Semaine de quatre jours

Semaine de quatre jours

La semaine de quatre jours est une revendication politique lancée dans les années 1990 en Europe, et soutenue par des hommes politiques tels que Jacques Delors.

Le principe est de partager le temps de travail entre davantage de salariés (y compris dans le secteur privé), ce qui conduit à engager de nouvelles personnes, et par là à réduire le chômage.

On parle alors de « partage du temps de travail ».

Sommaire

Mise en œuvre par pays

Allemagne

La semaine de 4 jours a fonctionné pendant un certain temps dans les usines Volskwagen,[réf. nécessaire], jusqu'à la production de nouveaux modèles de véhicules qui demandaient plus d'heures de travail. A ce jour le principe n'y a pas été repris.

France

Ce principe a été véhiculé par Pierre Larrouturou dès 1993.

Plusieurs chefs d'entreprises privées ont adopté le dispositif. Le plus connu d'entre eux est Marc Riboud (Danone). Ce dispositif fonctionne depuis plus de dix ans chez Télérama, Mamie Nova , et, d'après Pierre Larrouturou, dans environ 400 entreprises.

Une loi facultative allant dans ce sens a été votée à l'initiative de Gilles de Robien, en 1996.

Le parti socialiste au pouvoir sous le gouvernement Jospin a rendu obligatoire la semaine des 35 heures (février 2000), et ce sans oser appliquer radicalement le concept de partage du Temps de Travail. Le résultat fut contrasté, desservant beaucoup - surtout après son assouplissement (deuxième loi) -, le concept. Et en particulier le projet de la Semaine de 4 jours à la Carte. Au point qu'ensuite ce serait devenu pour certains ridicule d'évoquer le projet. Alors candidat à la présidentielle 2007, Nicolas Sarkozy a fait valoir le concept travailler plus pour gagner plus, sans grand succès lui non plus.

Pierre Larrouturou, après avoir quitté le parti socialiste, persiste à faire de la semaine de quatre jours une solution à la crise actuelle[1].

Les propositions originales de Pierre Larrouturou

Origine

C'est de retour d'un congé d'une année sabbatique que Pierre Larrouturou passe chez ATD Quart Monde que lui est venue l'idée que le travail pouvait être partagé, en réduisant le temps hebdomadairement (moyenne sur un an), de 39 à 32 heures[2] (pour la majorité des salariés, des semaines de 32 heures ; pour les cadres, par exemple, ce seront d'autres formules). Le calcul fait, il estime à l'époque que jusqu'à deux millions d'emplois peuvent être créés[3].

Il prône alors, en 1993, la semaine de quatre jours[4],[5], qui deviendra plus tard la semaine de quatre jours à la carte.

À cette époque, des sociétés en Allemagne comme Volkswagen expérimentent la baisse de la durée hebdomadaire du travail. Ce thème est aussi repris par certains patrons français (comme Antoine Riboud, le fondateur de Danone). La droite, au pouvoir, propose une législation non contraignante basée sur le seul volontariat des entreprises : c'est la loi Robien rédigée par Gilles de Robien, dont Pierre Larrouturou fut un des concepteurs[6].

La mise en place par Martine Aubry, ministre de l’Emploi sous le gouvernement Jospin, de la réforme des 35 heures est loin de le satisfaire : il la juge inadéquate, trop uniforme, timorée, et à long terme, préjudiciable à la RTT. Ces lois Aubry entraine l'abrogation en grande partie la loi Robien sur la réduction du temps de travail[7].

Le dispositif

Le dispositif se décline de multiples façons, suivant les corps de métiers, au gré de l’entreprise.

Par exemple[8] :

  • 4 jours de travail (32 heures) sur 5 (pour la plupart des salariés).
  • 4 jours sur 5 ½ ou 4 jours sur 6 dans la distribution.
  • 4 jours sur 7 (hôpitaux, transports).
  • 1 semaine libre sur 5.
  • 1 semaine longue, 1 semaine courte (pour les chauffeurs routiers par exemple).
  • 1 week-end de 4 jours toutes les deux semaines.
  • 1 mois libre sur 5 (chercheurs, programmeurs en informatique…).
  • 1 année sabbatique tous les 5 ans (chercheurs…).
  • Possibilité de prendre 4 années sabbatiques au cours de la vie professionnelle (comprises dans les 42 années de cotisation).
  • Etc.

La démarche / Les avantages

La démarche de Pierre Larrouturou se définit d'après des recherches et sa réflexion :[9]« Depuis deux siècles, il y a de plus en plus de machines pour accomplir un travail à l'origine entièrement humain. En quelques années, les apports considérables de l'informatique ont beaucoup aidé au développement des entreprises. Il y a besoin de moins en moins d'effort humain, de temps de travail, pour accomplir de plus en plus de choses et subvenir aux besoins des populations.

D'autre part, la France est l’un des pays au monde qui a la meilleure productivité. Ainsi, depuis 1974[10], le travail nécessaire à l’économie a baissé de plus de 10 %, alors que le nombre de personnes disponibles a augmenté de 23 %. Il y a maintenant un écart d’au moins 35 % entre l’offre et la demande de travail. Les Français n’ont jamais été aussi efficaces, jamais d'aussi nombreux travailleurs potentiels. Mais, comme la durée du travail a très peu baissé depuis trente ans, le résultat est, d'une part, un chômage massif, d'autre part une stagnation des salaires et une baisse du niveau de vie. »

  • Partage du travail actuel :

Plus de 4 millions de personnes (5 selon P.L.) font 0 heure par semaine (les chômeurs - toutes catégories confondues. Moins de 19 millions travaillent à temps plein (parfois beaucoup plus que 60 heures par semaine) (heures supplémentaires payées ou non payées). Plus de 3 millions sont à temps partiel (CDD et intérim). 3,7 millions de chômeurs sont inscrits au Pôle Emploi (bien que pas tous considérés comme chômeurs).

Ne sont plus comptabilisés en tant que chômeurs :

Ceux de plus de 55 ans, à qui il est demandé de ne plus pointer à l’ANPE ; les RMIstes découragés qui ne pointent plus à l’ANPE ; ceux qui en désespoir de cause, cherchent au moins un CDD, une mission d’intérim, ou un temps partiel : ils ne figurent plus dans la liste des chômeurs.

Le nombre de chômeurs effectifs, toutes catégories confondues, s'élevait déjà il y a quelques mois selon Pierre Larrouturou à 5 millions. De plus, l'OFCE annonce 800.000 chômeurs supplémentaires en France d’ici fin 2010.

Le Ministère du Travail, étudiant l’effet sur l’emploi dans les 400 d’entreprises françaises passées en 1997 aux 4 jours à la carte, estimait qu’un mouvement général vers les 4 jours créerait 1 600 000 emplois en CDI à temps plein. Ce, sans même tenir compte ni des métiers émergents autour du temps libre, ni du fait que la création de ces 1.600.000 emplois, et donc le surcroît de consommation chez les ménages concernés, auraient un impact appréciable sur la croissance.

Pierre Larrouturou estime qu'il nous faut choisir au plus vite entre un partage du travail imposé - avec un chômage massif -, et un partage du travail choisi, mieux équilibré. Le promoteur de la semaine de quatre jours trouve de nombreux avantages au partage du travail :

– Lorsque beaucoup plus de gens travaillent, mais sur une moyenne de 30 ou 32h, les machines fonctionnent plus longtemps au cours d’une semaine et sont mieux rentabilisées. Et les employés sont davantage disponibles vis-à-vis de la clientèle.

– Refondre l’organisation du travail dans l’entreprise peut remotiver les salariés.

– Un horaire moyen de travail est avantageux en cas de pics d’activité (car pas de précarité).

– La S4J non seulement crée de l’emploi mais renforce la cohésion des équipes : si un cadre important est absent un jour par semaine, ou une semaine par mois, les employés sont obligés de collaborer, de se parler, de se faire confiance. Un meilleur climat s’instaure au sein de l’entreprise.

– Avec davantage de temps libre la qualité de vie s’améliore, les employés sont plus reposés et plus efficaces ; la compétitivité - actuellement en décroissance en France - augmente. Seules les heures supplémentaires vraiment nécessaires à la bonne marche de l’entreprise sont maintenues.

Faisabibilité / Contraintes

  • Un principe fort de la S4J[11] est que le passage aux quatre jours « doit être neutre sur le plan de la masse salariale – on joue sur les exonérations accordées à l'entreprise –, quitte à réviser ultérieurement la masse à la hausse, si la nouvelle organisation le permet. »

Pour certaines entreprises, la mise en place de la semaine de 4 jours peut prendre plusieurs mois. Pour d’autres, un ou deux ans. Un accompagnement est nécessaire, des conseillers mis à disposition par l’État indispensables.

Selon Pierre Larrouturou, si tout était mécanique, on pourrait s’attendre à ce que les 4 jours créent 20 % d’emplois. Or la dynamique du dispositif consiste à laisser les entreprises créer de la productivité pour générer des emplois durables. Les partenaires sociaux seront consultés. Les caisses de retraite et de maladie recevront environ 4,8 % d’argent en plus.

Pierre Larrouturou estime que « l’activation des fonds de l’Unedic et l’effort des salariés au-dessus du SMIC représenteraient quelque 200 à 210 milliards d'euros », ce qui est une autre de ses suggestions. « On doit casser les tabous financiers », et « mettre en place une politique d’accompagnement ».

Il préconise « l’adoption d’une loi-cadre par un référendum précédé d’un débat approfondi », ce qui selon lui aurait l’avantage d’ôter les doutes et les inquiétudes de beaucoup.

Patrick Artus appartient entre autres à la Commission économique de la nation et a étudié la faisabilité du dispositif. D'après lui, « il tient ». Il faut veiller néanmoins à « assurer le maintien du potentiel de production, la stabilité des coûts de production unitaires de l’entreprise, la stabilité (ou éventuellement la hausse) du revenu disponible et l’absence du déficit des administrations. »

Dans les entreprises qui ont déjà adopté le dispositif, les plus faibles salaires n'ont rien perdu, les cadres et les commerciaux ont perdu 2 ou 3 %. D’après Pierre Larrouturou, deux sondages ont montré que 65 % des Français sont prêts à voir baisser leur salaires en échange de la semaine de 4 jours à la carte, avec créations d’emplois à temps plein.

Selon lui, quatre cents entreprises ont déjà adopté, depuis 1993, la semaine de 4 jours à la carte (Fleury Michon, Mamie Nova, Télérama, Brioches Pasquier, restaurants, auto-écoles, petites S SII informatiques, TPME...).

Ayant embauché 10 %, ou plus, de salariés supplémentaires, elles ont bénéficié d’une exonération totale et définitive de leurs cotisations chômage.

Perception

Dans l'ensemble, le dispositif de la semaine de quatre jours à la carte est largement inconnu, et donc peu commenté. L'appellation « loi Robien » et les lois Aubry sont beaucoup mieux connues. Pierre Larrouturou lui-même a été assez peu présent dans les médias.

Des chefs d'entreprise comme Claude Bébéar (AXA), Antoine Riboud (Danone), ou Christan Boiron, des responsables syndicaux, Marc Blondel (Force ouvrière) et Alain Deleu (CFTC), des employés (dont des cadres), se sont prononcés favorablement[12] sur la semaine de 4 jours à la carte.

Parmi les économistes, le dispositif a le soutien de[13] Denis Clerc, fondateur d'Alternatives Economiques, Sandrine Rousseau et Richard Sobel, tous deux maîtres de conférence, Nicolas Postel (enseignant et chercheur).

À gauche, il est soutenu par des personnalités telles que Jacques Delors[14] et Michel Rocard[12], ainsi que Stéphane Hessel, Cécile Duflot et Eva Joly, qu'il a rejoints à Europe Écologie. Pierre Larrouturou explique l'absence de soutien important au sein du Parti socialiste en affirmant que, pour ses responsables, le temps de travail est de nouveau un tabou[15].

Au centre, Jean Peyrelevade[12], p.-d.g. du Crédit lyonnais entre 1993 et 2003, s'y était montré favorable.

À droite, des personnalités comme Michel Barnier[12] et même Jacques Chirac[12] en 1993, ont soutenu explicitement la semaine de 4 jours à la carte. Nicolas Sarkozy affirmait[16] en 2004 : « Le partage du temps de travail est inadapté. »

Notes et références

  1. « La semaine de quatre jours, solution à la crise ? », par Julien Bonnet, 9 novembre 2011, sur Basta !
  2. Le guerrier du repos, Libération, 13 mars 2007
  3. Larrouturou estime en 1993 qu'« en tenant compte des effets induits - que le nombre des emplois créés sera compris entre 2 millions et 2,2 millions. », cité par Le Monde, 29 septembre 1993, « Pour la semaine de quatre jours »
  4. Retranscription de l'article « Pour la semaine de quatre jours », Le Monde du 29 septembre 1993
  5. Article « Semaine de 4 jours : une idée « vendue » par un consultant d'Arthur Andersen », Les Échos du 28 septembre 1993
  6. François Wenz-Dumaz, « Pierre Larrouturou revient avec sa boîte à idées », dans Libération, 27/02/2002 [texte intégral] 
  7. Les effets de la réduction du temps de travail sur les modes de vie : Qu’en pensent les salariés un an après ?, publié dans Premières synthèses du ministère de l'Emploi en mai 2001 dans l'édition 21.1
  8. « Le partage du chômage », Les Échos, le 15 octobre 1993
  9. Nouvelle Gauche, « La Semaine de 4 jours/Faisabilité », Nouvelle Gauche, 2010. Consulté le 25 mars 2010
  10. Nouvelle Gauche, « Vaincre le chômage / La Semaine de 4 jours », Nouvelle Gauche, 2010. Consulté le 26 mars 2010
  11. Les Amis de l'Ecole de Paris, « La Semaine de quatre jours/Les erreurs à éviter », http://www.ecole.org,  1995. Consulté le 14 mai 2010
  12. a, b, c, d et e [1] sur le site de Nouvelle Gauche, Vaincre le chômage. La semaine de 4 jours à la carte. Ce qu'ils en pensent/ Consulté le 7 mars 2010">
  13. Nouvelle Gauche, « Appel du 2 mai pour des Etats généraux de l'emploi », Nouvelle Gauche, 2009. Consulté le 28 février 2010
  14. Le Monde, 7 octobre 1997 : « La S4J est la formule la plus créatrice d'emplois. »</
  15. Pierre Larrouturou, « La Semaine de 4 jours créerait 1,6 million d'emplois », lemonde.fr, 2007. Consulté le 5 mars 2010
  16. Gérard Filoche, « Sarkozy et les 35 heures », Mensuel democratie et socialisme, 2004. Consulté le 7 mars 2010

Bibliographie et articles de presse

Voir aussi

Article connexe


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Semaine de quatre jours de Wikipédia en français (auteurs)

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