Siège d'Alger

Siège d'Alger

Conquête de l'Algérie par la France

La conquête de l'Algérie par la France se fit en plusieurs étapes :

Sommaire

Origine algérienne

Bombardement d'Alger commandé par Lord Exmouth, août 1816

La régence d'Alger (partie nord de l'Algérie moderne) est en déclin depuis le début des guerres napoléoniennes qui limitent le commerce en Méditerranée. De plus, à partir de 1815, les flottes britannique et française dominent la Méditerranée. Les revenus du dey d'Alger, le plus haut dignitaire turc en place (la régence d'Alger fait alors partie de l'Empire ottoman), baissent. Pour compenser la perte des revenus maritimes et du commerce, celui-ci accroît la pression fiscale, mal supportée par la paysannerie. Pour échapper au pouvoir central, la population se nomadise. De plus, la production de blé algérien se heurte à la concurrence de l'Europe de l'Est, et la chute de l'Empire français a privé la régence d'Alger d'un grand importateur. La crise sociale déclenche une crise politique, le dey d'Alger semble contesté par les beys. La menace d'implosion intérieure ne cesse de s'amplifier dans les années 1820. Le pays est fragilisé.

Origine française

Motivée par la volonté de distraire l'attention d'une opinion publique agitée (Seconde Restauration), encouragée par la Russie, la France se relance dans les campagnes coloniales.
La raison invoquée pour l'invasion est un incident diplomatique assez mal élucidé entre le représentant français, le consul Pierre Deval, et le dey d'Alger Hussein Dey, au sujet d'un contentieux financier vieux de trente-et-un ans entre le gouvernement français et la régence d'Alger.
À cette époque, en 1799 et afin de nourrir les soldats de l'expédition d'Égypte menée par le général Bonaparte, Talleyrand négocie un paiement différé pour deux négociants juifs d'Alger, Bacri et Busnach, chargés d'importer du blé algérien en France. Ceux-là ne furent pas payés, et ne purent s'acquitter des taxes imposées par le dey.
En 1827, celui-ci réclame le paiement de la dette aux deux marchands, afin de percevoir des taxes dont il a grand besoin. Exaspéré par le fait que la France laisse traîner l'affaire, et se jugeant offensé par le consul français réputé pour son caractère difficile et arrogant, le dey aurait porté un coup d'éventail au diplomate[1]. Selon des sources locales, il ne fit que le toucher du bout de son éventail pour lui indiquer la sortie.

Charles X saisit alors l'occasion pour monter une expédition punitive sur les côtes algériennes. Cette opération militaire doit lui permettre de détourner l'attention de l'opinion publique face aux difficultés intérieures, ainsi que de se débarrasser des pirates barbaresques qui infestaient la mer Méditerranée depuis trois siècles, et dont un des repaires était justement le port d'Alger.

Il faut rappeler que la côte barbaresque (nom donné jadis au Maghreb et à la Libye) était particulièrement riche en corail, que l'arrière-pays exportait de la cire, des cuirs, de la laine et surtout des grains, lesquels sont souvent présentés comme origine première du conflit.

paragraphes à sourcer

[réf. nécessaire] Le roi, très conservateur, veut renouer avec le prestige monarchique (il s'est fait sacrer à Reims selon les rites anciens), et décide donc de laver l'honneur du pays. Un blocus maritime est mis en place. L'invasion est conseillée par Polignac, afin de sauver la situation intérieure française. Le roi renoue avec la tradition des croisades des catholiques contre l'Empire ottoman. La chevalerie est de retour, et Charles X avoue même vouloir retrouver l'esprit des victoires de Cortès, [réf. nécessaire] avec l'espoir de conquérir l'Afrique. Dans cet esprit de Croisade, la France compte mettre fin à la piraterie des barbaresques et à l'esclavage des chrétiens par eux. On cherche surtout dans un contexte de troubles sociaux où la révolte gronde à envoyer outre Méditerranée des populations présentant un danger pour l'ordre social.

paragraphes à sourcer

[réf. nécessaire]

Dans son livre[2], Pierre Péan, avance une autre raison à la conquête d'Alger: Charles X était à court de trésorerie et la colère du peuple parisien menaçait, dès lors, l'immense pactole que constituait la fortune du Dey d'Alger attirait sa convoitise et celle de quelques aventuriers. S'emparer de ce trésor était, selon Pierre Péan, le véritable objectif de cette expédition. Certaines fortunes de grandes familles françaises se seraient constituées grâce à ce pillage d'après P. Péan.

Référence: Main Basse sur Alger, Enquête sur un Pillage, juillet 1830 Éditions Plon Paris 2004

La prise d'Alger

L'attaque de l'amiral Duperré lors de la prise d'Alger en 1830

D'abord jugée comme risquée, la campagne est finalement rapidement victorieuse. La France débarque le 14 juin 1830 à Sidi Ferruch. La résistance s'organise mal, mais la présence française est contestée par les caïds, les chefs de tribus. Alger est prise le 5 juillet, après des combats difficiles. Charles X comptait d'ailleurs utiliser cette victoire pour renforcer sa légitimité de roi de France, à l'intérieur du pays, et faire plus facilement passer ses 4 ordonnances de Saint Cloud. Mais il fut renversé en juillet (Trois Glorieuses).

L'armée française, composée de 37 612 hommes, commandée par le général de Bourmont, ministre de la guerre, quitte Toulon pour Palma de Majorque le 16 mai 1830 sur une flotte française composée de 567 navires, dont 103 bâtiments de guerre, commandée par le futur amiral Duperré. Grâce aux reconnaissances que Napoléon Ier a fait faire sur le terrain au commandant du génie Boutin une dizaine d'année auparavant, Bourmont peut préparer minutieusement le plan de débarquement. La flotte se dirige vers Alger qu’elle atteint le 31 mai, mais une partie des navires étant encore à Palma, Bourmont attend le 14 juin pour accoster près de la presqu’île de Sidi-Ferruch, 25 km à l’ouest d’Alger.

Le 18 juin, le dey d’Alger rassemble à la hâte une armée de 50 000 hommes commandés par l’agha Ibrahim : 5 000 Janissaires, 5 000 Coulouglis (métis de Turcs et de femmes indigènes), 10 000 Maures algériens et 30 000 Arabes des beylicats d’Oran, du Titteri et de Médéa.

Jusqu’au 28 juin, Bourmont se contente de riposter, car le matériel de siège n’est pas encore débarqué. Le 29 juin, commence l’attaque décisive contre Fort l’Empereur (Sultan-Khalessi), principal ouvrage de défense d’Alger, occupé le 4 juillet. Le dey Hussayn propose aussitôt des négociations et capitule le lendemain. Les troupes françaises entrent dans la ville. Le 7 juillet, ordre est donné d’évacuer la Casbah.

Le 15 juillet, le dey Hussayn s’embarque pour Naples et les Janissaires pour l’Asie mineure. Une commission de gouvernement et un conseil municipal institués par Bourmont remplacent l’administration turque. Le corps expéditionnaire a eu 415 morts, dont Amédée, l'un des quatre fils de Bourmont.

Autres ports occupés

Avant que l'avenir de la Régence ne soit fixé, Bourmont va de l'avant, pousse jusqu'à Blida, fait occuper Bône et Oran dans la première quinzaine d'août. Le 11 août, le nouveau ministre de la guerre, le général Gérard lui communique officiellement la nouvelle de la Révolution de juillet. Bourmont, fidèle au Bourbon, refuse de prêter serment au nouveau roi Louis-Philippe Ier après la chute du régime de Charles X et est remplacé par le général Clauzel (2 septembre 1830-février 1831), qui entre en négociation avec les beys du Titteri, d’Oran et de Tunis pour qu’ils acceptent le protectorat de la France. Il fait occuper Mers-el-Kébir (le 14 décembre 1830), Oran (le 4 janvier 1831), Bône et Médéa, mais le gouvernement lui retire des troupes et il doit abandonner ses projets de conquête de toute l’ancienne Régence d’Alger. C‘est lui qui favorise la création des premiers régiments de zouaves, sur les conseils et un mémoire du colonel Alfred d'Aubignosc.

La résistance d'Abd El-Kader

Abd El-Kader

Le 26 juillet 1830, les chefs religieux appellent à la résistance et au djihad. Finalement, c'est le régime de la Monarchie de Juillet qui s'entend avec les leaders algériens pour organiser un nouvel ordre local, mais de nombreuses tensions de pouvoir demeurent, et une résistance s'organise notamment avec Abd El-Kader, à partir de 1832. Les tribus se réunissent dans un idéal de guerre sainte afin de constituer un territoire autonome, contre la France et l'Empire Ottoman.

En 1834, deux pouvoirs commençaient à se stabiliser. D’un côté, dans le Constantinois, le bey Hâjj Ahmed s’était maintenu et de l’autre, un peu plus à l’Ouest, un jeune marabout de 24 ans nommé Abd-el-Kader avait gagné la confiance de quelques tribus de la région de Mascara. Ce dernier voulait à tout pris mener une guerre sainte (jihâd) contre les envahisseurs. Toutefois, il accepta la paix que le général Desmichels, lui accordait.

Le général Desmichels avait donc fait d’Abd-el-Kader son allié et lui autorisait en lui fournissant même des armes à s’opposer à certaines rebellions. Mais en 1835, Abd-el-Kader qui, selon lui, voulait battre une nouvelle révolte attaqua un général français Trézel et lui infligea la défaite dans défilé de la Macta le 28 juin 1835.

La France décida de renvoyer le général Clauzel en Algérie car « l’honneur national était atteint ». La guerre était donc relancée. De cela suivit deux victoires mais également deux défaites (la prise de Mascara et l'occupation de Tlemcen, suivi de l'échec de Sidi-Yacoub et du siège de Rachgoun). Les Français adoptèrent alors une politique « d’occupation restreinte ». Pour cela, on demanda au général Bugeaud d’aller parlementer avec l’ennemi : Abd el-Kader. Ils réussirent à trouver un terrain d’entente et ainsi, le 30 mai 1837, le Traité de Tafna (région d’Algérie) est signé. Grâce à cela, on reconnut Abd-el-Kader comme souverain des deux-tiers de l’Algérie. Ce traité permit aussi une trêve entre la France et les insurgés. Durant cette période de trêve, chacun de son côté prit le temps d’organiser son « royaume » mais aussi de l’agrandir. Aux alentours d’octobre 1837, le général Damrémont (tué aux débuts des combats), suivi du général Valée lancèrent l’assaut de la ville de Constantine et purent crier victoire.

Ensuite, en août 1839, Abd-el-Kader se décida à reprendre la guerre sainte. Il commença par mettre au tapis la vallée de la Mitidja. Le général Valée ne put pas faire grand chose car il n’avait que 40 000 hommes. Il demanda des renforts mais on le remplaça par le général Bugeaud. En 1843, ils remportent une grande victoire. Une sorte de guerilla se met en place, pour finalement être lentement refoulée vers le Maroc. Une intervention française dans ce pays lui fera perdre ce soutien, Abd El-Kader doit donc se rendre, l’armée française d’Afrique contrôle alors tout le nord-ouest de l’Algérie.

Les dernières résistances et l'expansion territoriale

Lalla Fatma N'Soumer, figure de la résistance contre l'armée coloniale française

Le territoire algérien, qui ne comprenait pas l'actuel sud-algérien, est donc officiellement annexé par la France, mais dans les faits, toute la région de Kabylie résiste encore. Les succès remportés par l'armée française sur la résistance d'Abd el-Kader, renforce la confiance française, et permet de décréter, après débats, la conquête de la Kabylie.

Entre 1849 et 1852, la domination française s'étend à la Petite Kabylie. En juillet 1857, des tribus de Grande Kabylie se rendent, la capture de la maraboute Lalla Fatma N'Soumer met un terme à la résistance mais les kabyles se soulèveront encore jusqu’au début des années 1870. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la conquête ne s’est pas faite du nord au sud, puisque les montagnes ont encore une fois été le dernier refuge de l’indépendance. Dans le sud, la prise de Laghouat et de Touggourt, la soumission des Beni-M’zab du Mzab (1852) et celle du Souf, reculent les limites de l’Algérie jusqu’au grand désert. La France peut alors entamer le travail de colonisation de l'Algérie.

Le bilan démographique

Les estimations contemporaines de la population algérienne avant la conquête française de 1830 oscillent entre 3 et 5 millions d'habitants[3]. La population connaîtra un recul quasiment constant durant la période de conquête jusqu'à son étiage en 1872, ne retrouvant finalement un niveau de trois millions d'habitants qu'en 1890. On peut découper cette période de l'évolution démographique algérienne en trois phases. De 1830 à 1856, sa population tombe de 3 à moins de 2,5 millions. Elle remonte ensuite jusqu'à 2,7 millions en 1861 avant de connaître sa chute la plus brutale à 2,1 millions en 1871[4].

La diminution observée lors de la première phase de conquête tient pour une grande part dans la violence des méthodes utilisées par l'armée française, attestée par de nombreux témoignages. De retour d'un voyage d'enquête en Algérie, Tocqueville écrit que « nous faisons la guerre de façon beaucoup plus barbare que les Arabes eux-mêmes [...] c'est quant à présent de leur côté que se situe la civilisation. »[5] L'objectif de la « pacification » est comme le déclare le colonel de Montagnac d'« anéantir tout ce qui ne rampera à nos pieds comme des chiens ».[6] La politique de la terre brûlée, décidée par le gouverneur général Bugeaud, a des effets dévastateurs sur les équilibres socio-économique et alimentaire du pays : « nous tirons peu de coup de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes ; l'ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux »[7]. Selon Olivier Le Cour Grandmaison, la colonisation de l'Algérie se serait ainsi traduite par l'extermination du tiers de la population, dont les causes multiples (massacres, déportations, famines ou encore épidémies) seraient étroitement liées entre elles[8].

Après l'accalmie consécutive à la fin de la première phase de conquête, la période 1866-1872 voit à nouveau se creuser le déficit démographique algérien. En raison d'un cycle de six années où se mêlent les répressions de l'armée française, un tremblement de terre, le développement d'une épidémie de choléra et de la famine qui sévit en 1868, la population diminue de plus de 500 000 personnes[9]. On estime que la famine de 1868 est responsable à elle seule de 300 000 à 500 000 morts[10].

La crise démographique est telle que, dans une étude démographique de plus de trois cent pages sur l'Algérie, le Docteur René Ricoux, chef des travaux de la statistique démographique et médicale au bureau de statistique du gouvernement général de l'Algérie, prévoit tout simplement la disparition des «indigènes» algériens[11]. Le phénomène est interprété comme une conséquence des opérations militaires françaises mais aussi des conditions nouvelles imposées aux indigènes dont les caractéristiques les condamnent « à une lente mais inéluctable disparition ». Pour le professeur Ricoux comme pour nombre de ses contemporains des milieux scientifiques, une loi de la sélection naturelle voue les races les « plus faibles » à disparaître devant les races « supérieures ».

Les prévisions du démographe Ricoux n'advinrent jamais : une fois terminée la phase de conquête du pays, la population algérienne connut une croissance continue. La fréquence, la virulence et l’extension géographique des épidémies, reculèrent peu à peu à partir de 1880 ou 1890, avec l'installation de l'administration civile, la fin des opérations de « pacification » et des déplacement de populations, l'amélioration de l'alimentation et, après la Première Guerre mondiale, la généralisation des contrôles sanitaires ou l’amélioration progressive de l’hygiène dans les villes. Il faudra néanmoins attendre la fin des années 1940 pour les voir disparaitre de la région.

Bibliographie

(sur la période précédant la colonisation)

  • Laugier de Tassy, Histoire du royaume d'Alger, Du Sauzet, Amsterdam, 1775.
  • William Shaler (Consul des États-Unis à Alger), Esquisse de l'État d'Alger considéré sous le rapport politique, histoprique et civil(Rapport officiel de 1825), Ladvocat, Paris, 1825.
  • Professeur Jacques Heers, Les Négriers en terre d'Islam, Perrin Ed., Paris 2008.

Voir aussi

Notes et références

  1. Dans Site d'informations alternatives rebellyon.info
  2. Pierre Péan, "Main Basse sur Alger, Enquête sur un Pillage, juillet 1830" Éditions PLON, Paris 2004
  3. Kamel Kateb, Benjamin Stora, Institut national d'études démographiques (France), Institut national d'études démographiques (France), Européens, "indigènes" et juifs en Algérie (1830-1962): représentations et réalités des populations, INED, 2001, 386 p. (ISBN 273320145X), p. 11 à 14. 
  4. Kamel Kateb. Européens, «Indigènes» et Juifs en Algérie (1830-1962). Paris, Ined/Puf, 2001.
  5. Alexis de Tocqueville. De la colonie en Algérie. 1847, Éditions Complexe, 1988.
  6. Cité in Marc Ferro, « La conquête de l'Algérie », in Le livre noir du colonialisme, Robert Laffont, p. 657.
  7. Ibid, p.657.
  8. Coloniser Exterminer. Sur la guerre et l'État colonial, Paris, Fayard, 2005.
  9. Kamel kateb, op. cit. Pour un témoignage d'époque on pourra lire l'abbé Burzet, Histoire des désastres de l’Algérie 1866-1868. Sauterelles, tremblement de terre, choléra, famine, Alger, 1869.
  10. Augustin Bernard. L'Algérie, Paris, Alcan, 1929. cité par Kamel Kateb, op. cit.
  11. La démographie figurée de l'Algérie. Paris, Masson, 1880.

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