

Une fois relaché, il est mis aux arrêts à domicile pendant 3 mois.

La guerre une fois terminée, vivant dorénavant avec son épouse à Brakpan au Transvaal, John Vorster rejoint le parti Afrikaner et se présente aux élections générales de 1948, en tant que candidat indépendant mais il est battu de 2 voix par le candidat du parti uni, Alfred Trollip. Cinq ans plus tard, en 1953, il est néanmoins élu dans la circonscription voisine de Nigel. Il est parallèlement admis au barreau de Johannesburg.

L'accession au pouvoir

En 1958, John Vorster entre dans le nouveau gouvernement dirigé par Hendrik Verwoerd, en tant que vice-ministre de l'éducation, des arts et des sciences et vice-ministre des pensions et de la sécurité sociale. est nommé ministre de la justice en 1962 dans le gouvernement de Hendrik Verwoerd et fut l'auteur de l'arsenal législatif des plus répressifs contre les militants anti-apartheid après le massacre de Sharpeville.

Il devint premier ministre en 1966 à la suite de l'assassinat de Verwoerd par un déséquilibré.

Un premier ministre pragmatique (1966-1976)

Plus pragmatique, plus émotionnel et surtout moins dogmatique que son prédécesseur, il entreprit une politique de détente avec les états africains. Il fit exempter les diplomates du Malawi de l'application des lois d'apartheid et noua des relations suivies avec les autres dirigeants d'Afrique noire comme Félix Houphouët-Boigny de Côte d'Ivoire ou Kenneth Kaunda de Zambie. Dans le même temps, il apportait une aide militaire et policière au gouvernement blanc de Ian Smith en Rhodésie du Sud.

Pour John Vorster, l'apartheid repose sur la loyauté qu'il doit envers son peuple. Au racisme explicite d'un JG Strijdom et implicite d'un Hendrik Verwoerd avait succédé un homme qui déclarait sans ambiguité à ses compatriotes qu'il n'existait pas de races supérieures ou inférieures, mais des races et des cultures différentes[2]. Pour John Vorster, l'Afrique du Sud appartenait cependant aux seuls Afrikaners et les noirs n'étaient pas des sud-africains mais des travailleurs migrants. Vorster modifia ainsi les perspectives politiques des bantoustans, envisagées à long terme par Verwoerd, en proposant l’octroi plus rapide de l’autonomie politique aux différents homelands. Il autorisa également la venue de joueurs māori pour jouer dans l'équipe internationale de rugby de Nouvelle-Zélande contre les Springboks sud-africains.

Ces quelques exceptions aux lois d'apartheid provoquèrent un schisme au sein du parti quand les plus extrémistes firent scission pour fonder le Herstigte Nasionale Party (HNP). Ce schisme parvint à renforcer la popularité de Vorster au sein de la communauté blanche, y compris chez les progressistes anglophones. Après s'être montré intraitable au début des années 1960 avec les nationalistes noirs anti-apartheid en concoctant les lois les plus répressives du régime, il se montrait maintenant intraitable avec les conservateurs verwoerdiens, n'hésistant pas à risquer le schisme politique afin de préserver, selon sa vision, l'unité et la source du pouvoir afrikaner[3]. Au cours des années 1970, au fait de son apogée politique, le maintien de l'unité afrikaner devint la fin en soi de la politique de Vorster et le développement séparé en accordant l'indépendance aux bantoustans la réponse définitive de son gouvernement[4]. Ainsi, en 1976, le Transkei est le premier bantoustan à devenir officiellement indépendant suivi par le Bophuthatswana après de longues négociations avec Lucas Mangope. Cependant la communauté internationale refusa de reconnaître ces nouveaux états noirs apparus dans ce qui était la République d'Afrique du Sud, unitaire à domination blanche.

La politique de détente de John Vorster

La politique de détente et d'ouverture à l'Afrique suscita le plus grand intérêt mais sa tentative de faire de l'Afrique du Sud une superpuissance régionale et stabilisatrice se heurta au contexte géopolitique de l'époque.

La révocation du mandat sud-africain sur le Sud-Ouest Africain (future Namibie) et l'exclusion de l'ambassadeur d'Afrique du Sud par l'assemblée générale des Nations unies en 1974 mirent à mal cette politique de détente. Pourtant, avec ses réformes intérieures concernant l'apartheid, sa médiation dans le conflit en Rhodésie et l'annonce d'une conférence constitutionnelle dans le Sud-Ouest Africain, John Vorster voulait démontrer sa bonne foi et la capacité de l'Afrique du Sud à s'imposer comme une force régionale de stabilisation. Pour Robert Jaster, Chef de la CIA en Afrique, la Rhodésie était le test majeur pour cette politique de détente d'autant plus que les buts de Vorster différaient de ceux de Ian Smith, premier ministre de Rhodésie et seul homme politique blanc de la région dont la côte de popularité était supérieure à celle du premier ministre sud-africain au sein de la communauté blanche[5]. En 1975, John Vorster fit pression pour que le régime de Ian Smith accepte de négocier le principe d'un passage du pouvoir à la majorité noire. Dans ce but, il fit retirer son appui militaire aux forces rhodésiennes et réduisit les liens commerciaux. En concordance avec Kenneth Kaunda, le président de Zambie, John Vorster fit organiser à Victoria Falls, sur le pont frontalier au-dessus des chutes, une rencontre entre Ian Smith et les principaux chefs rebelles de Rhodésie, à savoir Joshua Nkomo, le révérend Sithole, Abel Muzorewa et Robert Mugabe. Mais la dissension au sein même des rebelles provoqua l'échec des négociations. Parallèlement le président de Tanzanie, Julius Nyerere, plaidait avec plus de succès auprès des rebelles et des pays de la ligne de front pour un renforcement de la lutte armée en Rhodésie[6].

La politique de détente de Vorster fut définitivement enterrée avec l'appui du gouvernement sud-africain aux mouvements rebelles aux nouveaux gouvernements indépendantistes du Mozambique et d'Angola. Après avoir lancé les troupes sud-africaines en Angola et être parvenu à quelques kilomètres de Luanda, c'est contre la volonté des militaires que John Vorster fit retirer les troupes sud-africaines après avoir été désavoué par ses alliés (les États-Unis d'Amérique et le Zaire) et s'être heurté à des contingents cubains équipés d'armes soviétiques.

Les relations avec l'Ouest

Alors que les relations de l'Afrique du Sud avec les pays occidentaux s'était maintenue à un bon niveau jusqu'au milieu des années 1970, celles-ci se détériorèrent avec l'arrivée au pouvoir de Jimmy Carter aux États-Unis. En 1977, pour la première fois, les pays occidentaux disposant d'un droit de veto au conseil de sécurité des Nations unies refusèrent de bloquer une résolution instaurant un embargo total sur la vente d'armes à destination de l'Afrique du Sud. Parallèlement, le gouvernement américain faisait savoir qu'il ne soutiendrait plus le gouvernement sud-africain dans sa politique au sud-ouest africain et renonçait à sa médidation avec le gouvernement rhodésien.

En 1976, pour redresser l'image de son pays et pallier les sanctions internationales, John Vorster entreprit une série de visites en Europe (France, Allemagne) et au Moyen Orient. Sa visite d'Etat en Israël afin de relancer la coopération militaire et nucléaire entre les deux pays, reste son plus grand succès diplomatique. Accueilli par Yitzhak Rabin comme un "défenseur des libertés" au nom des valeurs communes aux deux états, Vorster s'inclina devant le mémorial dédié à l'holocauste et le mur des lamentations[7].

La chute (1976-1979)

En 1976, son ministre de l'éducation, Andries Treurnicht, tenta d'imposer, aux écoliers noirs, l'enseignement obligatoire en afrikaans déclenchant les émeutes de Soweto suivi de la répression par les forces de sécurité. Pour John Vorster, les émeutes sont moins une contestation du régime qu'une faillite des services de sécurité, incapables de prévoir l'évènement et arrêter les meneurs en amont[8]. La répression menée par les forces de police aboutit notamment à l'arrestation et la mort de Steve Biko en 1977, prélude au vote de la résolution onusienne interdisant la vente d'armes à l'Afrique du Sud.

Lors des élections, le parti national mené par Vorster remporte son plus grand succès électoral (64% des voix) alors que l'opposition de droite et celles de gauche sont anémiées. John Vorster bénéficie alors au sein de la communauté blanche, tant chez les anglophones que chez les Afrikaners, d'un taux d'approbation supérieur à 80%[9]. Même l'un des plus fermes opposants à l'apartheid, Donald Woods, ne manque pas pourtant de parler avec une certaine empathie de ses entretiens avec John Vorster. John Vorster ne va pas pourtant profiter de sa popularité pour réformer réellement l'apartheid, refusant de risquer un schisme réel au sein de sa communauté et par ailleurs confiant dans l'appareil d'état pour écraser toute résistance à l'ordre établi[10].

En 1978, un scandale politico-financier (emploi de fonds secrets par le ministre de l’Information pour financer dans la presse nationale et internationale des articles favorables à la politique gouvernementale) emporta son "dauphin" Connie Mulder.

Compromis dans l'affaire, John Vorster accepta de démissionner de son poste de 1er ministre en octobre pour se faire élire Président de la république (fonction honorifique à cette date) par les députés. Son ministre de la défense, Pieter Botha, lui succéda à la tête du gouvernement.

En juin 1979, rattrapé par le scandale de l'information, il est acculé de nouveau à la démission et, aigri, se retire de la vie politique pour vivre à Oubos, à 150 km à l'ouest de Port Elizabeth.

En 1982, il sort de sa réserve pour désapprouver les réformes de Botha et assiste au congrès fondateur du Parti Conservateur (CP) d'Andries Treurnicht à la suite de sa démission du Parti national.

Malade depuis plusieurs années, John Vorster est mort au Cap en 1983 et enterré à Kareedouw, cap-oriental, le 13 septembre 1983.

Références

  1. BJ Vorster et le cheval du sultant, article du professeur et politiste Hermann Giliomee sur Politicsweb, 3 septembre 2008
  2. BJ Vorster et le cheval du sultant, article du professeur et politiste Hermann Giliomee sur Politicsweb, 3 septembre 2008
  3. "BJ Vorster et le cheval du sultant", article du professeur et politiste Hermann Giliomee
  4. BJ Vorster et le cheval du sultant, article du professeur et politiste Hermann Giliomee sur Politicsweb, 3 septembre 2008
  5. "BJ Vorster et le cheval du sultant", article du professeur et politiste Hermann Giliomee
  6. "BJ Vorster et le cheval du sultant", article du professeur et politiste Hermann Giliomee
  7. Article du Guardian
  8. "BJ Vorster et le cheval du sultan", article du professeur et politicologue Hermann Giliomee
  9. "BJ Vorster et le cheval du sultan", article du professeur et politicologue Hermann Giliomee
  10. "BJ Vorster et le cheval du sultan", article du professeur et politicologue Hermann Giliomee

Sources

  • E. J. Verwey, E. W. Verwey, Nelly E. Sonderling, New dictionary of South African biography, Human Sciences Research Council Press, 1999, p 253-259
Précédé par John Vorster Suivi par
Nicolaas Johannes Diederichs
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Président de l'Afrique du Sud
1978 à 1979
Marais Viljoen
Hendrik Verwoerd
Safricaarms.png
Premier ministre d'Afrique du Sud
1966 à 1978
Pieter Botha
F.C. Erasmus
Flag of South Africa 1928-1994.svg
Ministre de la justice
1961 à 1966
Petrus Cornelius Pelser


Drapeau de l'Afrique du Sud de 1928 à 1994 Présidents d'Afrique du Sud Drapeau de l'Afrique du Sud depuis 1994

Présidence honorifique (1961-1984)
Charles Robert Swart · Théophilus Ebenhaezer Donges · Jozua François Naudé (interim) · Jacobus Johannes Fouché · Nicolaas Johannes Diederichs · John Balthazar Vorster · Marais Viljoen

Présidence exécutive (depuis 1984)
Pieter Botha · Frederik de Klerk · Nelson Mandela · Thabo Mbeki · Kgalema Motlanthe ·
Jacob Zuma


Drapeau de l'Afrique du Sud de 1912 à 1928 Premiers ministres d'Afrique du Sud Drapeau de l'Afrique du Sud de 1928 à 1994

Premiers ministres d'Afrique du Sud
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