Querelle des universaux

Querelle des universaux

Universaux

Le terme « universaux » utilisé comme un nom est, en philosophie, une notion métaphysique et plus précisément de la scolastique médiévale. Les universaux sont des types, des propriétés ou des relations et caractérisent ce qui est invariable dans le temps et dans l'espace. Les universaux s'opposent donc aux particuliers et sont assimilables, en première approche, à des concepts. Ainsi la circularité, la « chevalinité »,... sont des universaux. À l'inverse, tel cercle ou tel cheval sont des particuliers.

En linguistique, en anthropologie et en psychologie interculturelle, les universaux sont des phénomènes qui se retrouvent dans toutes les langues naturelles ou dans toutes les cultures humaines.

Article détaillé : Universaux linguistiques.

Sommaire

Querelle des universaux

Les universaux furent l'enjeu d'une querelle demeurée célèbre qui se déroula du XIIe siècle au XIVe siècle. Les écoles s'opposaient sur la question de savoir si les universaux sont de pures conceptions de l'esprit, c'est-à-dire de simples concepts, ou s'ils sont des idées, assimilables à la conception platonicienne des Idées et ont à ce titre une existence propre.

Origine de la querelle

Cette opposition traverse de part en part l'histoire de la philosophie. Platon, idéaliste, et Aristote, réaliste, ont présenté des thèses opposées. Pour Platon, les Idées existent comme réalités supérieures. Au contraire, selon la logique constituée par Aristote, Porphyre de Tyr et Boèce, les catégories sont les attributs de l'être (substance, lieu), les prédicables sont des catégories logiques (le genre, l'espèce, la différence, le propre, l'accident). Les mots se rangent sous ces catégories. La question soulevée par L'Isagoge de Porphyre est de savoir si les genres et les espèces sont des produits de l'intellect ou des réalités subsistantes. Sont-elles séparées du sensible (incorporelles) ou immanentes au sensibles (corporelles) ?

"Tout d'abord, en ce qui concerne les genres et les espèces, la question est de savoir si ce sont [I] des réalités subsistantes en elles-mêmes ou seulement [II] de simples conceptions de l'esprit, et, en admettant que ce soient des réalités substantielles, s'ils sont [Ia1] corporels ou [Ia2] incorporels, si, enfin, ils sont [Ib1] séparés ou [Ib2] ne subsistent que dans les choses sensibles et d'après elles. J'éviterai d'en parler. C'est là un problème très profond et qui exige une recherche toute différente et plus étendue." (Porphyre, Isagoge (I, 9-12, trad. J. Tricot).

Une première alternative oppose [I] le "réalisme" platonicien des Idées (les genres et les espèces, par ex. l'abeille, ont une existence réelle, comme formes, idées séparées) au [II] conceptualisme aristotélicien ("les idées générales existent seulement dans l'esprit"). Un second choix paraît à l'intérieur de la première branche de l'alternative. Admettons la thèse platonicienne, qui pose la subsistance des universaux. Deux autres problèmes se présentent. Le deuxième problème relève de la philosophie stoïcienne : ces genres et espèces sont soit corporels soit incorporels. Pour des stoïciens, presque tout est corporel, sauf le lieu, le temps, le vide et l'exprimable ; pour Platon, l'universel est un incorporel. Le troisième problème relève du débat entre Platon et Aristote : l'universel est soit une Forme séparée (comme le croit Platon) ou un concept mental postérieur aux choses dans l'ordre de l'être (comme le croit Aristote) soit une forme immanente au sensible, un être subsistant dans les choses visibles.

La solution de Boèce est composite. Selon Boèce, les universaux sont à la fois intelligibles et substantiels. Dans la réalité, ils ont une existence singulière et ont une réalité universelle dans l'esprit. Ils existent aussi en Dieu sous forme d'idées divines. C'est le réalisme modéré (repris par Thomas d'Aquin). Toutes les solutions sont bonnes. Mais Boèce introduit une distinction entre voces (formes générales du langage) et les res (choses) visées dans le discours.

Au Moyen-Âge

La querelle des universaux se cristallise entre l'opposition entre sententia vacum (ce ne sont que des mots) et sententia rerum (ce ne sont que des choses). Le chanoine de Compiègne Roscelin affirme que les universaux sont avant tout des abstractions, qui n'ont d'existence que dans l'esprit de celui qui les forme et au moyen des mots ou des noms dont on les désigne. On donne à cette thèse le nom de Nominalisme. Abélard cherche une position médiane : le conceptualisme. Cette variété de nominalisme résulte de l'impossibilité d'attribuer un statut réel à l'universel pensé. Selon Abélard, le réalisme aboutit à des contradictions : comment une essence humaine peut-elle se trouver tout entière chez Paul ou chez Pierre ? Chaque être est singulier et irréductible. Seul l'individu existe réellement et substantiellement. Selon son maître Guillaume de Champeaux, les hommes ont tous la même essence, mais elle subit des modifications accidentelles. Abélard conclut que l'universel concerne les individus en tant qu'ils s'accordent dans le fait d'être homme. L'universalité entre les hommes ne peut être que de l'ordre du langage.

Exemples

Par exemple, les forces fondamentales de la physique (pour éviter le terme ambigu de "loi" de la physique) ne changeront pas, ni dans l'espace (d'un continent à l'autre), ni dans le temps. Les concepts mathématiques qui décrivent ces forces fondamentales sont des universaux par excellence, dans la mesure où on considère que la description mathématique de ces forces fondamentales a été validée par des observations.

Les lois (au sens du droit), sont des universaux plus faibles, d'abord parce qu'ils sont susceptibles de changer avec le temps et les mentalités, mais aussi parce qu'ils changent d'un État à un autre.

Exemples de philosophes nominalistes :

La Querelle des universaux vue par Anatole France

Dans La Révolte des anges Anatole France fait parler un démon qui, caché au moyen-âge sous le froc d'un moine, raconte la vie de son couvent :

« Tandis que, sous les murs de l'abbaye, les petits enfants jouaient à la marelle, nos religieux se livraient à un autre jeu aussi vain et auquel pourtant je m'amusai avec eux ; car il faut tuer le temps, et c'est même là, si l'on y songe, l'unique emploi de la vie. Notre jeu était un jeu de mots qui plaisait à nos esprits, à la fois subtils et grossiers, enflammait les écoles et troublait la chrétienté tout entière.

Nous formions deux camps. L'un des camps soutenait qu'avant qu'il y eût des pommes, il y avait la Pomme [...] qu'avant qu'il y eût des pieds et des culs en ce monde, le Coup de pied au cul résidait de toute éternité dans le sein de Dieu. L'autre camp répondait que, au contraire, les pommes donnèrent à l'homme l'idée de pomme [...] et que le coup de pied au cul n'exista qu'après avoir été dûment donné et reçu. Les joueurs s'échauffaient et en venaient aux mains. J'étais du second parti, qui contentait mieux ma raison et qui fut, en effet, condamné par le Concile de Soissons[1].

Notes

  1. Sans doute le Concile de 1092 qui condamna Roscelin de Compiègne.

Voir aussi

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