Tablettes Albertini

Tablettes Albertini

Les tablettes Albertini (du nom du directeur des Antiquités de l’Algérie, Eugène Albertini, qui le premier les a étudiées) sont des actes notariés privés de l'époque vandale, retrouvés en 1928 en Algérie.

La découverte

Les tablettes entières ou en fragments furent progressivement découvertes en 1928 dans une zone montagneuse à environ 100 km de Tebessa, près de la frontière algéro-tunisienne. Le climat aride avait permis la conservation de ces tablettes en bois écrite à l’encre. Elles furent remises au directeur des Antiquités d’Alger Eugène Albertini qui les déchiffra en partie et les identifia comme des documents notariés de la période vandale. Leur traduction et leur publication complète fut réalisée en 1952 par une équipe de chercheurs, dans une édition qui fait encore référence. Aucune recherche archéologique complémentaire n’a depuis pu être menée dans le secteur de la découverte, en raison des difficultés d’accès, tant géographiques que politiques[1].

Les tablettes Albertini sont de nos jours conservées au musée d’Alger. Certaines ont été présentées en 2003 au Musée de l'Arles et de la Provence antiques lors de l’exposition "Algérie antique"[2].

Description

Le remontage des fragments en bois de cèdre forme une série de 45 tablettes, généralement rectangulaires, de 10 à 26 cm de long pour une largeur variant de 2 à 10 cm. Elles sont écrites le plus souvent recto verso de texte latin en écriture cursive avec de nombreuses ligatures, des abréviations et des altérations dues à l’usure qui rendent le déchiffrement difficile. Certaines tablettes étaient assemblées en diptyque ou triptyque, probablement par une ficelle. Un examen minutieux constata le réemploi de certaines tablettes, dont les premiers textes datés de 488 avaient été partiellement effacés pour réutilisation[1].

Le contenu

Les tablettes forment trente-quatre documents distincts, dont treize sont complets. Presque tous sont des actes de vente de parcelles d'un grand domaine situé à l’est de Tebessa, qui aurait appartenu à un certain Flavius Geminius Catullinus ; ces parcelles sont le plus souvent décrites comme plantées d’oliviers ou de figuiers. Les autres actes sont : une page de comptes, une vente d’un jeune esclave de six ans, la cession d’un pressoir, et l’inventaire de la dot d’une jeune mariée[1].

Les actes de vente respectent le même plan : datation, indication des vendeurs, désignation et localisation des terres vendues, nom de l’acheteur, prix convenu, quittance donnée par les vendeurs, formules juridiques garantissant le transfert des droits à l’acheteur, signatures des vendeurs et des témoins. Sur trente quatre documents, vingt deux sont datés précisément, d’après les années de règne du roi vandale Gunthamund (484-496), entre le 13 mai 493 et le 21 avril 496[1].

Les déductions

Au grand étonnement de leurs premiers découvreurs, ces documents attestent de la continuité de l'occupation et du statut du sol - en particulier la Lex Manciana vieille de quatre siècles - en Afrique du Nord, de la période romaine à la période vandale.

La loi Manciana établie au IIe siècle accordait un droit d’usage perpétuel, héréditaire et cessible aux paysans qui mettaient en valeur des terres restées incultes, à condition d’y cultiver de la vigne, des oliviers ou des arbres fruitiers, et de verser une partie de leurs récoltes au maître du domaine, qui restait le propriétaire « éminent ». Quatre siècles plus tard, les tablettes Albertini appliquaient cette formule et plaçaient les ventes sous le droit de propriété éminent de Flavius Geminius Catullinus[1].

Témoignent aussi de la persistance de la civilisation romaine l’emploi pour les prix des unités monétaires romaines (sou d’or ou follis), l’absence de noms germaniques pour les individus identifiés, vendeurs, acheteurs et témoins, qui signent en latin quand ils savent écrire, et pour certains portent des titres romains : magister (maître), flamine perpétuel (ancien prêtre du culte impérial), presbyter (prêtre) [1].

Dans une région aujourd’hui aride et steppique, les détails des transactions témoignent d’une agriculture du Ve siècle, soignée mais très morcelée. Les ventes concernaient des terres plantées d’oliviers dans la grande majorité des cas, ou de figuiers, sur des parcelles de petite taille (les surfaces n’étaient pas indiquées, seuls étaient dénombrés les arbres, 37 pour la plus grande parcelle, un seul pour la plus petite). La mention de nombreux réservoirs et canaux prouvent une irrigation tirant parti des faibles précipitations. Ces indications confirment le haut degré de mise en valeur du sud-est algérien dans l’Antiquité[1].

Notes

  1. a, b, c, d, e, f et g Yves Modéran, Les tablettes Albertini et les ostraka de Bir Trouch
  2. Catalogue de l'exposition Algérie antique, 2003

Bibliographie

  • Yves Modéran, Les tablettes Albertini et les ostraka de Bir Trouch, article du catalogue l’Algérie antique, exposition 2003 au Musée d’Arles, (ISBN 2-9516385-4-X), pp 249-254
  • Christophe Hugoniot, Rome en Afrique. De la chute de Carthage aux débuts de la conquête arabe, Flammarion, 2000.
  • Gilbert Charles-Picard, La civilisation de l’Afrique romaine, Civilisation d’hier et d’aujourd’hui, Plon, 1959.

Voir aussi

  • Charles Courtois, Louis Leschi, Ch. Perrat, Ch. Saumagne (ed.), Tablettes Albertini, actes privés de l'époque vandale (fin du Ve siècle), Paris, 1952.

Liens internes

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