Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes

Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes

L’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, UJC (ml), raccourcie UJ, est une organisation marxiste-léniniste prochinoise fondée le 10 décembre 1966 par une centaine de militants exclus de l'Union des étudiants communistes (UEC). Dirigée par Robert Linhart, Benny Lévy et Jacques Broyelle, elle est principalement implantée à Paris à l'École normale supérieure. Dissoute le 12 juin 1968 par un décret du président de la République, elle donne naissance à la Gauche prolétarienne, tandis que d'autres militants fondent Vive la révolution (VLR).

Sommaire

Historique

L'ébullition militante du début des années 1960 : chute des « Italiens », émergence du « cercle d'Ulm » et éclatement de l'UEC

L'Union des étudiants communistes (UEC) est traversée au début des années 1960 par d'importants mouvements de contestation cherchant notamment à l'émanciper de la tutelle du Parti communiste français (PCF) : ainsi, le 27 octobre 1960, en pleine guerre d'Algérie et contre l'avis du Comité central du PCF, son bureau national (BN) appelle à manifester contre la guerre, aux côtés de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF).

Cette fronde passe également par l'organe de l'UEC, Clarté, situé depuis 1962 3, place Paul-Painlevé et largement contrôlé par ceux qu'on appelle les « Italiens[1],[2] », qui parviennent à emporter le BN lors du VIe congrès de l'UEC qui se tient à Châtillon-sous-Bagneux en mars 1963. Est adopté à cette occasion un programme relativement autonome, notamment en ce qui concerne la nouvelle situation étudiante et l'alliance avec les ouvriers[3], et le délégué des Jeunesses communistes italiennes est ovationné, au moment même où les relations entre le PCF et le Parti communiste italien de Palmiro Togliatti sont conflictuelles[4].

Le PCF décide de reprendre la main et de marginaliser l'« aile italienne ». Le VIIe congrès, réuni à Palaiseau en mars 1964, est marqué par le statu quo[5]. En décembre 1964, le bureau national de l'UEC, attaqué par le Comité central du PCF, après la destitution de Nikita Khrouchtchev le 15 octobre, décide de faire paraître dans Clarté une lettre au Comité. Celle-ci, véritable « testament politique » des « Italiens » est publiée dans le numéro de janvier 1965 : c'est un violent réquisitoire contre le stalinisme, « déviation grave du marxisme », appelant à en finir avec l'« ouvriérisme » et plaidant pour une autonomie complète de l'UEC à l'égard du PCF[6]. Le VIIIe congrès de l'UEC, qui a lieu à Montreuil, dans le parc de Montreau, début mars 1965, est marqué par la chute des « Italiens », avec l'appui du cercle d'Ulm.

Création de l'UJC (ml) et élaboration de la ligne : enquêtes et établissement

Au cours de son Ier Congrès qui se tient en janvier-février 1967, l'UJC (ml) adopte une résolution politique, développant les principes qu'elle entend défendre :

« 1° L'UJC (ml) doit diriger la lutte des classes à l'université et dans la jeunesse ; elle doit mener une lutte idéologique intransigeante contre l'idéologie bourgeoise et son complice, révisionniste, contre l'idéologie petite-bourgeoise : particulièrement l'idéologie pacifiste, humaniste et spiritualiste.
Elle doit développer les idées du communisme scientifique.
2° Pour ce faire, l'UJC (ml) doit continuer à progresser dans la formation théorique et politique de ses militants.
Elle doit créer une université rouge qui pourra se mettre au service des ouvriers avancés, de tous les éléments révolutionnaires.
3° L'UJC (ml) doit être à la tête des luttes anti-impérialistes dans la jeunesse, à la tête du front uni de la jeunesse contre l'impérialisme américain, ennemi principal des peuples du monde entier.
L'UJC (ml) contribuera de toutes ses forces à imposer contre toutes les manœuvres confusionnistes et provocatrices un soutien puissant, sans réserves, à la guerre populaire que mènent victorieusement nos camarades vietnamiens.
L'UJC (ml) impulsera les luttes contre l'impérialisme français.
4° L'UJC (ml) contribuera à former des intellectuels révolutionnaires qui se lieront aux ouvriers et au peuple travailleur. Elle instituera de nouvelles formes d'organisation qui rendront possible la réalisation de cette tâche[7]. »

Pour l'UJC (ml), les étudiants doivent se mettre à l'écoute des masses : procéder par « enquêtes » — conformément aux paroles de Mao Zedong pour qui « la seule méthode qui permette de connaître une situation, c'est d'enquêter sur la société, sur la réalité vivante des classes sociales[8] » —, se lier in concreto et non in abstracto aux masses ouvrières en allant travailler dans les usines comme « établis[9] ». Après la série d'enquêtes débutées à l'été 1967, la première vague d'établissements a lieu à l'automne 1967 : Nicole Linhart s'établit aux Charcuteries Géo au Kremlin-Bicêtre et Claudie Broyelle à Montrouge.

L'UJC (ml) crée par ailleurs les Comités Viêtnam de base (CVB) — par opposition au Comité Viêtnam national (CVN) proche de la JCR — pour défendre le régime du Nord-Viêtnam contre l'armée américaine et publie le journal Garde rouge. Elle crée aussi le Mouvement de soutien aux luttes du peuple (MSLP), dont le journal, dirigé par Roland Castro, est la première version de La Cause du peuple. Le premier numéro est vendu le 1er mai 1968, à l'occasion du traditionnel défilé syndical et ce malgré de violents heurts avec le service d'ordre de la CGT[10].

Afin d'organiser le service d'ordre des manifestations mais aussi de mener des actions « militaires » contre l'extrême droite, le PCF ou la police, l'UJC (ml) se dote d'une branche paramilitaire, les GPA (Groupes de protection et d'autodéfense), dirigée par Olivier Rolin et animée par Jean-Marc Salmon, Jacques Rémy, Jean-Claude Zancarini (dit « Tarzan »), Didier Truchot, Jean-Paul Cruse (dit « Paulo ») ou encore Maurice Brover (dit « Momo »)[11]. Le 28 avril 1968, les GPA attaquent à Paris l'exposition sur les crimes des Vietcongs organisée par le Front uni de soutien au Sud-Viêtnam dirigé par Roger Holeindre qui se tient, 44, rue de Rennes, au siège de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Les étudiants de la Sorbonne s'attendent alors dans les jours qui suivent à une riposte de l'extrême droite, le mouvement Occident ayant déclaré vouloir se venger. Le 3 mai, le rassemblement des différents services d'ordre des organisations d'extrême gauche dans la cour de la Sorbonne provoque l'intervention de la police et la première émeute de Mai 68.

L'UJC (ml) et Mai 68 : un rendez-vous manqué ?

L'UJC (ml) condamne toutefois le mouvement naissant, jugeant les manifestations étudiantes « petites-bourgeoises ». Persuadée que les étudiants sont victimes d'un « complot social-démocrate » qui vise à les tenir éloignés de la classe ouvrière et à limiter le mouvement à des « objectifs réformistes[12] », l'UJC (ml) décide de ne participer à aucune manifestation.

La dissolution du 12 juin et l'implosion

À la suite des violents affrontements à l'usine Renault de Flins et à Peugeot-Sochaux, l'UJC (ml) est interdite par décret du Président de la République le 12 juin 1968, deux jours après la mort de l'étudiant Gilles Tautin, à Flins, qui se noie en tentant d'échapper à la police après une action des maos.

À l'été 1968, après une réunion clandestine de la direction, tenue début juillet dans un appartement du 12e arrondissement de Paris, non loin de la place Daumesnil, les militants de l'ex-UJC (ml) organisent une « longue marche » à la rencontre de la « France populaire » au cours de laquelle jeunes lycéens, étudiants et quelques enseignants vont participer aux travaux et aux luttes de la paysannerie : Benny Lévy à Sochaux, Monique et André Cuisinier à Lyon, Nicole et Robert Linhart en Languedoc, avec des ouvriers de Citroën, Gérard Miller dans la région nantaise, Jean Terrel, président de l'UNEF, Jean-Pierre Le Dantec et Gérard Vallerey dans les Côtes-du-Nord[13].

La fin de l'été 1968 est marquée par l'implosion de l'ex-UJC (ml). Une minorité de militants, autour de Benny Lévy et son frère Tony, Christian Riss, Jean Schiavo, Olivier Rolin, Jean-Claude Zancarini, Maurice Brover, Serge July, Alain Geismar, Jean-Paul Cruse, Gilbert Castro, Jacques Theureau, Jean-Pierre Le Dantec, Bernard Liscia et Robert Linhart — éloigné cependant du Comité exécutif du fait de son « établissement » à l'usine Citroën de la porte de Choisy[14] — fonde la Gauche prolétarienne[15]. Selon Christophe Bourseiller, la majorité d'entre eux, tels Claudie et Jacques Broyelle, André et Monique Cuisinier, Arnold Bac ou Gérard Vallerey, aurait cependant rejoint le Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF)[16], fondant ainsi Vive le communisme qui se transformera en Vive la révolution (VLR), dont firent partie l'architecte Roland Castro, Tiennot Grumbach ainsi que l'historien Stéphane Courtois.

Notes et références

  1. Hervé Hamon et Patrick Rotman, Génération 1. Les années de rêve, Éditions du Seuil, collection « Points – essais », 2008, p. 119, 128-135 et 189.
  2. Parmi les représentants de l'« aile italienne », peuvent être cités : Jean-Marcel Bouguereau, Roland Castro, Alain Forner, Serge July, Pierre Kahn, Bernard Kouchner, Marc Kravetz, Jean-Louis Péninou et Marie-Noëlle Thibaud.
  3. Hervé Hamon et Patrick Rotman, op. cit., p. 112.
  4. Hervé Hamon et Patrick Rotman, op. cit., p. 111.
  5. Hervé Hamon et Patrick Rotman, op. cit., p. 207-214.
  6. Hervé Hamon et Patrick Rotman, op. cit., p. 237-239.
  7. « Résolution politique de la Ire session du Ier Congrès de l'UJC (ml) », Les Cahiers marxistes-léninistes, n°15, janvier-février 1967.
  8. « Enquêtes et recherches », in Petit Livre rouge. La citation est extraite de « Préface et postface aux Enquêtes à la campagne (mars et avril 1941) », Œuvres choisies de Mao Tsé-toung, tome III.
  9. « Sur l'établissement », 1968.
  10. Christophe Bourseiller, Les maoïstes. La folle histoire des gardes rouges français, Éditions du Seuil, collection « Points – essais », 2008, p. 129.
  11. Christophe Bourseiller, op. cit., p. 121.
  12. « Et maintenant aux usines ! », tract de l'UJC (ml), 7 mai 1968.
  13. Christophe Bourseiller, op. cit., p. 146-147.
  14. Robert Linhart, L'Établi, Les Éditions de Minuit, 1978.
  15. Christophe Bourseiller, op. cit., p. 155.
  16. Christophe Bourseiller, op. cit., p. 148.

Bibliographie

Liens internes

Lien externe


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