Rapports entre États et religions

Rapports entre États et religions

Suivant les époques et les lieux, les rapports entre États et religions ont pu considérablement varier, allant d’une union étroite à une stricte séparation.

Sommaire

Rapports entre États et religions dans l'histoire

Article détaillé : Lutte du sacerdoce et de l'Empire.

L'Édit de Thessalonique de 380 fait du christianisme la religion officielle de l'Empire romain. Les païens, les hérétiques et les Juifs devinrent alors des citoyens de seconde zone, grevés d'incapacités juridiques et administratives[1]. Dans la péninsule hispanique d'Al-Andalus, si l'islam sunnite est religion officielle, les autres religions sont tolérées, faisant de l'Espagne un modèle de diversité religieuse, jusqu'à la Reconquista des Rois catholiques (le décret de l'Alhambra de 1492 conduit les Séfarades à émigrer en Afrique du Nord et dans l'Empire ottoman).

Opposant le pape Grégoire VII à l'Empereur romain germanique, la querelle des Investitures, au XIe siècle, permet à Rome de réaffirmer sa souveraineté dans le domaine spirituel, en conservant le pouvoir de nomination des évêques; en contrepartie, Rome doit abandonner au prince le domaine temporel[2]. Peu de temps après, le cardinal Deusdedit (en) admet la dualité des juridictions, tout en proclamant la supériorité du pouvoir spirituel[2]. Une tradition se développe ainsi, perdurant à travers les vicissitudes des siècles, selon laquelle le pape est détenteur de l' auctoritas, et le prince de la potestas (expression du pape Gélase Ier) [2].

Dans les Dictatus papae, Grégoire VII affirme que la plénitude de pouvoir (plenitudo potestatis) appartient au souverain pontife. Le concordat de Worms de 1122 sonne définitivement le glas du césaropapisme dans l'Europe non byzantine [3]. Bien plus, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, la plénitude de pouvoir spirituel est devenue une « notion totalitaire » [1]. L’Église ne peut tolérer un autre pouvoir que celui du pape. Selon la « théorie des deux glaives », le pape détient aussi bien le glaive spirituel que le glaive temporel. Il donne le second au prince pour qu’il en fasse l’usage que le pape lui indique[1]. La papauté tente ainsi d’instaurer une théocratie pontificale en faisant du pape le représentant de Dieu sur terre.

Les traductions latine du XIIe siècle d'œuvres grecques et arabes permettent à Thomas d'Aquin, au XIIIe siècle, d'élaborer une synthèse entre le christianisme et l'aristotélisme, qui conduit à distinguer la cité terrestre et la cité divine, suivant en cela la distinction ancienne de saint Augustin. Le pouvoir politique devient alors l'expression d'un ordre naturel. Le thomisme est par la suite contesté par les franciscains et par Duns Scot et Guillaume d'Ockham, qui refusent l'idée d'un ordre rationnel pré-construit, considérant que cela limiterait la volonté divine[2]. Ces derniers substituent ainsi au thomisme et à son organicisme les idées d'individu et de volonté contractuelle, qui influenceront les théories du contrat social[2].

Le XVIe siècle est celui de la monarchie de droit divin, théorisée en particulier par Jean Bodin, et de la Contre-Réforme. Pour Jean Calvin, il n'est de justice que dans la Révélation divine: hors de là, il n'est qu'« humaine pollution » (L'Institution de la religion chrétienne) [2]. Avec la théologie réformée, l'ordre politique a une double nature: il est d'une part mal nécessaire, imputable au péché originel: cette conception, « positiviste » selon le politologue Bertrand Badie, conduit à Luther; il s'inscrit aussi dans le projet messianique de reconstruction de la Cité de Dieu sur terre, qu'on retrouve chez Jean Calvin et chez les révolutionnaires puritains dans la Première révolution anglaise (1640) et dans la Révolution américaine[2].

Rapports entre États et religions aujourd'hui

Les rapports qu'entretiennent les États et les différentes religions varient d'un pays à l'autre. Certains ont adopté un système de séparation totalement hermétique alors que, à l'autre extrémité, la religion fait partie intégrante de l'État.

Europe

  • Religions d'État :
    • Andorre (église catholique romaine)
    • Chypre (église orthodoxe byzantine)
    • Danemark (église luthérienne)
    • Finlande (la Constitution donne le statut d'églises nationales à l'église luthérienne et à l'église orthodoxe finnoise)
    • Grèce (église orthodoxe byzantine ; la Constitution se fonde sur la Sainte Trinité)
    • Islande (église luthérienne)
    • Liechtenstein (église catholique romaine)
    • Malte (église catholique romaine)
    • Monaco (église catholique romaine)
    • Norvège (église luthérienne)
    • Royaume-Uni (église anglicane pour l'Angleterre et le Pays de Galles ; église presbytérienne pour l'Écosse)
    • État de la Cité du Vatican (église catholique romaine)
  • Autres :
    • Belgique : non concordataire, la Constitution belge garantit de plein droit la neutralité de l'État et l'autonomie des Églises. Elle prévoit également le droit pour les parents de choisir à l'école publique un des cours de religion reconnue ou de morale non confessionnelle. Par ailleurs, le traitement des ministres des sept cultes reconnus (catholicisme, orthodoxie, anglicanisme, protestantisme évangélique, judaïsme, islam, et une organisation d'action laïque) est assuré par l'État.
    • Irlande : la Constitution se fonde sur la Très Sainte Trinité (église catholique romaine)
    • Pays-Bas : Statut juridique privé des Églises
    • Suisse : aucune (par contre, certains cantons ont le catholicisme romain comme religion d'État ; d'autres le protestantisme et d'autres aucune)
    • Suède : l'église luthérienne a été religion d'état jusqu'en 2000 ; le souverain doit appartenir à cette religion.

Amérique

  • États-Unis d'Amérique : Le premier amendement de la constitution américaine stipule que « le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de ses griefs. »
  • En 1875, James Blaine, président de la chambre des représentants, proposa un amendement constitutionnel interdisant les subventions publiques pour tout projet à vocation religieuse. Cet amendement Blaine, bien que rejeté par le sénat, fut, ensuite, adopté par 37 états américains qui l'inclurent dans leur constitution, qui donc ne subventionnent aucune école privée. Cette forme de laïcité scolaire est remise en cause par le développement du chèque éducation.

Asie

Afrique

Océanie

Compléments

Références

  1. a, b et c Université de Paris X-Nanterre, « Histoire du droit », Ire partie, titre 3, chapitre 1, Cours de 1re année de DEUG, UP 2 «  , 2e semestre, année 2000-2001.] » sur [1]. Consulté le 21 août 2007
  2. a, b, c, d, e, f et g Bertrand Badie, « La pensée politique vers la fin du XVIe siècle: héritages antiques et médiéval », in Nouvelle histoire des idées politiques (dir. Pascal Ory), Hachette, Pluriel, 1987, p. 15-27
  3. Jean Chélini, Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Hachette, 1991, p. 291

Articles connexes

Liens externes

Ouvrages

[1] Quid 2002, Robert Laffont (pages 630c, 930c)


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