Transition démocratique espagnole

Transition démocratique espagnole

La transition démocratique espagnole (en espagnol, Transición Española) désigne le processus correspondant au remplacement progressif du franquisme par un régime démocratique. On considère habituellement qu'elle s'étend de la mort du général Franco, en 1975, jusqu'à la première alternance politique, en 1982, avec l'arrivée au pouvoir du Parti socialiste ouvrier espagnol de Felipe González.

Sommaire

La transition constitutionnelle (1975-1978)

Le premier gouvernement de Juan Carlos Ier (nov. 1975-juillet 76)

Deux jours après la mort du général Francisco Franco, le 20 novembre 1975, le prince Juan Carlos de Borbón est proclamé roi d'Espagne sous le nom de Juan Carlos Ier et devient ainsi le nouveau chef de l'État.

Juan Carlos Ier hérite de tous les pouvoirs réservés par les lois du régime franquiste au chef de l'État, et notamment de la direction de trois corps franquistes, constitués de l'armée, du Mouvement national (parti unique) et des Cortes franquistes.

Le 12 décembre 1975, sa première décision est de confirmer à son poste, Carlos Arias Navarro, le dernier président du gouvernement de Franco.

De timides signaux d'ouverture sont envoyés de la part du nouveau gouvernement à la société civile mais celle-ci en attend davantage maintenant de ce dernier, d'autant plus qu'aux frontières, le Portugal s'est démocratisé suite à la révolution des Œillets en 1974.

Le roi, tout comme une partie des dirigeants du régime ressentent cette demande et se doivent de négocier le passage vers la démocratie, en formant ce qu'on désigne comme le groupe des « aperturistes », en opposition de ceux qui censurent toute évolution du régime (les « bunkeristes »).

Face au corps dirigeant du régime, en début 1976 apparaissent les deux premières organisations politiques : la « Plateforme de coordination démocratique » représentant la démocratie-chrétienne et les socialistes d'une part, d'autre part la « Junta » démocratique dirigé par le Parti communiste d'Espagne (PCE).

Dans la rue, la contestation qui a lieu pour exiger la démocratie et la dissolution des structures administratives franquistes, dégénère parfois en violence. La violence est même encouragée durant tout le processus par des mouvements d'extrême gauche, des groupes terroristes comme ETA ou Grapo mais aussi par des groupes de néofascistes qui refusent toute évolution. Ils ne réussiront pas cependant à faire dégénérer les discussions en confrontation ouverte mais, au contraire, affirmeront le compromis de la majorité dans le processus démocratique. C'est pourquoi notamment, alors que certains observateurs envisageaient fin 1975 un retour à une forme de guerre civile qui n'a finalement pas eu lieu, que l'on considère que la Transition a été un processus pacifique.

Le 3 mars 1976, cinq ouvriers sont tués et une centaine de personnes blessés lors de graves affrontements à Vitoria (Pays basque) entre la Police (surnommée « los grises » par la couleur de leur uniforme) et les participants à une réunion ouvrière. De cet évènement va naître la Coordination démocratique ou « Platajunta », union de d'une Plataforma de Coordinación Democrática et de la Junta Democrática.

Le 9 mai 1976, deux militants carlistes (monarchistes d'une branche dissidente) sont tués à Montejurra (Navarre) par des radicaux issus de la même formation.

Tous ces incidents provoquent une prise de conscience au niveau du pouvoir et dès mai 1976, deux lois reconnaissant le droit de réunion et d'association sont approuvées par les Cortès.

Arias Navarro, en désaccord avec la ligne politique réformiste que veut suivre le roi, est contraint à la démission le 1er juillet 1976.

La désignation d'Adolfo Suárez et la dissolution du régime (juil. 1976- avr. 1977)

Le roi va alors pouvoir nommer un homme de confiance qu'il avait repéré depuis un certain temps et qui partage son intention de conduire le pays vers un nouveau régime.

Adolfo Suarez, homme de confiance de Juan Carlos Ier et de la ligne « aperturiste » qui représentait le parti unique au sein du gouvernement d'Arias Navarro, est ainsi nommé au poste de président du gouvernement le 3 juillet 1976.

Sous le gouvernement d'Adolfo Suárez, une série de réformes essentielles à la réussite de la Transition sont entreprises par les institutions du régime.

Pendant le mois de juillet 1976, les partis politiques sont légalisés à l'exception de ceux qui prônent un État totalitaire et, à la fin du mois, le 31 juillet 1976 l'amnistie générale est déclarée pour tous les prisonniers politiques ou de conscience (à l'exception de ceux condamnés pour actes de terrorisme).

Le 16 novembre 1976, il fait approuver par le Congrès des députés franquistes sa propre dissolution (exigence formulée par Franco lui-même) avec la loi de réforme politique (le « Hara-kiri » des Cortes franquistes), validé le 15 décembre par référendum.

Peu avant, le 5 décembre 1976, le PSOE organise la première assemblée libre d'un parti de gauche en Espagne depuis la fin de la IIe République, 37 ans auparavant.

Le 23 décembre 1976, Santiago Carrillo, secrétaire général du PCE, est arrêté, ce qui entraîne, une semaine plus tard, la dissolution du Tribunal de l'Ordre public, organe de répression du système franquiste.

Le début de l'année 1977 est marqué par de graves attentats terroristes, qui mettent en péril les réformes acquises.

Le 24 janvier 1977, un commando néofasciste assassine cinq avocats et en blesse grièvement quatre (massacre d'Atocha).

Le 30 mars 1977, la liberté syndicale est légalisée. Comme les Cortes franquistes, le Movimiento Nacional (l'ancien parti unique) dirigé par Suárez accepte sa dissolution, confirmée par décret le 1er avril 1977. Par le même décret, la censure est abrogée.

De la légalisation du PCE à l'assemblée constitutionnelle (avr. 1977-juin 1977)

Le 9 avril 1977, durant la Semaine sainte, le Parti communiste d'Espagne (PCE) est légalisé, ce qui permettra le retour au pays de nombreux anciens exilés républicains, parmi lesquels des dirigeants historiques du communisme espagnol, tels que Dolores Ibárruri (dite « La Pasionaria »). La monarchie parlementaire et ses symboles seront acceptés par le PCE.

Le 28 avril 1977, les centrales syndicales sont légalisées : l'Union générale des travailleurs (UGT, socialiste) et les CCOO (Commissions ouvrières, communistes) deviendront les plus importantes au niveau national.

En mai 1977, le président du gouvernement Adolfo Suárez crée sa propre formation politique, l'Union du centre démocratique (UCD).

Tolède, 15 juin 1977 - électeurs

Le 15 juin 1977, les électeurs espagnols élisent l'assemblée constituante. C'est la première élection démocratique depuis 1936.

L'UCD de Suárez sort vainqueur. En deuxième position arrive le PSOE puis plus loin derrière, le PCE et Alliance populaire, dirigée par l'ancien ministre franquiste Manuel Fraga.

La rédaction de la constitution espagnole de 1978 (juin 1977-oct. 1978)

Article détaillé : Constitution espagnole de 1978.

Le nouveau parlement travaille à la rédaction du texte de la nouvelle constitution. Les rédacteurs sont issus de tous les partis politiques de l'assemblée : Gabriel Cisneros, Miguel Herrero et José Pedro Pérez Llorca (UCD), Gregorio Peces-Barba (PSOE), Manuel Fraga (Alliance populaire), Miquel Roca (Parti nationaliste catalan) et Jordi Solé Tura (PCE).

La crise économique, les actes terroristes et les questions du Pays basque et la Catalogne sont les principaux fronts de bataille du premier gouvernement démocratique.

En septembre 1977, la Generalitat de Catalogne est rétablie, présidé par Josep Tarradellas.

Le 12 décembre, l'autonomie de la Communauté autonome du Pays basque (Euskadi) est reconnue.

Le 10 octobre 1978, le texte de la nouvelle constitution est approuvé par le Parlement. Le maintien de l'unité de l'Espagne est confirmée mais l'État est décentralisé.

Le 6 décembre 1978, la constitution est approuvée par référendum. Elle entre en vigueur le 29 décembre 1978.

Le 6 décembre est déclaré jour de la fête nationale de la Constitution.

L'UCD, au premier gouvernement constitutionnel, 1978-1981

Après l'acceptation du texte constitutionnel, Adolfo Suárez convoque un nouvel appel aux urnes pour le Parlement et pour les municipales en mars de 1979 avec un résultat semblable à celles de 1977 : victoire du parti de l'UCD aux législatives, mais une majorité de suffrages exprimés pour les partis de gauche aux élections municipales.

En 1980, les communautés de Catalogne et du Pays basque organisent les premières élections de leurs parlements autonomes avec les victoires du Parti nationaliste basque (PNV-EAJ) et de Convergència i Unió (CiU), deux partis nationalistes modérés.

Adolfo Suárez, affaibli sur le plan politique au sein de son propre gouvernement présente sa démission le 29 janvier 1981.

La tentative de coup d'État du 23 février 1981

Article détaillé : Coup d'État du 23-F.

Une tentative de putsch surprend le Congrès des députés le 23 février 1981, au moment du débat de l'investiture du nouveau président du gouvernement, Leopoldo Calvo-Sotelo.

Quelque 200 gardes civils du lieutenant-colonel Antonio Tejero investissent le parlement aux cris de « Tout le monde par terre ! » et tirent des coups de feu. On craint la déroute du processus démocratique.

Le cerveau politique de ce putsch est en fait le général Alfonso Armada, un ancien secrétaire du roi Juan Carlos, qui veut présider un « gouvernement de concentration » avec, parmi ses ministres, six personnalités communistes et socialistes et des membres de l'UCD et de l'Alliance populaire. Il se voudrait un « de Gaulle » espagnol, qui se substituerait au chef du gouvernement, Adolfo Suárez, débordé par les nationalismes basque et catalan, par les attentats de l'ETA et par la grogne qui en résulte dans les casernes. Il a dans ce but pris contact avec de nombreux politiciens depuis plusieurs mois mais Suarez l'a pris par surprise en démissionnant le 29 janvier 1981. Armada cherche alors à imposer sa voie gaullienne aux élus du parlement. Il sauverait la nation d'un putsch qu'il pilote pourtant lui-même.

Carmen Echave (une collaboratrice du vice-président du Congrès des députés) rapporte que parmi les personnalités de droite et de gauche que voulait proposer Armada pour entrer dans son « gouvernement de concentration » figuraient Felipe González (PSOE) pour être vice-président chargé des Affaires politiques, Javier Solana (PSOE) pour être ministre des Transports et des Communications, Enrique Múgica (PSOE) pour être ministre de la Santé, Gregorio Peces Barba (PSOE) pour être ministre de la Justice, Jordi Sole Tura (PCE) pour être ministre du Travail ou encore Ramon Tamames (PCE) pour être ministre de l'Économie.

Cette liste dictée par Armada par téléphone au lieutenant-colonel Antonio Tejero Molina suscite la perplexité de ce dernier qui croyait que le putsch instaurerait un régime militaire pur et dur alors que le général Armada voulait faire approuver sa proposition de « gouvernement de concentration » par les députés. Ainsi « choqué », le lieutenant-colonel Tejero refuse net au général Armada l'accès à l'hémicycle parlementaire.

Cette rébellion dans la rébellion est déterminante dans l'échec du putsch, confirmée durant 25 ans après la tentative de coup d'État, par toutes les analyses. D'autres facteurs ont également joué. Ainsi ce n'est qu'à Valence que les chars commandés par le lieutenant-général Jaime Milans del Bosch occupent la rue.

Après avoir appelé plusieurs chefs de l'armée pour leur ordonner en tant que commandant en chef de défendre la démocratie, le roi Juan Carlos exige, lors d'une allocution télévisée, que les forces armées rentrent dans leurs casernes et soutiennent sans conditions le gouvernement démocratique légitime.

Trente-deux officiers et un civil sont ensuite jugés et condamnés pour la tentative de putsch dite du 23-F. Cet événement majeur a pour conséquence de consolider la monarchie et libérer la démocratie espagnole de la tutelle militaire. C'est à ce moment que de nombreux républicains se rallient à Juan Carlos. On les appelle les juancarlistes, selon l'expression de Jorge Semprún.

Alfonso Armada est condamné à 30 ans de prison, mais libéré dès 1988. Antonio Tejero est condamné également à 30 ans de prison, mais n'en purgera que la moitié.

L'UCD, la deuxième présidence du gouvernement (1981-1982)

Le successeur au sein de l'UCD de Adolfo Suárez est Leopoldo Calvo-Sotelo, qui est investi deuxième président du gouvernement de la démocratie espagnole le 25 février 1981, une fois finie la tentative de coup d'État du 23 février.

Pendant son mandat présidentiel, l'Espagne adhère à l'OTAN en décembre 1981. Au mois de juillet 1981, le divorce est légalisé malgré l'opposition de la hiérarchie de l'Église catholique.

La hausse du chômage, l'endurcissement du terrorisme et la désintégration de l'UCD, décident Leopoldo Calvo-Sotelo de convoquer des nouvelles élections législatives en octobre 1982.

La victoire du PSOE d'octobre 1982

Le 28 octobre 1982, le PSOE, dirigé par Felipe González, obtient la majorité absolue aux élections législatives. La formation de droite AP, dirigé par Manuel Fraga Iribarne, arrive en deuxième rang, tandis que l'UCD et le PCE perdent une grand partie de leurs électeurs.

Avec la formation du premier gouvernement de gauche depuis la fin de la guerre civile, les historiens considèrent achevé le processus de la transition démocratique espagnole.

Transition sociale

D'un point de vue culturel, on parle de la movida pour qualifier cette époque de libéralisation morale de l'Espagne.

Transition économique

Article détaillé : Économie de transition.

Annexes

Bibliographie

  • Bernard Bessière, La Culture espagnole : Les mutations de l'après-franquisme (1975-1992), Paris, L'Harmattan, 1992, 1re éd., 416 p. (ISBN 2-7827384-1477-X) 

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