Serge Alexandrovitch de Russie

Serge Alexandrovitch de Russie
Serge Alexandrovitch de Russie
Grand-duc Serge Alexandrovitch de Russie
Grand-duc Serge Alexandrovitch de Russie

Naissance 10 mai 1857
Tsarskoïe Selo
Décès 17 février 1905 (à 46 ans)
Moscou
Origine Drapeau de Russie Russie
Allégeance Russie impériale
Arme régiment Garde Préobrajenski, La Svita (Suite de Sa Majesté Impériale)
Grade Général, adjudant-général
Années de service 1857 - 1905
Conflits Guerre russo-turque de 1877-1878
Commandement 38e régiment d'infanterie de Tobolsk, 5e régiment des grenadiers de Kievsky
Distinctions Ordre de Saint-Georges St George Ribbon
Autres fonctions membre du Conseil d'Empire, gouverneur général de Moscou, commandant du district militaire de Moscou
Famille Alexandre II de Russie (père)
Marie de Hesse et du Rhin (Maria Alexandrovna) (mère)
Elisabeth de Hesse-Darmstadt(épouse)
Alexandre Alexandrovitch de Russie (frère)
Nicolas Alexandrovitch de Russie (frère)
Vladimir Alexandrovitch de Russie (frère)
Alexis Alexandrovitch de Russie
Paul Alexandrovitch de Russie (frère)
Maria Alexandrovna de Russie (sœur)

Le grand-duc Serge Alexandrovitch (en russe : Сергей Александрович Романов, Sergueï Aleksandrovitch Romanov), né le 10 mai 1857 à Tsarskoïe Selo et mort le 17 février 1905 à Moscou, fut un membre de la famille impériale de Russie. Il a été grand-duc de Russie, membre du Conseil d'Empire, général de corps d'armée, maire de Moscou, commandant de la région militaire de Moscou, gouverneur général de Moscou lors de la tragédie du champ de Kodynka. Pour le peuple, qui lui attribua le surnom de « prince de la Khodynka », il resta le seul responsable de cette tragédie[1].

Sommaire

Famille

Il est le cinquième fils et le septième enfant de l’empereur Alexandre II de Russie et de sa femme Marie.

Mariage

Serge Alexandrovitch de Russie

Serge Alexandrovitch de Russie épousa en 1884 la princesse Elisabeth de Hesse-Darmstadt dite « Ella », fille du grand-duc Louis IV de Hesse et de la princesse Alice du Royaume-Uni, et sœur aînée de la princesse Alix qui épousa en 1894 l'Empereur Nicolas II. Le couple n'eut pas d'enfant et certains de leurs biographes prétendent que le grand-duc était homosexuel.

Citant comme exemple l'anecdote d'après les Mémoires du ministre des Affaires étrangères, le comte Vladimir Nikolaïevitch Lamsdorf[2], le sociologue, psychologue et sexologue Igor Semionovitch Kon (1928-) fit valoir que le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie mena un style de vie ouvertement homosexuel. Quant à Frédéric Mitterrand, dans son ouvrage Les Aigles Foudroyés, le définit comme un être atteint de névrose, et de nature perverse[3]. D'après lui, ce mariage ne fut jamais consommé[4], et ils vécurent comme frère et sœur[5]. Selon l'historienne britannique Virginia Cowles, le grand-duc Sergueï aurait été également porté sur le sadisme[6].

Biographie

Enfance

Le grand-duc Sergueï Alexandrovitch de Russie naquit dans l'aile Zoubov du Palais Catherine (Екатерининский дворец - Ekaterininsky Dvorets, en russe), à Tsarkoïe Selo, situé à 32 kilomètres de Saint-Pétersbourg.

Il passa les premières années de sa vie en compagnie de son inséparable frère cadet, le grand-duc Paul et de sa sœur Marie à Livadia (résidence d'été de la famille impériale en Crimée), à Tsarkoïe Selo et au Palais d'Hiver de Saint-Pétersbourg. À l'époque de sa naissance, sa mère, la tsarine Marie, était de santé fragile. Bien que l'impératrice fût une mère peu affectueuse, sauf à l'égard de son unique fille, en raison d'une santé déclinante, ses trois plus jeunes enfants Paul, Serge et Marie bénéficièrent de toute son attention. Les deux frères et la sœur formèrent une communauté fermée au sein de la famille, dès leur plus jeune âge, un étroit lien fraternel se formant entre eux. Enfant, le grand-duc Sergueï fut un petit garçon timide, studieux et introverti. Sous l'influence de sa mère, une personne également très réservée, il devint très pieux.

Au fil des ans, la santé de Marie Alexandrovna déclina, et, afin de fuir le rude climat russe, l'impératrice et ses trois jeunes enfants passèrent de longues périodes à l'étranger, à Darmstadt et Jugenheim, les hivers dans le midi de la France[7] où la tragédie frappa la famille impériale de Russie. En avril 1865, peu avant le huitième anniversaire du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie, son frère aîné et parrain, le tsarévitch Nikolaï Aleksandrovitch de Russie décéda de la tuberculose à Nice[7].

Dès l'année 1870, le grand-duc Serge et son jeune frère Paul demeurèrent en Russie, afin de poursuivre leurs études. Comme tous les membres masculins de la famille Romanov, les deux jeunes gens étaient destinés à une carrière militaire. Mais le tuteur de Serge, l'amiral Arseniev encouragea les capacités du grand-duc dans les domaines des langues, des arts, et de la musique. Il parlait couramment plusieurs langues dont bien évidemment le français, langue des cours de l'Europe, et maîtrisait si bien l'italien qu'il pouvait lire Dante dans la langue originale. Son intérêt pour l'art et la culture italienne était d'ailleurs intense. Doué pour la peinture, il possédait également une bonne oreille musicale et jouait de la flûte dans un orchestre amateur. Il aimait réciter des drames, et possédait une grande connaissance de l'Histoire ancienne, de la culture et des traditions de la Russie. Il aimait lire Tolstoï et Dostoïevski, dont il admirait les œuvres.

Premières armes

Le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie en uniforme

Dès sa naissance, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie fut nommé colonel en chef du 38e régiment d'infanterie de Tobolsk. Il devint également colonel du second bataillon de la Garde et vers la fin de sa vie, fut nommé colonel du 5e régiment de grenadiers de Kievsky[8] A son vingtième anniversaire, le 27 avril 1877, il prêta solennellement allégeance au tsar[8]. Un voyage éducatif avait été prévu à la suite, mais il fut retardé en raison de la Guerre russo-turque de 1877-1878. Avec son père et ses frères, le tsarévitch Aleksandr, le grand-duc Vladimir et le grand-duc Alexeï, il prit part à ce conflit.

Il passa la plus grande partie de la guerre dans le sud de la Roumanie, et servit comme poruchik (grade de l'armée impériale de Russie équivalent à celui de lieutenant) dans la Garde impériale, qui était placée sous les ordres du tsarévitch[9]. Il fut promu alors colonel, et le 12 octobre 1877, après la bataille de Meyk, le tsar lui décerna l'Ordre de Saint-Georges, "pour son courage et sa bravoure au combat face à l'ennemi au cours d'une opération de reconnaissance à Kara Loma près de Koshev". En décembre 1877, le grand-duc et son père furent de retour dans la capitale de la Russie impériale.

Vie familiale

Entre-temps, Alexandre II de Russie avait fondé une nouvelle famille avec sa maîtresse, la princesse Ekaterina Mikhaïlovna Dolgoroukova. Frappé par la rupture de l'harmonie familiale, Sergueï demeura avec sa mère[10]. L'impératrice Maria Aleksandrovna décéda le 8 juin 1880, et le 6 juillet 1880, moins d'un mois après le décès de son épouse, le tsar Alexandre II de Russie épousa sa maîtresse.

Lors de l'assassinat de son père, le 1er mars 1881, le grand-duc Sergueï séjournait en Italie avec l'amiral Arseniev et son jeune frère Pavel. Trois mois plus tard, en juin 1881, toujours accompagné de son jeune frère mais également de son cousin le grand-duc Konstantin, Sergueï Aleksandrovitch visita la Palestine, Jérusalem et les Lieux Saints : il participa alors à la création d'une association consacrée à l'entretien des lieux de culte orthodoxe en Terre Sainte et l'offrande de services aux pèlerins russes ; il en devint le président. On pense que ce poste lui donna plus de joie que n'importe laquelle de ses fonctions[11].

À partir de 1882, la carrière militaire et les manœuvres à Krasnoïe Selo du grand-duc Sergueï lui firent passer la majeure partie de son temps à Saint-Petersbourg[12]. Le 15 janvier 1882, son frère Alexandre III de Russie le nomma commandant du 1er bataillon du régiment de la Garde Préobrajenski, un régiment d'élite fondé par Pierre Ier de Russie, avec le grade de colonel. Sept ans plus tard, Sergueï fut promu au grade de major général. Le 26 février 1891, le grand-duc Sergueï fut élevé au grade d'adjudant général de la Svita (Suite de Sa Majesté Impériale). La même année, son frère lui confia le poste de gouverneur général de Moscou[8].

Le grand-duc de Russie

À vingt-six ans, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie était un homme réservé, intelligent, bon et raffiné, d'une grande érudition, de taille élancée accentuée par le port d'un corset, porté à la manière des officiers prussiens[8]. Sa barbe et ses cheveux étaient soigneusement entretenus. Quand Consuelo Vanderbilt, duchesse de Malborough, rencontra le jeune grand-duc à Moscou, elle le considéra comme « l'un des hommes les plus beaux que je n'ai jamais vu » Son beau-frère, Ernest Louis de Hesse-Darmstadt le décrivit comme « grand et blond, aux traits fins et de beaux yeux verts clairs ». Très gêné, il se tenait très raide avec un regard dur dans les yeux[13], et avait pour habitude tourner l'une de ses bagues serties autour de son doigt. Il garda ce maintien rigide, et beaucoup de personnes prirent sa réserve pour de l'orgueil, mais peu le connaissaient vraiment. Profondément pieux, il devint un grand connaisseur en antiquités russes et des trésors artistiques ; intéressé par l'archéologie, il assista et présida à plusieurs congrès.

Sa timidité et sa réserve n'empêchèrent pas le grand-duc Sergueï de désapprouver le laxisme de la haute société russe. Il eut beaucoup de mal à faire face à l'opposition et perdait son sang-froid assez facilement. Dans sa maison, il exigea la propreté, l'ordre et la discipline. Sa nièce, la reine de Roumanie Marie de Saxe-Cobourg-Gotha, se souvenait de lui comme : « sec et nerveux, bref en parole, impatient, il n'appréciait pas la bonne humeur plutôt négligente de ses frères aînés. Mais pour nous tous qui l'aimions, on le trouvait irrésistible, car dur il pouvait l'être. Peu d'entre nous chérisse sa mémoire, mais moi je le fais ». De nombreux membres de sa famille dont son neveu, le grand-duc Kirill Vladimirovitch de Russie, la princesse Marie de Grèce et le prince Gavriil Konstantinovitch de Russie se souvinrent tendrement de lui.

Il avait des opinions politique ultra-conservatrices mêlées de piété et de nationalisme. Antisémite convaincu et farouche opposant au mouvement révolutionnaire, il appuya les syndicats gouvernementaux (Zoubatovisme) et l'organisation monarchiste. À l'époque où il était gouverneur de Moscou, des rumeurs circulèrent à son encontre : on disait qu'il aurait torturé lui-même les détenus, et y aurait pris grand plaisir.

Recherche d'une compagne

La grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie et son épouse la grande-duchesse Élisabeth Fiodorovna surnommée « Ella »

En 1881, des rumeurs circulèrent à propos d'un éventuel mariage entre la princesse Clotilde Mathilde de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg (1860-1932), la seconde fille de Frédéric VIII de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Augustenbourg. Alexandre II de Russie souhaitant qu'un de ses fils épouse une princesse de Hesse[13] comme lui, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie demanda finalement à épouser la princesse Elisabeth de Hesse-Darmstadt, la seconde fille du grand-duc Louis IV de Hesse et d'Alice de Saxe-Cobourg-Gotha. « Ella » comme elle fut appelée par ses proches était la sœur aînée du grand-duc Ernest-Louis de Hesse-Darmstadt, et de la future impératrice de Russie et future épouse de Nicolas II de Russie, Alix de Hesse et du Rhin. Le grand-duc et la princesse de Hesse étant cousins germains, les deux familles hésitèrent.

Tout d'abord, Élisabeth de Hesse-Darmstadt refusa l'offre de mariage[8] ; la reine Victoria du Royaume-Uni, la grand-mère d'« Ella » nourrissant des sentiments anti-russes, elle s'opposa à l'union du grand-duc et de sa petite-fille orpheline de mère. Néanmoins, les sœurs de la princesse allemande exercèrent une pression sur Élisabeth en vue d'un mariage politique ; toutefois, il lui fut laissé le libre choix[8]. Le couple séjourna ensemble pendant quelque temps à Wolfgasten à Darmstadt, en septembre 1883, la princesse Élisabeth accepta d'épouser le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie[14]. Leurs fiançailles furent annoncés publiquement le 26 février 1884, puis le grand-duc revint à Darmstadt rendre visite à sa jeune fiancée[15]. Le mariage fut célébré au Palais d'Hiver à Saint-Pétersbourg le 15 juin 1884. Après le mariage et la conversion à la foi orthodoxe russe, la princesse Élisabeth de Hesse-Darmstadt devint la grande-duchesse Élizaveta Fiodorovna[16].

Vie maritale

Le jeune couple passa sa lune de miel à Ilinskoïe, résidence d'été d'une superficie de 2400 acres ((9,7 km²) à quarante miles à l'ouest de Moscou, dont Sergueï avait hérité de sa mère ; cette propriété était située sur la rive gauche de la Moskva, à quatre-vingt-dix minutes en train de Moscou. De retour dans la capitale, le couple s'installa dans une demeure située dans l'angle au sud-est du canal de Fontaka et de la perspective Nevski, un court trajet en voiture séparant les appartements du Palais d'Hiver[15]. Le manoir Biélosselsky Belozerzky fut alors acquis par le grand-duc pour s'y établir avec sa jeune épouse ; par la suite le grand-duc le nomma Palais Sergueïevsky[16]. Le grand-duc et son épouse avaient également une villa à Peterhof, bien également hérité de la défunte impératrice[17]. Chaque année, en août, le couple se rendait dans leur résidence d'été d'Ilinskoïe, leurs invités occupant des datchas construites à divers endroits du parc : sur la rive opposée de la Moskva, le grand-duc avait construit une grande maison à trois étages, faite de pierres et de briques, dotée d'un système de chauffage.

Sergueï Aleksandrovitch de Russie et son épouse furent très proches du tsar Alexandre III de Russie et de son épouse Maria Fiodorovna. L'empereur eut plus confiance en lui qu'en ses autres frères : en 1886, le tsar le nomma commandant du régiment des gardes Preobrajensky, et lui confia également la tâche d'introduire le tsarévitch Nikolaï Aleksandrovitch de Russie dans l'armée. En 1887, lors du jubilé de la reine Victoria Ire du Royaume-Uni, Sergueï et son épouse réprésentèrent la Russie impériale. En 1888, à l'occasion de la consécration de l'église Sainte Marie-Madeleine construite à Jérusalem en mémoire de l'impératrice Maria Aleksandrovna, le couple se rendit en Terre Sainte. En 1892, après six ans de mariage, le grand-duc déjà certain de ne pas avoir de descendance, laissa un testament dans lequel il légua ses biens à son frère Pavel et à ses enfants.

Gouverneur de Moscou

Le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie

Avec l'augmentation des activités d'éléments radicaux, en particulier dans le milieu estudiantin de Moscou, Alexandre III de Russie adopta une politique répressive : pour cela, l'empereur choisit une personne partageant ses idées pour administrer l'ancienne capitale et la deuxième ville de la Russie impériale. Au printemps de 1891, le tsar nomma donc son frère cadet, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie, gouverneur général de Moscou[18]. Bien que ce fut un grand honneur, le grand-duc accepta ce poste avec réticence, ayant espéré conserver plus longtemps son commandement au régiment Preobrajensky : au sein de celui-ci, il bénéficiait d'une grande popularité. En outre, le grand-duc et son épouse appréciaient leur vie tranquille à Saint-Pétersbourg.

Dans son rôle de gouverneur de la principauté de Moscou, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie était seul responsable de ses actes devant l'empereur[19]. Il partageait les convictions intransigeantes de son frère aîné, et ses vues à propos d'un gouvernement fort et nationaliste[19]. Sa priorité fut l'expulsion de 20 000 juifs de la ville de la Moscou[19], qui débuta quatre semaines avant l'arrivée du grand-duc, après la publication du ministre de l'Intérieur Ivan Nikolaïevitch Dournovo, d'un oukase impérial : les juifs de basse extraction sociale (artisans, petits commerçants,etc...) seront dans l'obligation de quitter la ville de Moscou.

Expulsion des Juifs

Le 29 mars, premier jour de la Pâque juive, la population juive de la ville prit connaissance du nouveau décret les expulsant de la ville[19]. En trois phases soigneusement planifiées sur douze mois, les Juifs de Moscou furent expulsés. Les premiers à quitter la ville furent les célibataires, sans enfants, ceux résidant dans la ville depuis moins de trois ans[19]. Puis vint le tour des apprentis, des familles de quatre enfants et de ceux résidant depuis moins de six ans à Moscou[19]. Les derniers expulsés furent les vieux colons avec familles nombreuses, et de nombreux employés dont certains avaient vécu plus de quarante ans à Moscou[19]. Les jeunes femmes juives désirant demeurer à Moscou en reçurent l'autorisation, mais furent enregistrées en tant que prostituées. Au cours de l'expulsion, les maisons furent entourées par des troupes de cosaques, tandis que les policiers les saccagèrent.

En janvier 1892, à une température de 30 ° en dessous de zéro, des Juifs de tout âge et des deux sexes furent entassés dans la gare de Brest, vêtements en lambeaux, possédant peu de biens ; ils préfèrèrent rester plutôt que d'être déportés. Par une pétition, les commissaires de police demandèrent au gouverneur Sergueï de cesser les expulsions jusqu'à l'amélioration des conditions météorologiques. Le gouverneur de Moscou accepta, mais cet ordre ne fut publié qu'après la fin des expulsions[19]. Certains Juifs furent déplacés vers le régions méridionales et occidentales de l'Empire russe, mais nombreux furent ceux qui prirent la décision d'émigrer. La ville de Moscou perdit 100 000 millions de roubles dans le commerce et la fabrication ; 25 000 russes employés dans des entreprises juives perdirent leur emploi. Quant à l'industrie de la soie, l'une des industries les plus productives de la ville, elle disparut complètement[20].

Une politique critiquée

Pour répondre aux besoins des étudiants, le grand-duc Sergueï Alekandrovitch de Russie fit construire de nouveaux dortoirs à Moscou. Dans le même temps, à l'intérieur des universités, dans le cadre de la politique nationale contre les complots et les idées révolutionnaires, il imposa des restrictions aux étudiants et aux professeurs[21]. Malgré l'approbation des milieux conservateurs, ces mesures restrictives le rendirent très impopulaire auprès de l'intelligentsia de Moscou[22].

Dans sa lutte contre la fraude et l'application des strictes mesures de la police, par sa maladresse et son manque de tact, le grand-duc s'attira le mépris de la noblesse moscovite et des commerçants. Néanmoins, extrêmement conscencieux dans l'exercice de ses fonctions, il améliora sensiblement les conditions de vie dans la ville. « Même à la campagne où il était censé se reposer », se souvenait sa nièce, « il recevait constamment du courrier de Moscou et accordait audience ». Il accordait beaucoup d'attention aux détails, s'occupant personnellement des punitions concernant la corruption et la fraude, qui auraient pu être facilement laissés aux subalternes. Parfois, il se rendait en ville incognito afin de vérifier la situation par lui-même[23]. Dans sa vie privée, le grand-duc et son épouse se préoccupèrent de la pauvreté dans la campagne environnante de Moscou, et s'entretinrent sur le moyen d'améliorer la situation[24].

Les organisations caritatives bénéficièrent toujours de la plus grande attention du grand-duc Sergueï : il en devint d'ailleurs soit président, soit membre de la direction de plus d'une dizaine d'entre elles[25]. Il fut par exemple président de la Société Moscovite pour les soins, l'éducation et la formation des enfants aveugles, de la Société pour les enfants abandonnés et sans foyer, les adolescents condamnés, et du Département de Moscou de la protection nationale russe de la santé[25]. En outre, il dirigea plusieurs confréries très diverses comme les Universités de Moscou et de Saint-Petersbourg, le fonds d'aide des peintres, l'organisation des soins pour les acteurs âgés, l'Académie des Arts et des Sciences, la Société archéologique de Moscou, la Société d'Agriculture, la Société musicale de Moscou, le Musée historique de Moscou et l'Académie théologique de Moscou[25].

En 1892, à l'initiative du grand-duc, une galerie de portraits des anciens gouverneurs généraux de Moscou vit le jour.

La Tragédie de Khodynka

Les victimes du champ de la Kodynka
Article détaillé : Tragédie de Khodynka.

Alexandre III de Russie décéda le 1er novembre 1894 ; son fils aîné, Nicolas II de Russie monta sur le trône impérial de Russie. Le nouveau tsar avait jadis servi sous les ordres de son oncle dans le régiment Preobrajenski ; des liens très étroits unissaient le neveu et l'oncle. Cette relation devint encore plus forte lors du mariage de Nicolas II de Russie avec la princesse Alexandra Fiodorovna, sœur cadette de l'épouse du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie, une union à laquelle Elizaveta Fiodorovna contribua à promouvoir.

Selon la tradition, les cérémonies du couronnement du nouvel empereur et de sa femme eurent lieu à Moscou. En qualité de gouverneur général de la ville, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie eut à charge de superviser les préparatifs. À cette occasion, le grand-duc introduisit une nouveauté dans la ville : l'électricité. Les festivités du couronnement touchant à leur fin, selon la coutume, chaque tsar nouvellement couronné offrait des présents au peuple. Le champ de Khokynka situé dans la périphérie de Moscou était un endroit approprié pour la distribution.

Ce choix fut très controversé : ce champ habituellement utilisé comme terrain d'entraînement militaire était sillonné de trous et de fossés, mais le grand-duc Sergueï Aleksadrovitch de Russie approuva cette idée. Malgré l'attente d'une foule de près d'un demi-million de personnes en provenance de toute la Russie, seul un régiment de Cosaques et un petit détachement de policiers furent envoyés pour maintenir l'ordre.

À l'aube du 18 mai 1896, les familles commencèrent à se rassembler devant la fragile barrière de bois protégeant le champ, et observèrent les wagons chargés de bière et les cadeaux très recherchés du nouveau tsar (mouchoirs, gâteaux, pots en céramiques)[26]. Vers 6 heures du matin, une rumeur circula dans la foule : les petites cabanes de bois étaient ouvertes, la distribution des souvenirs du couronnement avait débuté[27]. Comme un seul homme, une masse énorme d'individus se précipita sur le terrain et se dirigea vers les petites maisonnettes de bois[27], renversant les femmes, les enfants et les hommes placés près de la clôture. Personne ne se doutait du drame qui se jouait : les victimes glissèrent ou tombèrent dans les fossés où ils furent écrasés, d'autres furent étouffés par la foule[27]. Les forces de police peu nombreuses restèrent impuissantes, et à leur arrivée les Cosaques furent incapables d'arrêter la catastrophe. Mille trois cents personnes, rendues méconnaissables par d'affreuses mutilations, furent tuées, le double fut gravement blessé[28].

Le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie ne fut pas impliqué directement dans le choix du champ de Khodynka, mais, malgré tout, il fut blâmé pour son manque de prévoyance et comme gouverneur général de la ville, il fut désigné comme le principal responsable de la tragédie. Néanmoins, il en rejeta la faute sur d'autres, et plus particulièrement sur le comte Vorontzov-Dachkov, directeur du Ministère de la Cour impériale, avec qui il eut quelques différends sur la gestion des festivités du couronnement[29], et le colonel Vlasovsky, chef de la police de la ville[28]. Aux yeux de l'opinion publique, le grand-duc Sergueï eut lui-même beaucoup de torts : notamment, il ne se rendit pas sur les lieux de la tragédie ni aux funérailles des victimes.

La tragédie du champ de Khodynka provoqua un désaccord majeur au sein de la famille impériale. Certains membres de la famille, dirigés par le grand-duc Nikolaï Mikhaïlovitch de Russie et ses frères, pensaient que les cérémonies auraient dû être annulées. Sergueï Aleksandrovitch de Russie et sa famille estimèrent qu'un évènement historique tel qu'un couronnement ne pouvait être perturbé ou entaché par une période de deuil : la foule ayant parcouru de longues distances ne devait pas être déçue dans son attente, et les évènements programmés pour les hauts dignitaires étrangers ne devaient pas être annulés. La démission du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie divisa également la famille impériale : le grand-duc Nikolaï et ses frères appelaient à sa démission, les frères du gouverneur général de Moscou, le grand-duc Vladimir et le grand-duc Alexeï serrèrent les rangs, et menacèrent de quitter la Cour impériale et la vie publique si Sergueï devenait le bouc-émissaire de la tragédie[30].

Finalement, si le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie présenta sa démission, le comte Vorontzov-Dachkov refusa de le faire. Le tsar ne fut pas favorable à une enquête approfondie, le chef de la police fut démis de ses fonctions, et Sergueï Aleksandrovitch conserva son poste de gouverneur général. La nuit de la tragédie, pour des raisons diplomatiques, Nicolas II de Russie participa à un bal donné en l'honneur des Français, cela fut perçu comme un manque de sympathie envers les victimes.

Vie politique

En 1894, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie devint membre du Conseil d'Empire. En 1896, il fut élevé au grade de lieutenant-général de corps d'armée et nommé commandant du district militaire de Moscou. Le grand-duc se consacra à la politique de son neveu, Nicolas II de Russie, le tsar le considérant comme un contrepoids utile à certains de ses ministres et aux fonctionnaires, un allié en cas de désaccord[31]. En 1896, lorsque les troubles éclatèrent dans les universités, Nicolas II de Russie montra de la reconnaissance à l'égard de son oncle, pour son action rapide et celles des autorités à rétablir l'ordre.

Bien que le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie fut considéré comme réactionnaire au cours de son gouvernement, selon son beau-frère, le grand-duc Louis V de Hesse, il désira et chercha des améliorations. Cela eut pour résultat de rendre furieux les conservateurs. Sergueï bloqua les réformes révolutionnaires : le grand-duc les considéraient comme peu pratiques, en outre la Russie n'était pas prête à les recevoir[32],[23]. Cela provoqua la colère des radicaux.

Vie privée

Sergueï Aleksandrovitch de Russie fut une personnalité énigmatique : ses manières rudes le firent apparaître comme une personne arrogante et désagréable. Timide de nature, il craignait les contacts personnels, la courtoisie exigeant une poignée de main, il résolut le problème en portant un gant blanc. Puritain et sans humour, au moins en public, il considéra avec un total mépris l'opinion public, et semblait être mal à l'aise avec les autres mais également avec lui-même. Il devint vite une cible pour les opposants au régime, et fut l'objet de ragots à la Cour. Son cousin, le grand-duc Aleksandr laissa une description très critique du grand-duc Sergueï : « Que voulez-vous, je ne trouve pas un aspect agréable à son caractère... Obstiné, arrogant, désagréable, il étalait ses nombreuses affaires excentriques devant la nation entière, aux ennemis du régime fournissant une matière sans fin pour la diffamation et la calomnie[33]. Ultérieurement, des écrivains l'accusèrent de sadisme[6],[21] ».

Toutefois, beaucoup de questions se posent sur la vie privée du grand-duc. Les conjectures sur la nature de ses relations avec son épouse foisonnèrent. Les documents concernant le mariage du grand-duc sont inexistants, ses papiers personnels, y compris sa correspondance avec son épouse ont disparu, les preuves conservées aux archives d'État de Moscou sont sujettes à l'interprétation. Selon certains, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie était homosexuel[6],[34],[18] et ce, en totale contradiction avec sa foi et son rang social. Selon d'autres, le mariage fut heureux, mais à sa manière : inhabituel pour un couple impérial, ils dormirent dans le même lit[23]. Le grand-duc fut dans l'obligation de lutter contre ces rumeurs de discorde, tandis que son épouse, Elizaveta Fiodorovna, dévoua sa vie à son mari, et à sa mémoire après son assassinat.

Ce mariage resta stérile, mais le grand-duc Dmitri, sa sœur la grande-duchesse Maria Pavlovna de Russie (enfants de son frère le grand-duc Pavel et de sa défunte épouse Alexandra de Grèce) passèrent leurs vacances de Noël et d'été avec leur oncle et leur tante. À leur domicile, le couple fit aménager une salle de jeux et des chambres pour les jeunes enfants. En 1902, sans l'autorisation du tsar, le grand-duc Pavel Aleksandrovitch de Russie épousa morganatiquement Olga Valerianovna Karnovic. Le grand-duc Serguï Aleksandrovitch de Russie demanda et obtint alors la garde des enfants de son frère exilé[35]. En qualité de père adoptif, le grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie fut strict et exigeant, mais dévoué et affectueux envers les enfants. Toutefois, le grand-duc Dmitri Pavlovitch et sa sœur Maria Pavlovna blâmèrent leur oncle et leur tante, les accusant de la séparation forcée avec leur père qui les avait abandonné[36]. Sergueï Aleksandrovitch fut néanmoins préoccupé par chaque détail de leur éducation.

À la fin de l'année 1904, la Russie subit la désastreuse Guerre russo-japonaise de 1904-1905, et l'empire fut plongé dans une grande tourmente. Le mécontentement et les manifestations se multiplièrent ; en réaction, la pression du grand-duc Sergueï pour maintenir l'ordre fut plus forte[37]. Ce dernier pensait que seule une grande sévérité pourrait mettre un terme à l'agitation révolutionnaire. Mais, dans le sillage du désordre civil, Nicolas II de Russie fut dans l'obligation de faire des concessions. Le grand-duc ne soutint pas la politique de sécurité du tsar, ni ses tergiversations ni ses faux-fuyants. Désabusé par cette situation, il décida que s'était le bon moment pour se retirer de la vie publique. Il informa le tsar que des temps nouveaux demandaient des nouveaux visages[38].

Après treize ans de service, le 1er janvier 1905, il démissionna de son poste de gouverneur militaire de Moscou, mais conserva ses fonctions de commandant du district militaire de Moscou[39].

L'assassinat du grand-duc Sergueï

Le Palais Nikolaïevsky en 1861

Après sa démission, le grand-duc Sergueï, son épouse et ses deux enfants adoptés s'installèrent au Palais Neskoutchnoïe, puis peu après, à la hâte, au Palais Nikolaïevsky où ils bénéficièrent de la sécurité à l'intérieur du Kremlin. Ce changement impromptu fut provoqué par la menace de nouveaux troubles dans la ville, et accompli à la faveur de l'obscurité. Conscient qu'il représentait une cible vulnérable pour les terroristes révolutionnaires, il suivit les conseils de sécurité proposés par ses hommes de garde. Il fit tout son possible pour protéger son épouse, ses enfants et ses serviteurs. Le couple s'aventurait rarement à l'extérieur du palais, préférant rester à leur domicile avec des amis proches. Concernant sa propre sécurité, il adoptait une attitude fataliste, à l'instar d'Alexandre II : comme le tsar assassiné en 1801, le grand-duc avait la conviction que si c'était la volonté de Dieu, aucune protection ne pourrait le sauver. La seule précaution était de prévenir ses proches pour ne pas mettre leurs vies en danger.

Le 15 février 1905, la famille assista à un concert au théâtre Bolchoï, au bénéfice des organismes de bienfaisance de la Croix-Rouge de la grande-duchesse Élisabeth[40]. Une organisation terroriste connaissant l'itinéraire avait prévu d'assassiner le grand-duc ce jour-là, mais l'un d'entre-eux aperçut les enfants dans la voiture et se ravisa, prenant la décision de ne pas jeter le mouchoir, selon le signal convenu pour le jet de la bombe par ses camarades. Leur but était d'assassiner le grand-duc, et non de tuer son épouse et ses enfants innocents de sang-froid, ce qui aurait provoqué une vague d'indignation à travers l'Empire et aurait fait reculer la cause révolutionnaire pendant des années[39].

La Tour Nikolskaïa au Kremlin donnant sur la Place Rouge

Le matin du 17 février 1905, le grand-duc Serge était d'une humeur particulièrement bonne, car il lui avait été remis une miniature du tsar Alexandre III dans un cadre de feuilles de laurier en or, comme cadeau personnel de son neveu Nicolas II[41]. Après avoir déjeuné avec son épouse au Palais Nikolaïevsky, le grand-duc devait se rendre au palais du gouverneur général où il avait encore du travail à faire dans son bureau personnel[42]. Informé du danger, il s'y rendit malgré tout, et sans escorte, refusant ainsi d'être accompagné par son ordonnance Alexeï, marié et père d'enfants en bas âge, car il craignait pour sa vie.

Attentat d'Ivan Kalyayev

Le 15 février 1905, le poète et socialiste révolutionnaire Ivan Platonovitch Kalyayev, un membre du parti des Combattants socialistes révolutionnaires, ne put donc mettre son projet à exécution, la présence de l'épouse de Serge Alexandrovitch de Russie, de son neveu et de sa nièce lui faisant abandonner momentanément son projet. Opiniâtre, fanatique, Ivan Kalyayev ne renonça pas à son entreprise, même au prix de sa vie.

L'arrivée du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie, reconnaissable à sa voiture allemande tirée par deux chevaux, et conduite par son cocher Andreï Rudinkine alerta le terroriste posté devant le Kremlin, tenant une bombe enveloppée de journaux. Juste avant 2 heures 45 en cet après-midi du 17 février 1905, la voiture du grand-duc passa par la porte de la Tour Nikolskaïa, et tourna au coin du monastère Tchoudov, place du Sénat. Puis à une distance ne dépassant pas quatre pieds et à environ une vingtaine de mètres de la Tour Nikolskaïa, Ivan Platonovitch Kalyayev (1877-1905) fit un pas, jeta sa bombe chargée de nitroglycérine à l'intérieur de la voiture du grand-duc[42].

L'explosion désintégra la voiture. Le grand-duc fut tué sur le coup, son corps fut littéralement déchiqueté, des morceaux du corps du grand-duc étant éparpillés sur la neige rougie parmi les lambeaux de tissus brûlés, de fourrure et de cuir. Le corps du grand-duc fut mutilé par l'explosion, sa tête, la partie supérieure de sa poitrine, ses jambes, l'épaule gauche et le bras avaient été emportés et entièrement détruits[43]. De la tête du grand-duc, il ne resta plus que les os du front et autour des yeux[42]. Certains doigts du grand-duc, dont l'un toujours orné de la bague qu'il portait habituellement, furent retrouvés quelques jours plus tard sur un toit d'un immeuble proche du lieu du drame[44],[42]. Lors de l'explosion, les chevaux avaient pris la fuite vers la Porte Nikolskaïa, entraînant avec eux les roues avant, le siège du conducteur et le cocher Andreï Rudikin, gravement brûlé mais encore conscient. Son dos criblé des éclats de la bombe et de pierres, il fut transporté à l'hôpital le plus proche, où il décéda un peu plus tard.

Photographie d'Ivan Platonovitch Kalyayev (1877-1905) prise juste avant l'assassinat du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie le 17 février 1905.

Ivan Platonovitch Kalyayev, selon son propre témoignage, s'attendait à perdre la vie dans l'explosion. Il fut projeté sur les roues arrières de la voiture, et son visage fut parsemé d'éclats et couvert de sang. Le révolutionnaire n'était pas à son premier attentat : le 28 juillet 1904, il était présent lorsque le terroriste Igor Sazonov lança sa bombe sur le ministre de l'Intérieur Viatcheslav Konstantinovitch Plehve[45]. Lors de son arrestation, Kalyayev hurla dans la rue : « À bas le tsar. À bas le gouvernement ! Vive le parti socialiste révolutionnaire ! ». Il fut condamné à mort et pendu le 23 mai 1905[45].

Arrivée de Elizaveta Fiodorovna

Une image de la croix marquant l'endroit de l'assassinat du Grand-Duc

Au bruit de l'explosion, l'épouse du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie, Elizaveta Fiodorovna, accourut sur les lieux du drame. Progressivement, elle se rapprocha de l'épicentre, et trouva des morceaux de bois brûlés et des restes de tissu provenant des vêtements de son époux. À genoux dans le neige maculée de sang[46], la grande-duchesse donna ses instructions puis commença le macabre ramassage des restes de son époux. Le torse nu, une partie du crâne, un fragment d'os de la main, des doigts, un pied encore chaussé furent placés sur un brancard et recouverts d'un manteau de l'armée impériale. Elle prit également les médaillons portés autour du cou par le défunt grand-duc.

Veuve, Elisabeth de Hesse-Darmstadt porta des vêtements de deuil et devint végétarienne. Elle fonda le couvent Marfo-Mariinsky dont elle devint abbesse, en ce lieu, elle se consacra aux soins des pauvres[42]. Le 18 juillet 1918, elle fut assassinée par les Bolcheviks qui la jetèrent vivante au fond d'un puits de mine inondé, à Alapaïevsk. Avec elle se trouvait entre autres son neveu, le poète Vladimir Pavlovitch Paley. Leurs corps furent acheminés vers la Chine, puis dirigés vers Jérusalem. De nos jours, la grande-duchesse Elizaveta Fiodorovna repose en l'église Sainte Marie-Madeleine sur le Mont des Oliviers[11].

L'assassinat du grand-duc Sergueï Aleksandrovitch de Russie choquèrent les milieux conservateurs et monarchistes de la société russe ; en revanche, les membres de l'intelligentsia se réjouirent de l'évènement.

Inhumation

La cathédrale du monastère de Tchoudov, photo de 1883.

Les restes du grand-duc furent inhumés dans la crypte du monastère Tchoudov dans l'enceinte du Kremlin. Une croix de bronze commémorative dessinée par le peintre russe Vasnetsov (1848-1926) fut érigée sur le lieu de son assassinat. Après la chute des Romanov, la croix fut détruite le 1er mai 1918, sur ordre de Lénine, et fut le premier monument de la Russie impériale que les Bolchéviques détruisirent[47].

Découverte du cercueil du grand-duc Serge

Le monastère Novospassky à Moscou

Le monastère Choudov fut démoli en 1928, pour construire le Présidium du Soviet suprême. La crypte où reposait le grand-duc Serge était située sous la cour d'un des bâtiments qui était utilisé comme parking. En 1990, des ouvriers du bâtiment du Kremlin découvrirent l'entrée de la crypte. Le cercueil fut examiné et une capote du régiment de Kiev, les décorations du grand-duc et une icône permirent de reconnaître les restes du grand-duc. Avant son décès, le grand-duc avait en effet laissé des instructions écrites: il souhaitait être inhumé avec l'uniforme du régiment la Garde Préobrajenski, mais cela s'avéra impossible, car son corps était trop gravement mutilé. En 1995, le cercueil fut officiellement exhumé, après un service funèbre en la cathédrale Saint-Michel-Archange du Kremlin[47], il fut inhumé dans un caveau du monastère de Novospassky à Moscou le 7 septembre 1995[48].

Commémoration du centième anniversaire de sa mort

Le 17 février 2005, un service religieux commémorant le centième anniversaire du décès du grand-duc fut célébré au monastère de Novospassky. Après les prières, une gerbe fut déposée sur la tombe du grand-duc. La grande-duchesse Maria Vladimirovna de Russie assistait à cette cérémonie commémorative. À l'extérieur, on chanta l'hymne Dieu sauve le tsar[47].

Généalogie

Serge Alexandrovitch de Russie appartient à la première branche de la Maison d'Oldenbourg-Russie (Holstein-Gottorp-Romanov), issue de la première branche de la Maison d'Holstein-Gottorp, elle-même issue de la première branche de la Maison d'Oldenbourg.

Notes et références

  1. Henri Troyat, Nicolas II, p.72.
  2. www.neuronet.ru : « Leur vie de famille n'a pu fonctionner, même si Élisabeth Fiodorovna le cacha soigneusement en le taisant même à ses parents de Darmstadt. La raison à cela, Sergueï Aleksandrovitch avait une attirance spéciale pour le sexe opposé »
  3. Frédéric Mitterrand, Les Aigles foudroyés, p. 89
  4. Frédéric Mitterrand, Les Aigles foudroyés, p.89 & 141.
  5. (ru)Saint-Martyr grande-duchesse Elisabeth
  6. a, b et c Virginia Cowles, Les Romanov, p.219.
  7. a et b Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.87.
  8. a, b, c, d, e et f Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.98.
  9. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.90.
  10. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.92.
  11. a et b (en)Portrait of a Duke, Tom Segev, Haaretz
  12. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.97.
  13. a et b Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.99.
  14. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.83.
  15. a et b Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.100.
  16. a et b Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.118.
  17. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.109.
  18. a et b Charlotte Zeepavat, Romanov - Autumn, p.128.
  19. a, b, c, d, e, f, g et h Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.163.
  20. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.165.
  21. a et b John van der Kiste, Les Romanov 1858-1919, p.137.
  22. John van der Kiste, Les Romanov 1858-1919, p.165
  23. a, b et c Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.166.
  24. Charlotte Zeepavat, Romanov - Autumn, p.129.
  25. a, b et c Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.167.
  26. Virginia Cowles, Les Romanov, p.246.
  27. a, b et c Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.188.
  28. a et b Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.189.
  29. Bruce W. Lincoln, Les Romanov, autocrates de toutes les Russies, p.627.
  30. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.190.
  31. John van der Kiste, Les Romanov 1858-1919, p.162
  32. John van der Kiste, Les Romanov 1858-1919, p.161
  33. Alexandre, Once a Grand-Duke, p.139.
  34. Igor Kon, 1997
  35. Charlotte Zeepavat, Romanov - Autumn, p.132.
  36. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.204.
  37. John van der Kiste, Les Romanov 1858-1919, p.204.
  38. Charlotte Zeepavat, Romanov - Autumn, p.133.
  39. a et b John van der Kiste, Les Romanov 1858-1919, p.172.
  40. Andreï Maylunas et Sergueï Mironenko, Une passion de toujours : Nicolas et Alexandra, p.258.
  41. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.217.
  42. a, b, c, d et e Bruce W. Lincoln, Les Romanov, autocrates de toutes les Russies, p.651.
  43. Andreï Maylunas et Sergueï Mironenko, Une passion de toujours : Nicolas et Alexandra, p.260.
  44. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.218.
  45. a et b (ru)Alexander Mellenberg Ethical Terrorist.
  46. Christopher Warwick, Ella : Princesse Sainte et Martyre, p.219.
  47. a, b et c À la mémoire du grand-duc Sergueï Alexandrovitch
  48. Charlotte Zeepavat, Romanov - Autumn, p.134.

Sources

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • D.B. Grishin : Le sort tragique du grand-duc. - Moscou Vetche 2006, (ISBN 5-9533-1471-X)
  • Grand-duc Alexandre Mikhaïlovitch de Russie : Il était une fois un grand-duc, Cassell, Londres, 1932
  • David Chavchavadze : Les grands-ducs, Atlantique, 1989, (ISBN 0-938311-11-5)
  • Virginia Cowles : Les Romanov, Harper et Row, 1971, (ISBN 0-06-010908-4)
  • Greg King : La Cour du dernier tsar Wiley, 2006, (ISBN 978-0-471-72763-7).
  • Greg King : La dernière impératrice, Citadel Press Book, 1994, (ISBN 0-8065-1761-1)
  • Bruce W. Lincoln : Les Romanov : Autocrates de toutes les Russie, Anchor, (ISBN 0-385-27908-6).
  • Andreï Maylunas et Sergueï Mironenko : Une passion de toujours : Nicolas et Alexandra, Doubleday, 1997, (ISBN 0-385-48673-1).
  • John van der Kiste : The Romanov 1858-1959 , Sutton Publishing, 1999, (ISBN 0-7509-2275-3).
  • Christopher Warwick : Ella : Princesse Sainte et Martyre , Wiley, 2007, (ISBN 0-470-87063-X)
  • Charlotte Zeepvat : Romanov, Automne, Sutton Publishing, 2000, (ISBN 0-7509-2739-9)

Liens externes


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