Travail à la chaine

Travail à la chaine

Le travail à la chaine consiste à décomposer un travail complexe en tâches élémentaires et hiérarchisées pour les faire ensuite s'exécuter de manière successive et répétitive.

Il s'agit d'une application du principe très ancien de la division du travail qui connait des développements pratiques attestés dès le XVIIe siècle notamment dans les chantiers navals hollandais ou vénitiens, et qui connaitra son apogée dans l'activité automobile au début du XXe dans les usines Ford aux États-Unis ou Renault en France.

Sommaire

Les chantiers navals Hollandais

L'économiste anglais William Petty évoque les prémisses du phénomène dans son ouvrage L'Arithmétique politique, dans lequel il rend compte de l'étude qu'il a faite des chantiers navals hollandais. Alors que les chantiers navals construisent traditionnellement un bateau à l'unité, finissant chaque navire avant d'en commencer un autre, il constate que les Hollandais organisent et programment l'intervention des équipes selon des compétences différentes et en faisant réaliser par chacune d'elle les mêmes tâches, de manière séquentielle sur des bateaux différents.

L'arsenal de Venise

Article détaillé : Arsenal de Venise.

Au XVIIe siècle, 16 000 ouvriers répartis sur 25 hectares forment ce qui est à l'époque probablement le premier ensemble industriel du monde connu.

L'arsenal assure :

  • des activités de fonderie, de fabrique de fusils, de rames et de mats ;
  • entretient des entrepôts de bois, de charbon, de poudre ;
  • gère des des hangars d'artillerie, des cales sèches, la surveillance des résines.

Par un système de passage des bateaux devant les ateliers, on chargeait au fur et à mesure de la construction des navires tous les équipements et l'accastillage à embarquer, mais aussi les provisions alimentaires et finalement les hommes d'équipage. De la sorte les Vénitiens étaient capables d'équiper et d'armer une galère en une seule journée. Pour défendre la colonie de Chypre, l'arsenal sera capable d'équiper et d'armer 150 navires de guerre en deux mois. Par ailleurs l'arsenal maintenait toujours sur pied de guerre une réserve de 100 galères en état de fonctionnement immédiat.

Activités pré-industrielles

  • Dans la Littérature technique : En particulier en 1740 , dans le texte de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, la Description des Arts et Métiers, donne un aperçu de l'organisation et du fonctionnement d'un atelier de fabrication d'aiguilles à Aigles en Normandie.
  • À la même époque, l'industrie horlogère du Jura fonctionne selon le procédé de l'établissage, selon lequel différentes pièces sont fabriquées par des artisans très spécialisées : Répartis sur un large territoire, 150 ouvriers participaient à la création d'une montre, assemblée in fine sur un site unique tenu par «l'établisseur[8] ». Le procédé sera perfectionné et mécanisé dans les années 1770-1780 par Frédéric Japy et ensuite ses fils.

Henry Ford

Article détaillé : Fordisme.

En 1908, Henry Ford présente son modèle de la Ford T, voiture qu'il a conçue et qu'il destine à un large public. Pour ce faire, quelques années plus tard (le 1er mars 1913) il installe dans son usine automobile de Détroit la première chaine d'assemblage d'une voiture automobile.

L'originalité du procédé réside dans l'installation à mi-hauteur de corps d'homme d'un convoyeur qui déplace d'un poste de travail à un autre le véhicule en cours de montage. Le travail étant apporté à l'ouvrier (et non l'inverse), celui ci n'a plus qu'à exécuter les opérations limitées et strictement définies qui lui ont été allouées. La méthode se révèle efficace: le temps de montage est divisé par douze dans les années 1920.

Alors que la fabrication nécessite 12 heures de travail en 1913, 93 minutes suffisent en 1914. Les économies réalisées en production permettent :

  • de produire des voitures moins chères (690 dollars en 1911, 290 dollars en 1924) ;
  • de passer le salaire moyen de 4,2 dollars à 5 puis à 10 dollars par jour ;
  • de réduire le temps de travail de 9 à 8 heures ;
  • de constater qu'en 1929, 49 % des ouvriers de l'automobile à Détroit possèdent une voiture.

Louis Renault

Le travail à la chaine s'inspire d'expériences réalisées depuis la fondation de l'entreprise Renault en 1898. Mais la mise en place de l'idée se heurte à une opposition larvée. Le procédé fera l'objet d'une première mise en place chez Renault pendant la guerre 14-18 dans la fabrication d'obus sous la pression des énormes besoins en armement. La paix revenue, il faudra attendre les années 1920 pour concrétiser définitivement l'idée d'une telle organisation des ateliers automobiles. Il est vrai qu'il ne s'agit pas seulement de travailler en cadence selon un même système de travail : pour que la chaine fonctionne, il faut qu'une multitude d'intervenants soient coordonnés, depuis les ingénieurs de conception jusqu'aux ouvriers « spécialisés ».

Depuis les années 1950

Malgré son évident succès dans le domaine de la production, et les augmentations de salaire obtenues par les ouvriers, ceux-ci dénoncent l'inhumanité du travail à la chaine :

  • travail d'exécution pure, sans initiative
  • conditions du travail posté ( par exemple travail en équipes de 2 ou 3 fois huit heures)
  • statut d'OS (ouvrier spécialisé) ressenti comme peu gratifiant et dépourvu d'avenir professionnel.

Par ailleurs, les techniques d'automation font qu'un nombre croissants de postes de la chaine sont automatisés. Mais surtout le paradigme de la production de masse qui sous-tend le processus du travail à la chaine est battu en brèche par de nouveaux principes en provenance du Japon où les constructeurs concurrents tels que Toyota ont réussi une percée industrielle et commerciale remarquables en pratiquant des méthodes basées sur des axiomes différents (« Juste-à-temps » ou JAT)

L'avenir du travail à la chaine

Selon le GERPISA[1] l'avenir du travail à la chaine se situe dans un triangle dont les pointes sont :

  • le système « fordien pur », reposant sur le taylorisme et la grande série ;
  • le modèle « japonais pur », reposant sur le « Juste-à-temps » et la « Qualité totale » ;
  • le « pôle kalmarien », du nom de l'usine suédoise de Volvo, où les salariés travaillent en équipes autonomes.

Notes et références

  1. L'Avenir du travail à la chaine ; Essai de comparaison internationale, sous la direction de J.P. Durand, Ed. La Découverte, Paris

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