Robert Mugabe

Robert Mugabe
Robert Mugabe
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Robert Mugabe en janvier 2008, durant le sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba (Éthiopie).

Mandats
4e président de la République du Zimbabwe
Actuellement en fonction
Depuis le 31 décembre 1987
(&&&&&&&&&&&0871823 ans, 10 mois et 12 jours)
Élection 31 décembre 1987
Premier ministre Morgan Tsvangirai
Prédécesseur Canaan Banana
(président de l'État)
1er Premier ministre zimbabwéen
18 avril 198031 décembre 1987
Président Canaan Banana
Prédécesseur Abel Muzorewa
Successeur Fonction abolie
Biographie
Nom de naissance Robert Gabriel Karigamombe Mugabe
Date de naissance 21 février 1924 (1924-02-21) (87 ans)
Lieu de naissance Mission Kutama,
district de Zvimba
Flag of Southern Rhodesia.svg Rhodésie du Sud
Nationalité zimbabwéennne
Parti politique ZANU-PF
Conjoint Sally Hayfron (1931-1992)
Grace Marufu
Diplômé de Université de Fort Hare
Université de Londres
Université d'Afrique du Sud
Profession Enseignant
Résidence Palais national (Harare)
Signature Signature of Robert Mugabe clear.svg

Coat of Arms of Zimbabwe.svg
Premiers ministres zimbabwéens
Présidents de la République du Zimbabwe

Robert Gabriel Mugabe, né le 21 février 1924 en Rhodésie du Sud, est un homme politique zimbabwéen. Après avoir été Premier ministre de 1980 à 1987, il est élu président de la République le 31 décembre 1987, date à partir de laquelle le régime prend un tournant dictatorial. Il est le plus âgé des chefs d'État d'Afrique en exercice.

Longtemps considéré comme l'un des « pères de l’indépendance » de l'ancienne Rhodésie du Sud, l'ancien chef de guérilla a plongé l'ancien grenier à blé de l'Afrique dans la dictature et, depuis le début des années 2000, dans l'hyperinflation et la pénurie alimentaire la plus grave de l'histoire du pays[1],[2],[3].

Sommaire

Origines

Fils d'un immigré du Nyassaland, Robert Mugabe grandit à la mission catholique jésuite de Kutama au nord-est de la capitale Salisbury. Son père abandonnant le foyer familial alors qu'il n'a que 10 ans, Robert Mugabe est élevé par sa mère dont il est très proche. Enfant solitaire, il manifeste un goût prononcé pour la lecture et les études. Il est issu de l'ethnie majoritaire des Shonas.

Éducation

Diplômé en enseignement à l'âge de 17 ans, il rejoint l'Université de Fort Hare en Afrique du Sud pour y étudier l'anglais et l'histoire. Il y côtoie Julius Nyerere, Herbert Chitepo, Robert Sobukwe et Kenneth Kaunda.

Il est diplômé en 1951 puis poursuit ses études à Driefontein en 1952, à Salisbury (1953), à Gwelo (1954) et au Tanganyika (1955-1957). Il obtient par correspondance une licence en enseignement à l'Université d'Afrique du Sud et une licence d'économie à l'Université de Londres. Il enseigne pendant trois ans à Lusaka, capitale de la Rhodésie du Nord, puis à Accra au Ghana, première colonie d'Afrique ayant accédé à l'indépendance, où il s'éprend d'une collègue, Sally Hayfron, sa première femme qu'il épouse en 1961.

En plus de ses sept diplômes académiques, il n'hésite pas à dire qu'il est « diplômé en violence »[4].

Le chef de guérilla en Rhodésie du Sud

En 1960, Robert Mugabe revient en Rhodésie du Sud, converti à l'idéologie marxiste et se déclarant « marxiste-léniniste-maoïste »[5]. Il se joint au Ndébélé[6] Joshua Nkomo et au Parti national démocratique (National Democratic Party – NDP), qui devient par la suite Zimbabwe African Peoples Union (ZAPU), immédiatement interdit par le gouvernement blanc de Ian Smith.

En 1963, Mugabe, shona, crée son propre parti, le Zimbabwe African National Union (ZANU), avec le révérend Ndabaningi Sithole et l'avocat Herbert Chitepo. Il en devient secrétaire général. La ZANU et la ZAPU seront longtemps séparés par cette frontière ethnique entre Shonas et Ndébélés.

En 1964, il est arrêté avec d'autres chefs de file nationalistes et jeté en prison pendant dix ans. Il en profite pour étudier le droit et consolider son influence sur le mouvement nationaliste. En 1966, il perd son fils mais se voit refuser une permission pour l'enterrement, ce qui attise sa haine du régime de Salisbury.

Relâché par Ian Smith en 1974, sous les pressions de John Vorster, le premier ministre d'Afrique du Sud il quitte la Rhodésie pour le Mozambique où il prend la direction de la branche militaire de la ZANU, la ZANLA (Zimbabwe African National Liberation Army), pour mener la guérilla contre le gouvernement de Ian Smith.

Le 18 mars 1975, Herbert Chitepo est assassiné en Zambie dans un attentat à la voiture piégée et Mugabe peut alors prendre le contrôle de la ZANU tandis que le révérend Ndabaningi Sithole renonce au combat armé.

Le 3 mars 1978, les accords de Salisbury signés par Ian Smith avec des dirigeants noirs modérés comme Abel Muzorewa et Ndabaningi Sithole aboutissent au principe d'élections multiraciales et à la fin de la domination blanche.

Les élections d'avril 1979 sont remportées par l'UANC de Canaan Banana et d'Abel Muzorewa, l'UANC étant le seul parti noir ayant renoncé à la violence et autorisé ainsi à concourir. Abel Muzorewa devient le nouveau premier ministre de la nouvelle Zimbabwe-Rhodésie le 1er juin 1979. Cependant, le nouveau régime n'obtient pas de reconnaissance internationale du fait des restrictions imposées aux autres partis politiques noirs n'ayant pu participer aux élections.

En décembre 1979, le pays redevient la colonie britannique de Rhodésie du Sud et les accords de Lancaster House signés à la fin du mois aboutissent à un accord général dont l'octroi de garanties économiques et politiques pour la minorité blanche et des élections multiraciales prévues pour février 1980. Après une campagne électorale marquée par des intimidations de toutes parts, l'intrusion des forces de sécurité et des fraudes, les shonas votent en masse pour leur parti communautaire, en l'occurrence la ZANU de Robert Mugabe.

Le 4 mars 1980, la ZANU emporte 57 des 80 sièges réservés aux Noirs alors que les 20 sièges du collège électoral blanc sont tous remportés par le Front rhodésien de Ian Smith.

Le 18 avril 1980, Robert Mugabe devient le premier Premier ministre du nouvel État du Zimbabwe et Canaan Banana le premier président.

Premier ministre

Au pouvoir, Mugabe tente de bâtir un nouveau pays sur la base d'une alliance entre Shonas et Ndébélés. Il tente d'incorporer la ZAPU dans sa ZANU et offre à Nkomo de prestigieux portefeuilles ministériels. Mais les revendications et les attentes sociales des Shonas l'entraînent à mener une politique plus nationaliste et ethnique.

En 1982, pour fêter les deux ans d'indépendance, il fait rebaptiser toutes les villes du pays à commencer par Salisbury, nommée désormais Harare.

En 1983, une rébellion ndébélé met fin à l'union ZANU-ZAPU et une guerre civile ensanglante la province du Matabeleland. Robert Mugabe y déploie « sa » 5e brigade, une force spéciale formée par des instructeurs nord-coréens. Nkomo est démis de ses fonctions. La répression de l'armée est brutale contre les Ndébélés. On dénombrera 10 000 victimes.

En 1987, un accord de paix met fin à la guerre civile et la ZAPU se fond enfin dans la nouvelle ZANU-PF. C'est également l'année de la fin du collège électoral blanc et de leur représentation assurée de 20 députés signifiant la fin du rôle politique des Blancs dans le pays. C'est aussi l'année où Mugabe prend la fonction de président de l'État aux pouvoirs élargis, abolissant le poste de Premier ministre.

Chef de l'État

Robert Mugabe, en 1991.

En 1988, Mugabe nomme Nkomo au poste de vice-président. Depuis la fin de la représentation blanche et de la fusion de la ZAPU dans la ZANU, il n'y a plus d'opposition au parlement et le pays vit de facto sous un régime de parti unique.

En 1990, Robert Mugabe est élu président de la République et fait part de son intention d'imposer institutionnellement la ZANU comme parti unique et de transformer l'État en régime marxiste.

La chute du mur de Berlin et l'effondrement des régimes communistes en Europe empêchent cette mutation, du moins en droit.

En 1996, Mugabe est réélu presque sans opposition réelle suite au retrait de ses deux adversaires Abel Muzorewa et le révérend Ndabaningi Sitholé.

En 1997 Laurent-Désiré Kabila s'empare du pouvoir au Zaïre désormais rebaptisé Congo, mais doit rapidement faire face à la rébellion d'une partie de ses troupes soutenue par l'Ouganda et le Rwanda. Mugabe vole au secours du pouvoir de Kinshasa en envoyant 20 000 hommes au Congo au côté des Angolais et des Namibiens. Cette aide aura un prix : Mugabe obtiendra le droit d'exploitation d'une mine de cobalt (un des plus grands gisements du monde) et un accès au trafic de diamants[7]. Le cuivre congolais de meilleure qualité viendra alimenter les industries zimbabwéennes. L'intervention militaire de Mugabe sera totalement financée par l'État congolais avec ces mêmes ressources minières.

Il décide alors de mettre en chantier une réforme agraire qui aboutira à l'expropriation des fermiers blancs lesquels assuraient 80% du revenu national. C'est par la violence que le processus se met en route au début des années 2000 alors qu'un fort mouvement de mécontentement, dû au ralentissement économique et à la corruption ostentatoire des gouvernants, se propage dans le pays.

Le despote contesté

La réforme agraire

Quand Robert Mugabe était arrivé au pouvoir, 70 % des terres arables appartenaient à 4000 fermiers blancs. Robert Mugabe les avait rassurés contre toute expropriation forcée et quelques milliers d'hectares avaient été redistribués pacifiquement, souvent à des partisans du régime. L'expropriation des terres des fermiers blancs devrait se faire par une compensation financée par la Grande-Bretagne.

En 2000, Robert Mugabe soumet à la population une nouvelle constitution incorporant notamment une réforme agraire avec des expropriations sans compensation et surtout une amnistie permanente aux militaires et aux membres du gouvernement. Le 11 février 2000, contre toute attente, ce projet de nouvelle constitution soumis à référendum est rejeté par 54,7% des électeurs, manifestant pour la première fois la défiance de la population envers le vieux dirigeant.

Le 6 avril 2000, il passe outre ce vote pour imposer sa réforme agraire en recourant à la violence des milices de pseudo anciens combattants dirigés par Chenjerai Hunzvi. La plupart des fermiers blancs sont expropriés et une dizaine sont assassinés. Depuis lors, la plupart fuient à l'étranger. Cet exode des Blancs est suivi par celui d'environ 3 millions de Noirs[8].

Robert Mugabe est personnellement mis en cause en 2001 par le Parlement européen pour sa responsabilité dans le chaos que connaît le pays et les « atteintes massives » aux droits de l'homme, à la liberté d'opinion et à la liberté de la presse. Dans sa résolution, le parlement pointe le « climat de peur et de désespoir » que ressent l'ensemble de la population, conséquence directe des interventions de Robert Mugabe[9]. Il est en particulier régulièrement accusé de nourrir les hostilités envers les fermiers blancs du Zimbabwe et de les rendre responsables de l'échec de sa réforme agraire pour sauver son pouvoir[10].

Tandis que les troupes zimbabwéennes sont battues à plate couture au Congo,son homologue Laurent-Désiré Kabila est assassiné le 16 janvier 2001. Les troupes zimbabwéennes tiennent Kinshasa et Mugabe favorisera la venue au pouvoir du fils de Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila.

Traitement de l'opposition

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Dès 1982, Robert Mugabe reconnaît que son régime a recours à la torture[5].

Après la fusion de la ZANU et du ZAPU en 1987, aucune opposition crédible ne peut se constituer dans le pays. Les opposants, souvent eux-mêmes dissidents de la ZANU comme Edgar Tekere en 1990, font de la figuration. [réf. nécessaire]

Les élections parlementaires des 24 et 25 juin 2000 sont les premières élections compétitives que connaît le Zimbabwe depuis les élections de février 1980. Suite à l'échec du référendum organisé quelques mois plus tôt sur la réforme agraire, l'opposition regroupée dans le nouveau Mouvement pour le changement démocratique est de nouveau crédible et capable de mettre en échec la puissante ZANU-PF et le président Mugabe. En dépit de fraudes massives organisées par le pouvoir[réf. nécessaire], dans un climat de violences et d'occupation de fermes, le MDC n'échoue que de peu, avec 47% des voix contre 48,6% au ZANU. Malgré cette faible majorité de la ZANU-PF, le contrôle de celle-ci sur la chambre n'est pas menacé grâce à l'appoint des 20 députés supplémentaires nommés par le président Mugabe (correspondant à ce qui était autrefois le quota de députés réservé aux électeurs blancs).

Robert Mugabe a refusé la même année une proposition de Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, visant à se retirer du pouvoir en contrepartie d'un asile politique et de compensations financières[11],[12].

À l’élection présidentielle de mars 2002, Robert Mugabe doit recourir encore à la violence et aux fraudes électorales pour se faire réélire président de la république[réf. nécessaire] avec 56% des voix contre Morgan Tsvangirai, le président du tout nouveau Mouvement pour un changement démocratique (MDC).

Manifestation contre le régime de Mugabe à Londres (été 2006).

À la suite de ces élections, la Grande-Bretagne tente d’organiser avec les pays du Commonwealth des sanctions internationales. Appuyés par les pays occidentaux, les États-Unis et l’Australie, les Britanniques obtiennent difficilement la suspension du Zimbabwe du Commonwealth mais les pays africains font bloc autour du dictateur, justifiant son comportement par les abus du colonialisme. Mugabe et ses proches sont également interdits de séjour en Europe et aux États-Unis.C'est sous ces pressions qu'il doit également retirer ses troupes du Congo.

Dorénavant, Mugabe abandonne toute courtoisie et met fin au semblant de démocratie en limitant drastiquement la liberté de la presse, en muselant l'opposition, en recourant à la torture et à l'assassinat des membres d'opposition avec l'aide d'un de ses anciens opposants, Jonathan Moyo, promu ministre de l'information.

Alors que le pays s'enfonce dans une crise sans précédent et que 70% de ses citoyens sont sans emploi, le pays autrefois prospère doit souscrire au programme alimentaire mondial tandis que les élites, blanches comme noires, émigrent. L'économie périclite suite à l'expropriation violente des Blancs dont les terres désormais en jachère sont distribuées le plus souvent à des proches du régime. L'ancien pays exportateur de céréales doit dorénavant en importer.

Robert Mugabe est condamné par l'ensemble des pays occidentaux et par des organisations telles qu'Amnesty International qui dénonce les atteintes aux droits de l'homme. En Afrique, il reçoit le soutien de Sam Nujoma et d'autres chefs de file africains alors que quelques autres n'hésitent pas à dénoncer la dérive du régime. Desmond Tutu, l'ancien archevêque du Cap, le traite de « caricature de dictateur africain ». L'ancien président de la Zambie Kenneth Kaunda et le président du Botswana Festus Mogae le désavouent.

En 2003, le Congrès des États-Unis impose une multitude de sanctions financières et économiques, lesquelles sont dénoncées comme « racistes » par Robert Mugabe.

Le 8 décembre 2003, le Zimbabwe est suspendu pour 18 mois supplémentaires du Commonwealth. Mugabe riposte en retirant purement et simplement le Zimbabwe de l'organisation.

Mugabe s'en prend continuellement aux Blancs et aux Occidentaux, plus particulièrement à Tony Blair qu'il accuse de néo-colonialisme, le traitant également de « petit garçon en short ».

En 2005, le président George W. Bush cite le Zimbabwe parmi les postes avancées de la tyrannie au côté de Cuba et de la Corée du Nord.

Depuis 2005, dans le cadre de l'opération Murambatsvina (« chasser la saleté »), près de 700 000 personnes sont expulsées de la capitale, sans avoir d'autre lieu où se loger, pour « assurer la sécurité » dans Harare. Ces destructions de bidonvilles visent à frapper les quartiers qui avaient voté le plus pour l'opposition à Robert Mugabe.

En 2007, Robert Mugabe est le seul chef d'État africain à n'être pas invité par la diplomatie française au sommet France-Afrique de Cannes, qui se tient les 15 et 16 février. En effet, il est interdit de voyage sur le sol de l'Union européenne depuis plusieurs années, en raison de ses violations des droits de l'homme[13]. Son pays est alors plongé dans une profonde crise, battant chaque mois des records d'inflation, atteignant + 1600% en janvier 2007[14] et même 1730% en mars 2007[15].

En mars 2007, un rassemblement de l'opposition tente de manifester contre l'interdiction des manifestations et des rassemblements politiques, contre l'intention du président Robert Mugabe de se présenter à un nouveau mandat en 2008 et pour dénoncer la crise sociale, économique et politique que connaît le Zimbabwe depuis l'an 2000. La police arrête 50 militants (dont le chef de file du MDC, Morgan Tsvangirai) et les passe sévèrement à tabac. Une militante du MDC est tuée par balles.

Les élections présidentielle et législatives de mars 2008

Les élections présidentielle, municipales et législatives du 29 mars 2008 se déroulent dans un contexte économique, politique et social très tendu. L'ancien grenier à blé de l'Afrique australe est alors en ruine, avec une hyperinflation annuelle proche de 165 000%, quatre adultes sur cinq au chômage, des magasins vides, des pénuries alimentaires et énergétiques à répétition alors que l'espérance de vie a dégringolé à 36 ans. Robert Mugabe bénéficie néanmoins encore du soutien sans faille de la police et de l'armée ainsi que d'un système élaboré de clientélisme assorti de campagnes de répression ou d'intimidation des partis rivaux[16].

Pour l’élection présidentielle, Robert Mugabe (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique – ZANU-PF), candidat à un 6e mandat, affronte à nouveau Morgan Tsvangirai (Mouvement pour le changement démocratique – MDC) et Simba Makoni, un ancien ministre des finances, dissident du ZANU-PF. Pour les élections législatives, le MDC affronte le ZANU-PF[17].

Les élections ont lieu en l'absence de la plupart des correspondants de la presse étrangère et des observateurs européens et américains, le régime n'ayant accepté que la présence d'observateurs de pays africains ou « amis ».

Ce n'est que le 2 avril, au bout d'un long décompte, que la commission électorale du Zimbabwe déclare que le MDC a gagné les élections en remportant 105 sièges (dont 5 MDC dissidents) contre 95 au ZANU-PF. Au Sénat, les deux partis se retrouvent à égalité. Entre-temps, le MDC a accusé les autorités de retarder les résultats pour les manipuler en faveur de Robert Mugabe et, par crainte de violences, les forces de sécurité ont été déployées dans la capitale du pays. Sur le plan international, la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, qualifie le régime de Robert Mugabe de « honte pour le peuple du Zimbabwe, pour l'Afrique australe et le continent dans son ensemble »[18] alors que le président sud-africain Thabo Mbeki est mis en cause, y compris par son propre parti l'ANC, pour son « silence assourdissant » ou son aveuglement sur la situation politique du pays[19].

Alors que la ZANU-PF réclame et obtient un recomptage partiel, alimentant la tension politique au Zimbabwe, les résultats de l’élection présidentielle ne sont pas divulgués. L'absence de publication officielle des résultats fait alors craindre au MDC que la Commission électorale, dont les membres ont été nommés par Robert Mugabe, ne manipule les résultats. Alors que le MDC proclame que Morgan Tsvangirai a été élu président avec 50,3% des voix, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, demande aux autorités de procéder à la publication officielle des résultats de l'élection présidentielle. De son côté, Robert Mugabe appelle les Zimbabwéens à protéger leurs terres des Blancs[20] alors que « d'anciens combattants » de la guerre d’indépendance envahissent les fermes encore détenues par les Blancs[21].

Alors que la ZANU-PF a probablement bien été battue aux élections législatives du 29 mars par le Mouvement pour un changement démocratique et que les résultats de l'élection présidentielle ne sont toujours pas publiés, trois semaines après le scrutin, Robert Mugabe réapparaît publiquement lors des fêtes de commémoration de l'indépendance du Zimbabwe. Mis en accusation pour les violences et les actes d'intimidation de ses partisans à travers le pays[22] pour s'assurer de la victoire en cas de deuxième tour de la présidentielle, Robert Mugabe en profite pour attaquer la Grande-Bretagne devant 15 000 militants et sympathisants, réunis dans un stade de la banlieue d'Harare. Dans un discours virulent, il accuse ainsi l'ancienne puissance coloniale de « soudoyer une partie de la population pour qu'elle se retourne contre lui », répétant que « le Zimbabwe ne sera plus jamais une colonie »[23]. Lors d'une manifestation le 20 juin il déclare également que « seul Dieu pourrait lui retirer le pouvoir ». Dans ce climat, bien que vraisemblablement majoritaire dans le pays mais craignant pour ses partisans menacés de représailles sanglantes, Morgan Tsvangirai décide à cinq jours du second tour de l'élection présidentielle de boycotter celle-ci, permettant ainsi à Robert Mugabe d'être réélu[24].

Jusqu'à cette campagne électorale, Robert Mugabe bénéficiait d'un soutien quasi sans faille de ses pairs africains, notamment de ceux de la Communauté de développement des pays d’Afrique australe. À la suite des exactions commises par ses partisans, Robert Mugabe, que Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères français, qualifie « d’escroc et d’assassin »[25], est lâché par plusieurs pays voisins comme la Zambie, le Botswana, l’Angola et le Swaziland qui se joignent à l'ensemble des condamnations internationales de celui perçu autrefois comme le « père de la nation » zimbabwéenne mais aujourd'hui aussi catalogué par la presse et la communauté internationale comme un « despote mégalomaniaque »[26]. Dans le même temps, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, apporte son soutien à la demande de Morgan Tsvangirai appelant au report du second tour de l'élection présidentielle, déclarant notamment qu'il y a « trop de violences et d'intimidations » au Zimbabwe et qu'une élection ne peut être tenue dans ces conditions et serait dépourvue de toute légitimité. Ban Ki-moon déclare que « la situation au Zimbabwe représente aujourd'hui le plus grave défi à la stabilité de l'Afrique australe », estimant même que le principe d'élections en Afrique est en jeu[27]. Le 23 juin, par une résolution non contraignante, le Conseil de sécurité de l'ONU condamne la crise politique au Zimbabwe, accusant spécifiquement le « comportement du gouvernement » d'avoir « dénié à ses opposants politiques le droit de faire librement campagne » et rendu impossible, par ses violences et restrictions, « la tenue d'une élection libre et équitable le 27 juin ». Alors que le Britannique Paddy Ashdown, ancien haut représentant de l'ONU et de l'UE en Bosnie-Herzégovine, exprime ses craintes de voir la violence au Zimbabwe déboucher sur un « génocide », le Sud-Africain Jacob Zuma, chef de l'ANC, dénonce à son tour le comportement de Robert Mugabe, demandant une intervention d'urgence aux Nations unies et à la Communauté pour le développement de l'Afrique australe[28]. Dans un entretien accordé à la télévision australienne, un autre Sud-Africain, le Prix nobel de la paix Desmond Tutu, assimile Robert Mugabe à « une sorte de Frankenstein », et plaide également pour une intervention rapide de la communauté internationale, brandissant lui aussi la menace d'un nouveau génocide similaire à celui arrivé au Rwanda en 1994[29].

Le 25 juin 2008, Robert Mugabe est déchu de son titre de chevalier honoraire par la Grande-Bretagne[30], condamné par la Conférence des évêques d'Afrique australe, lâché par Nelson Mandela qui dénonce « la tragique faillite de leadership au Zimbabwe » et désavoué par la commission de sécurité de la Communauté de développement de l'Afrique australe qui lui demande de reporter le second tour de l'élection présidentielle[31],[32]. Or, de nombreux juristes internationaux estiment que ce second tour, organisé hors délai, n'a aucune valeur au regard de la loi électorale du pays et que, en respect de celle-ci, Morgan Tsvangirai ayant obtenu une majorité simple des suffrages lors du premier tour, est d'ores et déjà vainqueur[33] et le président légitime du Zimbabwe.

Les résultats officiels du second tour de l'élection présidentielle annoncent la réélection de Mugabe pour un sixième mandat. Il obtient officiellement 2 150 269 voix face à 233 000 pour Tsvangarai[34].

Résultats officiels de l'élection présidentielle

Premier tour
Candidats Nombres de voix % des voix
Morgan Tsvangirai 1 195 562 47,9%
Robert Mugabe 1 079 730 43,2%
Simba Makoni 207 470 8,3%
Langton Towungana 14 503 0,6%
Second tour
Candidats Nombres de voix % des voix Remarque
Morgan Tsvangirai 233 000 9,8% s'était retiré de l'élection
Robert Mugabe 2 150 269 90,2%

Suite à ce résultat officiel, Robert Mugabe prête de nouveau serment comme chef de l'État. À ce titre, il peut dès lors nommer 33 sénateurs supplémentaires, comme le lui confère de droit la Constitution, empêchant l'opposition (qui avait remporté la majorité des sièges à la Chambre basse et la moitié de ceux au Sénat) de contrôler le Parlement[35].

Alors que Ban Ki-Moon estime que ces élections ne reflètent pas la volonté du peuple zimbabwéen[36], que les États-Unis et l'Europe considèrent la victoire de Robert Mugabe comme étant usurpée et réclament la mise au banc d'un "régime illégitime"[37],[38], les chefs d'État africains réunis lors du sommet de l’Union africaine à Charm el-Cheikh reconnaissent que « le scrutin au Zimbabwe n’a pas été conforme aux normes de l’Union africaine sur les élections démocratiques », dénoncent les violences et l’absence « d’accès équitable aux médias publics »[39] et en appellent à un partage du pouvoir entre Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai dans un gouvernement d'union nationale[40]. Alors que les chefs d'État du Sénégal et du Nigeria sont les plus virulents envers Robert Mugabe, celui du Botswana propose d'exclure le Zimbabwe de l'organisation continentale et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).

Citations

Le président zimbabwéen Robert Mugabe a affirmé le 15 septembre 2005 que « les Zimbabwéens ne mouraient pas de faim »[41], mais qu'ils refusaient de changer leur régime alimentaire pour manger des patates ou du riz. Robert Mugabe a affirmé à l'Associated Press que son peuple était « très, très heureux ». Le véritable problème résidait dans la dépendance au maïs, selon lui, « mais cela ne veut pas dire que nous n'avons rien d'autre à manger : nous avons des tonnes de patates mais les gens ne sont pas des mangeurs de patates… Ils ont du riz mais cela ne les attire pas », déplorait Robert Mugabe.

En mars 2003, il déclare « Hitler avait un seul objectif : la justice pour son peuple, la souveraineté pour son peuple, la reconnaissance de l'indépendance de son peuple et ses droits sur ses ressources. Si cela c'est Hitler, laissez-moi être le décuple de Hitler (If that is Hitler, then let me be a Hitler tenfold. That is what we stand for.). »[42],[43].

Par ailleurs, le président du Zimbabwe, Robert Mugabe a fait à de nombreuses reprises des déclarations considérées comme racistes[44] :

  • « Notre parti doit continuer de faire entrer la peur dans le cœur de l’homme blanc, notre véritable ennemi » (s’adressant au ZANU-PF)
  • « Le seul homme blanc que vous pouvez croire est l’homme blanc mort »
  • « L’homme blanc est ici comme le second citoyen : vous êtes en numéro un. Il est numéro deux ou trois. C’est ce qui doit être enseigné à nos enfants »

Notes et références

  1. Robert Mugabe, le pouvoir à tout prix au Zimbabwe, article du journal Le Monde du 28 mars 2008
  2. Mugabe candidat au despotisme éternel au Zimbabwe, article de Pierre Haski sur Rue 89 du 28 mars 2008
  3. Le grenier est vide, article de RFI du 3 décembre 2007
  4. The man behind the fist [1], The Economist, 31/03/2007
  5. a et b Le Monde, 09/03/2002
  6. Ethnie du Zimbabwe issue des zoulous à partir d'une scission dans les années 1820
  7. US Embassy Diplomatic Cables - Référence 01VATICAN1261 du 6 mars 2001 - Wikileaks - Dans ce cable, le Vatican désigne le fils de Robert Mugabe comme un "key player in the exploitation of diamond mines" (un acteur clé dans l'exploitation des mines de diamants)
  8. Axel Gyldén, « Le saigneur du Zimbabwe », L'Express, 2 mai 2007
  9. Résolution du Parlement européen sur la situation au Zimbabwe
  10. Robert Mugabe refuses to give up,article de The Economist du 10 avril 2008
  11. (fr) WikiLeaks : comment Mugabe s'est accroché au pouvoir, Jeune Afrique, 21 décembre 2010
  12. (en) ZANU-PF REPORTEDLY INTERESTED IN DEAL WITH MDC, WikiLeaks, 27 septembre 2000. Mis en ligne le 18 décembre 2010
  13. « Dernier sommet africain du mandat de Jacques Chirac », article de Natalie Nougayrède et Jean-Pierre Tuquoi dans Le Monde du 15 février 2007
  14. « Assommés par un taux d'inflation de 1600%, les Zimbabwéens tentent de survivre ou émigrent ». Au sein de son parti la ZANU-PF, la guerre de succession fait rage et des noms pour l´après Mugabe commencent à circuler. Article de Fabienne Pompey dans Le Monde du 16 février 2007
  15. « L'opposition ne cesse de se développer dans un pays où l'inflation a dépassé le record du monde, avec un taux de 1 730 %. », article du Monde.fr avec AFP du 13 mars 2007 à 13h32
  16. L'opposition du Zimbabwe dénonce des fraudes électorales, article de Reuters du 29 mars 2008
  17. article de Reuters du 29 mars 2008, ibid
  18. Les voisins du Zimbabwe accusés de protéger Mugabe, article de l'AFP publié dans 20 minutes du 31 mars 2008
  19. Mugabe knows results Article de News24
  20. La communauté internationale demande la publication des résultats de la présidentielle, article du journal Le Monde du 7 avril 2008
  21. Robert Mugabe, l’instinct de conservation, article de Libération du 8 avril 2008
  22. A la veille du second tour, plus de 80 militants du MDC avaient été assassinés dont l'épouse du maire d'Harare, elle-aussi membre du MDC [2]
  23. Robert Mugabe s'en prend violemment à la Grande-Bretagne, article de Reuters du 18 avril 2008
  24. Au Zimbabwe, l’opposition réduite au boycott, article de Libération du 23 juin 2008
  25. Selon Kouchner, Mugabe est un «assassin et un escroc», article de Libération du 23 juin 2008
  26. Le silence sud-africain profite à Mugabe, article de Libération du 24 juin 2008
  27. Tsvangirai veut un nouveau scrutin Article du Figaro du 23 juin 2008
  28. le chef de l'opposition salue la déclaration de l'ONU, article du journal Le Monde en collaboration avec Reuters, 24 juin 2008
  29. Mugabe est devenu "une sorte de Frankenstein", dépêche de l'AFP repris par FranceInfo.com le 25 juin 2008
  30. Après Nicolae Ceaușescu, il est le second dictateur à se voir retirer cette distinction britannique qu'il avait reçu en 1994
  31. L'Afrique hausse le ton contre Robert Mugabe, article du journal Le Temps du 26 juin 2008
  32. Mandela dénonce la « tragique défaillance de la direction » du Zimbabwe, article de l'AFP du 26 juin 2008
  33. (fr) D'après le droit zimbabwéen, le second tour de la présidentielle est « illégitime », Le Monde, 25 juin 2008
  34. (en) "Mugabe sworn in after Zimbabwe's one-man election", AFP, 29 juin 2008
  35. Mugabe, toujours roi en Afrique article de Libération du 29 juin 2008
  36. déclaration du Porte-parole du Secrétaire général de l’ONU
  37. L'Union africaine compte sur la négociation au Zimbabwe, article du Figaro du 30 juin 2008
  38. L'ONU montre les dents, article du Radio Canada du 30 juin 2008
  39. Zimbabwe: la pression se fait plus forte sur Mugabe, article de Libération du 30 juin 2008
  40. L'Union africaine appelle à "la formation d'un gouvernement d'union nationale" au Zimbabwe, article de Reuters et de l'AFP publié dans Le Monde du 2 juillet 2007
  41. Famine : des millions de personnes menacées
  42. http://codrinarsene.com/2008/07/mugabe-power-plunder-and-the-struggle-for-zimbabwes-future-book-review/
  43. http://youtube.com/watch?v=JTxYa-QjX20
  44. www.racismeantiblanc.bizland.com - Compilation d’articles relatifs au Zimbabwe

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Robert Mugabe de Wikipédia en français (auteurs)

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