Tentative d'assassinat de Jean-Paul II

Tentative d'assassinat de Jean-Paul II

Tentative d'assassinat de Jean-Paul II du 13 mai 1981

Le 13 mai 1981, Mehmet Ali Ağca, membre de l'organisation nationaliste turque des « Loups gris », tenta d'assassiner le pape Jean-Paul II, sur la place Saint-Pierre à Rome. Selon les résultats de l'enquête menée par une commission parlementaire italienne, il s'agissait d'un complot ourdi par plusieurs États du bloc communiste. Bien que cette théorie soit la plus vraisemblable, d'autres pistes ont continué à être évoquées jusqu'à ce jour.

Sommaire

De possibles mises en garde

Selon Michel Roussin[1], alors directeur de cabinet du directeur général du SDECE, les services français de renseignements extérieurs, des rumeurs auraient circulé dès la fin de l'année 1979 selon lesquelles un attentat était en préparation contre le pape, sans doute fomenté par les autorités politiques du bloc communiste. Dès le mois de janvier 1980, le Vatican est prévenu, « par l'intermédiaire d'un important responsable de l'Église de France, ami du directeur général (Alexandre de Marenches) et ancien de la France libre »[2]. Cependant, le Vatican reste sceptique[3]. Le SISMI, le service italien de renseignement, est donc prévenu en parallèle, sans guère plus de résultat.

Le déroulement de l'attentat

Le 13 mai 1981, le turc Mehmet Ali Ağca tire à deux reprises sur le pape Jean-Paul II, avant d'être rapidement maîtrisé par la foule et les services de sécurité du pape.

Peu après la tentative d'assassinat, à Noël 1983, Jean Paul II lui avait rendu visite en prison. Après une conversation privée, le pape avait déclaré : « Ce dont nous avons parlé restera un secret entre lui et moi. Je lui ai parlé comme à un frère à qui j'ai pardonné et qui a mon entière confiance. ». Ağca fut condamné en Italie à la prison à vie mais libéré après 19 années de captivité puis emprisonné en Turquie. Ağca est finalement libéré sur parole en janvier 2006.

Les différentes thèses sur les commanditaires

Un assassinat commandité par l'URSS, avec l'aide de la Bulgarie et de la RDA

Mehmet Ali Ağca a affirmé que Serguei Antonov, un responsable du bureau romain de la compagnie aérienne Balkan Air, lui avait fourni le pistolet avec lequel il a grièvement blessé Jean-Paul II et aurait agi sur ordre des services secrets bulgares. Cependant, aucune preuve déterminante n'a été apportée à ces accusations. Serguei Antonov est d'ailleurs acquitté en 1986 pour « insuffisance de preuves ». L'ouverture des archives des services secrets communistes bulgares en 1989 n'apporte guère d'éléments nouveaux et l'État bulgare, qui avait toujours défendu son innocence, lui a accordé en 2002 « une pension pour mérites exceptionnels ». Au cours d'un procès en Turquie, Abdullah Çatlı, autre membre des Loups Gris, a affirmé avoir donné lui-même l'arme à Ağca[4].

Pourtant, le rapport, publié en 2006, de la « commission Mitrokhine »[5], commission parlementaire italienne chargée d'enquêter sur les activités des services secrets communistes en Italie pendant la guerre froide semble confirmer la responsabilité du bloc de l'Est. L'attentat contre Jean-Paul II aurait été décidé par le dirigeant soviétique Léonid Brejnev, puis mis en œuvre par les autorités militaires d'URSS[6]. Le GRU, service secret militaire soviétique, aurait « ensuite procédé à une répartition des tâches ». Dans cette opération, les services bulgares auraient servi de « couverture » tandis que la Stasi, la police secrète est-allemande, aurait été chargée de la « désinformation ».

Le sénateur Paolo Guzzanti, qui a présidé cette commission, mentionne également le fait que le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière lui aurait confié en octobre 2004 avoir acquis la conviction que l'attentat commis par Ali Agca contre le pape le 13 mai 1981 avait été l'œuvre du GRU.

Lors d'un voyage en Bulgarie en mai 2002, Jean-Paul II avait déclaré en revanche qu'il n'a jamais cru en la piste de la « connexion bulgare », déjà soutenue à l'époque par Michael Ledeen.

La Bulgarie et l'URSS nièrent formellement être impliquées dans cette tentative d'assassinat, de même que Markus Wolf, ancien maître-espion de la Stasi.

La poursuite de la « stratégie de la tension »

Selon Le Monde diplomatique, le groupe des Loups gris, dont faisait partie Mehmet Ali Ağca, aurait été manipulé » par Gladio, réseau « stay-behind » de l'OTAN. L'objectif de l'assassinat aurait été de poursuivre la stratégie de la tension en Italie, dans la continuité de l'attentat de la gare de Bologne en 1980.

Le Monde diplomatique souligne ainsi que Mehmet Ali Ağca a été aidé par Abdullah Çatlı, autre membre des Loups gris et membre notoire de Gladio[7]. La journaliste Lucy Komisar soutient également cette thèse, tandis que l'historien Daniele Ganser évoque, dans son livre sur Gladio publié en 2005, les liens entre les Loups Gris, la CIA et Counter-Guerrilla, la branche turque de Gladio[8].

La participation possible de Cosa Nostra

Une autre théorie, non contradictoire avec les deux précédente, implique la mafia. Elle aurait probablement participé à l'aspect logistique de l'opération. Cette idée est corroboré par les déclarations de plusieurs repentis de l'organisation criminelle, en particulier Vincenzo Calcara. Dans ses mémoires[9] sur les déclarations faites au juge Paolo Borsellino, il est question entre autres de l'attentat à Jean-Paul II. Calcara raconte qu'il a été personnellement chargé par l'entrepreneur mafieux et maçon Michele Lucchese (en contact avec Monseigneur Paul Marcinkus) de se rendre à Rome le 12 mai 1981, pour prélever le jour suivant deux Turcs armés place Saint-Pierre. 20 minutes après l'attentat, seul un Turc se présente au lieu de rencontre, très agité et escorté par Sergueï Antonov (arrêté et acquitté pour faute de preuve) proche de la Mafia bulgare. Avec le Turc, Saverio Furnari (capodecina de la famille de Castelvetrano) et Vincenzo Santangelo (défini comme « le filleul de notre chef absolu Francesco Messina Denaro »), Vincenzo Calcara retourne à Milan et à Paderno Dugnano, dans la maison de Lucchese, où Furnari et Santangelo tuent le Turc. C'est Calcara qui l'enterre, mais quand, après l'attentat à Paolo Borsellino, il retourne sur les lieux avec les magistrats, la terre avait été « visiblement » retournée, et le cadavre a disparu.

Interprétation religieuse

Une note de la congrégation pour la doctrine de la foi interprète cet acte comme le dernier des secrets de Fátima.

Notes et références

  1. Michel Roussin, Le gendarme de Chirac, éd. Albin Michel, 2006, p.106-109.
  2. Son nom n'est pas dévoilé dans l'ouvrage de Michel Roussin.
  3. Mgr Burgener et le cardinal Bonazzi réservent un accueil poli aux émissaires du SDECE (ibid).
  4. « Les liaisons dangereuses de la police turque - collusion entre les forces de sécurité, les loups gris et la mafia », Le Monde diplomatique, mars 1997.
  5. La commission tient son nom de Vassili Mitrokhine, un ex-agent du KGB sur les archives duquel elle s'était principalement appuyé.
  6. L'ombre de Brejnev sur l'attentat contre Jean-Paul II, Le Figaro, Alain Barluet , 3 mars 2006
  7. « La Turquie, plaque tournante du trafic de drogue », Le Monde diplomatique, juillet 1998
  8. « Les liaisons dangereuses de la police turque - collusion entre forces de sécurité, loups gris et mafia », Le Monde diplomatique, mars 1997
  9. http://www.19luglio1992.com/attachments/663_Memoriali%20di%20Vincenzo%20Calcara%20(english).pdf

Voir aussi

Bibliographie

  • Danièle de Villemarest, Pierre de Villemarest, Le KGB au cœur du Vatican, Éditions de Paris, 2006 (ISBN 2851620525)
  • Roumiana Ougartchinska, La vérité sur l'attentat contre Jean Paul II, Éditions Presses de la Renaissance, 2007 (ISBN 9782750902841)
  • Noam Chomsky, Edward Herman La fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie, Editions Contre-Feux Agone 2008 (ISBN 9782748900729)

Documentaire

  • Patrice des Mazery, Roumiana Ougartchinska, Lundi Investigation, Jean-Paul II : Contre-enquête sur l'attentat, diffusé sur Canal +, le 12 juin 2007.

Films et romans inspirés de cet événement

  • Cette tentative d'assassinat a notamment inspiré l'écrivain américain Tom Clancy pour son roman Red Rabbit.
  • Elle est également représentée dans le dernier épisode du manga Chrno crusade.
  • Le film italien Morte in Vaticano (1982), réalisé par Marcello Aliprandi, met en scène Terence Stamp dans le rôle d'un pape victime visé par un complot destiné à l'assassiner.

Liens externes

Drapeau du Vatican Articles en rapport avec le pape Jean-Paul II, sa vie, son histoire, sa mort. Drapeau du Vatican

Naissance : le 18 mai  1920  à Wadowice · Mort : le 2 avril 2005 au Vatican ·
Sa biographie · Pape : le 16 octobre  1978 · Visites du Pape · Sa mort et ses funérailles · Conclave de 2005 ·
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