Taxe sur les transactions boursières

Taxe sur les transactions boursières

Taxe Tobin

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La taxe Tobin, suggérée en 1972 par le lauréat du "prix Nobel d'économie" James Tobin, consiste en une taxation des transactions monétaires internationales afin de désinciter à la spéculation. Le taux choisi serait faible, de 0,05 % à 1 %.

L'idée du professeur Tobin a connu un certain engouement depuis la crise mexicaine de 1992-1994. Le projet a été évoqué au sein de l'ONU et du G7 d'Halifax en 1995. Robert Mundell a argumenté que cela constituerait une incitation puissante à la mise en place de monnaies communes comme l'euro.

Depuis sa fondation en 1998, l'association ATTAC défend, entre autres, l'idée de l'instauration de cette taxe et participe au mouvement altermondialiste. Elle s'est depuis implantée dans beaucoup de pays, et propose des analyses étudiant la possibilité pratique de la mise en place de la taxe.

James Tobin quant à lui s'est distancié de l'utilisation faite de son idée. Il déclarait ainsi en 2001 : « J’apprécie l’intérêt qu’on porte à mon idée, mais beaucoup de ces éloges ne viennent pas d’où il faut. Je suis économiste et, comme la plupart des économistes, je défends le libre-échange. De plus, je soutiens le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout ce à quoi ces mouvements s’en prennent. On détourne mon nom. »[1]. Une telle taxe aurait selon lui, dans le même entretien, un intérêt pour limiter les mouvements de court terme sur les monnaies mais ne doit pas être interprété dans une logique altermondialiste.

D'autres économistes, comme Joseph E. Stiglitz[2] ou Lawrence Summers[3] soutiennent le principe d'une telle taxe. Elle est cependant critiquée par la large majorité des économistes financiers.

Sommaire

Son origine

Les accords de Bretton Woods signés en 1944 ont été ratifiés par 44 pays. Ils visaient à rétablir le système monétaire mondial mis à mal suite à la Seconde Guerre mondiale. Le FMI et la Banque mondiale ont été créés à la suite de ces accords.De plus à cette époque, le dollar Américain devient la seul monnaie de référence et la seul convertible en or.

Le système de Bretton Woods s'est écroulé à la fin des années 1960, créant, selon les défenseurs de la taxe Tobin, une instabilité excessive du marché monétaire mondial qui serait due à la spéculation.

Principes

L'assiette et le taux seraient identiques dans tous les pays. Collectée et administrée par chaque gouvernement, les fonds recueillis seraient ensuite reversés à un organisme géré par le FMI, la Banque mondiale ou un organisme indépendant placé sous le contrôle de l'ONU. Les sommes ainsi récoltées seraient redistribuées prioritairement aux pays les moins avancés.

La taxe Tobin aurait donc deux avantages selon ses défenseurs : freiner la spéculation et favoriser le développement. Le faible taux ne découragerait pas les échanges non-spéculatifs.

À l'heure actuelle, elle est de plus en plus associée au concept développé par le professeur Spahn et prend le nom de taxe Tobin-Spahn. Celle-ci est une taxe à double niveau : le premier niveau est un faible taux applicable aux transactions financières tant que celles-ci restent dans les limites d'une moyenne convenue, le deuxième niveau est un taux élevé (de l'ordre de 80 %) qui s'applique automatiquement en cas d'instabilité financière.
Le taux du premier niveau, de l'ordre du centième de pourcent, est trop faible pour entraver les transactions productives mais constitue déjà un frein aux transactions spéculatives. Celles-ci, en effet, se caractérisent par des échanges financiers très rapides et très nombreux avec des marges bénéficiaires très faibles. C'est la répétition de ces échanges sur un court laps de temps qui permet d'accumuler des bénéfices importants. La taxe Tobin s'appliquant à chacune des transactions grèverait de façon importante le bénéfice final du spéculateur.

Critiques

Plusieurs critiques sont formulées à l'encontre de la taxe Tobin.

  • En dépit de son taux très faible, elle constituerait un frein aux échanges en général, étant donné qu'elle serait également prélevée sur des transactions de paiement et transfert non-spéculatives, du fait des entreprises fonctionnant en réseau, et des contraintes d'optimisation de trésorerie en temps réel. Ainsi, la Suède a abandonné une expérimentation de Taxe Tobin mise en place dans les années 1990 car elle avait entrainé une forte baisse des échanges[4].
  • Elle accentuerait la volatilité des cours des monnaies en diminuant les transactions sur les marchés et en les rendant ainsi moins liquides. C'est par exemple ce que note le journal britannique The Economist, estimant que c'est « le mauvais outil pour diminuer la volatilité » car il l'augmenterait au contraire[4]
  • Elle ne permettrait pas d'éviter les mouvements de capitaux de grande échelle, tels que ceux qui ont causé les crises asiatique et russe, son taux n'étant pas assez élevé pour être dissuasif.
  • Elle serait dans une certaine mesure incompatible avec le secret bancaire, parce qu'elle nécessite la traçabilité des transactions financières. Il y aurait ainsi des difficultés administratives à instaurer ce système.
  • Elle devrait être mise en place à une échelle mondiale ou continentale, ce qui implique une entente difficile à obtenir : une action isolée de quelques pays aurait des effets négatifs sur leur économie. En outre, selon The Economist, quand bien même elle serait mise en place à une échelle globale, il serait possible de l'éviter par de l'ingénierie financière.
  • Ainsi, elle constituerait une source de profit pour les établissements pratiquant l'ingénierie financière, capables de mettre au point des systèmes de compensation et des contrats dérivés contrant les effets de cette mesure. À titre d'illustration, la création du marché de l'eurodollar dans les années 1970 avait contourné les entraves réglementaires au replacement des avoirs en dollars externes aux États-Unis, pour le plus grand profit des places financières de Londres et Luxembourg.
  • Enfin, ce ne sont pas des problèmes liés à la spéculation qui ont causé la crise économique de 2007 mais des rations insuffisants de capitalisation et des politiques de Too Big To Fail. C'est à l'inverse sur le marché immobilier, aux frais de transactions les plus élevés, qu'est née la bulle. Il convient donc de s'attaquer à ces problèmes essentiellement selon le journal, pour lequel la finance a besoin de changements mais ceux promus par la Taxe Tobin sont les mauvais.

Résultats empiriques sur l'efficacité de la "taxe Tobin"

La vaste majorité des économistes financiers a toujours contesté la causalité entre une « taxe Tobin » et une plus grande stabilité des prix financiers. Ils prennent comme exemple le cas des marchés immobiliers, qui sont caractérisés par des coûts de transactions très élevés mais ont, néanmoins, une grande volatilité des prix.

Depuis les dix dernières années, des économistes financiers ont critiqué l'hypothèse de stabilisation exprimée par Tobin. Plusieurs études basées sur des changements exogènes de la structure des marchés, suite à des nouvelles règlementations, ont démontré, selon ces économistes, que des augmentations de prix de transaction entraînent systématiquement une plus grande instabilité (par exemple Ronen and Weaver (2001), Bessembinder (2001), Bessembinder and Rath (2002)). L'étude la plus récente par Hau (2006), The Role of Transaction Costs for Financial Volatility: Evidence from the Paris Bourse, parue dans le "Journal of European Economic Association" (juin 2006), résume :

"L'analyse des données en panel permet de conclure avec une grande certitude statistique qu’une augmentation des coûts des transactions par 20% (due à des changements de variations minimales de cotation à la Bourse de Paris) implique une augmentation de la volatilité (mesurée par le « range » comme différence entre valeur maximale et minimale sur un intervalle d’une heure) par plus de 30%. En conclusion, une augmentation des coûts de transactions en général et une « taxe Tobin » en particulier doit être considérée comme déstabilisant pour des prix financiers."

Une synthèse (en anglais) de la littérature scientifique se trouve également dans le même article (Hau (2006)).

Pays favorables

La France, la Finlande, la Belgique, l'Allemagne, l'Inde et l'Australie se sont déjà prononcées favorablement. Mais seules la France (en novembre 2001) et la Belgique (en juillet 2004) ont voté une loi précisant qu'une taxe de type Tobin entrerait en vigueur lorsqu'elle aurait été votée dans tous les pays de la zone euro. Plus tard, les présidents brésilien (Lula) et français (Chirac) ont proposé à la place une taxe sur les ventes d'armes et sur les billets d'avion pour financer le développement des pays du Sud.

Adair Turner, président de l'autorité britannique des services financiers (FSA) et ancien dirigeant de la confédération de l'industrie britannique (CBI) s'est prononcé en 2009 en faveur d'une telle taxe[5].

Position de l'Union européenne

L'Union européenne est pressentie pour la première mise en place de la taxe, des lois votées par des parlements nationaux précisent qu'elle entrera en application dès que tous les pays de la zone euro l'auront inscrite dans leur droit.

Le 20 janvier 2000, au Parlement européen, a été mise aux voix une résolution — signée par les groupes PSE (socialistes), Verts-ALE, GUE/NLG (Gauche unitaire, où siègent notamment les élus du PCF) et ELDR (libéral), rejoints par deux membres pasquaïens du groupe UEN — demandant à la Commission européenne de présenter dans les six mois un rapport sur la faisabilité de la taxe Tobin. Légalement, cette initiative législative du Parlement européen reposait sur l'article 192 CE (article 332 dans le TCE) renforcé par l'accord inter-institutionnel "Agenda 2000 — mieux légiférer" entre la Commission et le Parlement européen (voir Parlement européen#Pouvoirs et fonctions).

Finalement, le texte soumis a été repoussé à une très faible majorité (229 voix contre 223) par la droite libérale (ainsi que les députés britanniques du Labour).

Parmi les votes des députés français :

  • plusieurs députés du PCF (dont Robert Hue) ou socialistes n'ont pas pris part au vote ;
  • ceux du PPE et les villiéristes ont voté contre ; François Bayrou, Alain Lamassoure, William Abitbol et Charles Pasqua ont voté pour.
  • Les trotskistes se sont en partie abstenus (Alain Krivine) ou ont voté contre (Arlette Laguiller) au motif qu'elle n'était pas là « pour améliorer le capitalisme ». La Ligue communiste révolutionnaire s'était abstenue, sous le prétexte que le texte de départ qu'ils avaient soumis au vote ayant été vidé, par des amendements de Charles Pasqua entre autres, de tout contenu, et au final, ne se résumant qu'à une étude de faisabilité sur cette taxe, tout en inscrivant pour objectif "la stabilisation" ­et la pérennité­ des marchés financiers globalisés (article 2).

Notes et références

Liens externes

Bibliographie

Voir aussi

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