Pierre-Jean-Baptiste Chaussard

Pierre-Jean-Baptiste Chaussard
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Pierre-Jean-Baptiste Chaussard, dit Publicola Chaussard, né à Paris le 29 janvier 1766, mort le 30 septembre 1823, est un littérateur et poète français, homme politique et théophilanthrope.

Sommaire

Biographie

Avant la Révolution française

Pierre Chaussard est le fils de l'architecte Jean-Baptiste Chaussard (1729-1818) et d'Anne Michelle Chevotet, fille de l'architecte du roi Jean-Michel Chevotet. Pour la généalogie de sa famille, voir Famille Mottet. Après avoir achevé ses études au collège de Lisieux, sous la direction de Dupuis, l’auteur de L'origine de tous les cultes, Pierre-Jean-Baptiste Chaussard est reçu avocat, et se partage dès lors entre le travail du cabinet et la culture des lettres.

Pierre Chaussard fait imprimer, en 1787 une Ode sur le dévouement du duc de Brunswick, et cette pièce lui vaut une place dans le Petit Almanach d'Antoine de Rivarol[1]. Deux ans après, il publie sous le titre sa Théorie des lois criminelle, un traité qu'il compose pour quelque Académie. L'académie de Châlons-sur-Marne donne en concours cette question : l'extrême sévérité des peines diminuera t’elle le nombre et l'énormité des crimes ?. Chaussard est l'un des écrivains qui traitent de ce sujet, et dans lequel il met, en style déclamatoire, les raisons données par Beccaria de prouver la nécessité d'adoucir les lois pénales.

Après le 14 juillet 1789

Pierre Chaussard devient un chaud partisan de la Révolution française, il en défend les principes dans plusieurs pamphlets, et devient l'un des rédacteurs de La Sentinelle, journal qui reçoit des subsides du ministre Jean-Marie Roland de La Platière. Il est donc girondin un modéré, contrairement à ce qu’affirmeront ses détracteurs ultras, après 1815.

Longtemps avant qu'il soit de mode de renoncer à son nom patronymique, il change le sien contre celui de Publicola. Ce fils de Consul, accusé de commettre l'inceste avec sa mère, et de conspirer contre la vie de son père, qui avait embrassé la partie républicaine, correspond en partie à sa rapide évolution. Chaussard rejette sa famille et surtout ses parents et ses protecteurs, et lui-aussi se bat pour mettre fin à un ancien régime, puis pour défendre la république. En 1791, il écrit La France régénérée.

Commissaire du pouvoir exécutif en Belgique

La Confédération du Rhin est une idée de Chaussard datant de 1792.

Vers la fin de 1792, Chaussard est envoyé par le ministre Lebrun-Tondu, en Belgique, avec le titre de Commissaire du pouvoir exécutif. Il est chargé de faire appliquer le décret du 15 décembre, que Danton fait approuver par la Convention:

« Suppression radicale de toutes les autorités établies en Belgique. Élimination de nos lois traditionnelles. Saisie du produit des impôts que nous versions à notre souverain de Vienne. »

« Des commissaires français sont chargés d'appliquer ce décret chez nous. Le plus infâme fut Publicola Chaussard »[2].

Pierre-Jean-Baptiste Chaussard approuve le décret de la Convention qui prononce la réunion de ce pays à la France, et répond à ceux qui prétendent qu'on eût du consulter les Belges : « Le vœu d'un peuple enfant ou imbécile serait nul, parce qu'il stipulerait contre lui-même »[3]. Lors des votes, il constate que les Belges refusent de voter, demande le déploiement de l'appareil de la force nationale, pour « écarter des scènes scandaleuses des assemblées primaires ». Publicola Chaussard a besoin d'argent et des leviers pour remuer de fond en comble la Belgique[4].

Le but de sa mission est surtout d'introduire dans ces provinces les idées révolutionnaires, et il se met aussitôt à l’œuvre avec ses collègues : « Nous avons, dit-il, évangélisé partout, sur les places, aux clubs, aux estaminets, au théâtre... Nous avons louvoyé surtout avec le fanatisme. Nous avons voulu élever le bas clergé contre le haut clergé, et tuer ainsi le sacerdoce par le sacerdoce »[5]. Malgré ses prédications, et quoiqu'il ait remplacé dans toutes les villes les anciens magistrats par des patriotes, il ne cesse pas de rencontrer encore des obstacles à ses volontés. Ainsi, lorsqu'il veut faire arrêter Corneille-François de Nélis, évêque d'Anvers, pour le conduire à la citadelle de Lille, les administrateurs le font eux-mêmes évader.

Chaussard furieux donne l'ordre d'arrêter les administrateurs, ainsi que soixante-sept des habitants les plus notables. Mais Dumouriez enjoint à Chaussard ainsi qu'à ses collègues de partir sur-le-champ pour Bruxelles. Chaussard n'étant commissaire national qu'à Bruxelles. A Anvers, ce sont Tronquet-Saint-Michel et Collin, des républicains modérés[6].

Dumouriez les avertit qu'en cas de refus il ordonnera au général Marassé de les y contraindre. Publicola Chaussard vient se plaindre de cet ordre, et dit qu'il lui semble dicté par un vizir. Dumouriez lui répond : « Allez, M. Chaussard, je ne suis pas plus vizir que vous n’êtes Publicola » Dumouriez, selon Chaussard, lui répond : Je se sais pour un vizir… Je suis le premier de tous les agents de pouvoir exécutif et, si cela est nécessaire je prendrai la direction de toute la Belgique », Chaussard informe Paris qu'il faut le classer parmi les suspects. En réalité, Publicola Chaussard est considéré soit comme « passablement ridicule » par les Liégeois[7], soit comme « odieux » par les Anversois[8].

Pendant que sa mission en Belgique est un échec, Publicola Chaussard imagine la future Confédération du Rhin, pour affaiblir le Saint-Empire romain germanique[9] dans De l'Allemagne et de la maison d'Autriche[10], écrit dès 1792. Dans Histoire de la terreur, 1792-1794, Louis Mortimer Ternaux parle du : littérateur Publicola Chaussard, dont le pédantisme n'avait d'égal que la sottise.

Chef des bureaux du Comité de salut public

Publicola Chaussard quitte peu de temps après la Belgique. De retour à Paris, il s’empresse de dénoncer Dumouriez et il voudra se faire un mérite d'avoir le premier révélé sa Conjuration. Ses services sont récompensés par la place, alors très importante, de secrétaire de la mairie de Paris ; et ensuite par celle de chef des bureaux du Comité de salut public, place plus importante encore.

Appelé comme témoin dans le procès de Francisco de Miranda. Quand Dumouriez a rejoint les troupes alliées contre la république, le général Miranda (1750-1816) a refusé de le suivre, mais est tout de même convoqué par le Tribunal révolutionnaire après la Bataille de Neerwinden (1793), qui est une immense défaite.

Chaussard fait une déposition favorable au général, et contribue beaucoup à le faire acquitter. Publicola Chaussard, commissaire national dans la Belgique, dépose : « J'ai toujours remarqué dans les entretiens que j'ai eus avec Miranda un fond de philosophie peu commune qui décèle une grande étude du coeur humain »[11]. Francisco de Miranda passe le quart de son séjour en France, en prison.

Pendant la Terreur, Chaussard est placé trois fois sur les listes de suspects promis à l'exécution de Maximilien de Robespierre, car on le soupçonne d'être resté un Girondin[12].

Après le 9 Thermidor

Après le 9 Thermidor, il est nommé à nouveau secrétaire de la mairie de Paris, puis bientôt après Secrétaire général de l'instruction publique. Les questions d'éducation dépendent à cette époque du Ministère de l'Intérieur.

Son protecteur est Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux, et il figure parmi les orateurs théophilanthropes. Chaussard publie, de 1798 à 1803, un assez grand nombre d'ouvrages sous des pseudonymes, par exemple, celui de Dr Dicaculus, Le nouveau diable boiteux, tableau philosophique et moral de Paris (1799).

Ses amis le font nommer, en 1803, professeur au collège de Rouen, d'où il passe, l'année suivante, à celui d'Orléans. Ses essais sur Horace, insérés dans les journaux, et précédés d'un avertissement, où il annonçait le projet « de traduire le poète latin vers par vers, et de l'éclaircir par un commentaire rapide, et de goût plutôt que d'érudition » attirent l'attention du conseil de l'université. En 1805, il obtient la place de professeur de poésie latin à l'Académie de Nîmes; et deux ans après il est autorisé par Jean-Pierre Louis de Fontanes, Grand maître de l'Université, à rester à Paris, comme chargé de travaux classiques, en conservant son traitement et son titre.

Chaussard critique d'art

En 1806, Chaussard, reproche à Dominique Ingres sa Madame Rivière: « son pinceau gothique et l’indécence de ses toiles. On ne se tient pas comme ça dans un tableau exposé au Salon et promis à un usage domestique honorable ! » Il l'accuse aussi à propos de son portrait de Napoléon « de faire rétrograder l’art de quatre siècles, de nous reporter à son enfance, de ressusciter la manière de Jean de Bruges »[13].

Lui-même est aussi critiqué pour son Fêtes et courtisanes de la Grèce : Le livre de Publicola Chaussard est un recueil, savant du reste, de saletés et d'abominables maximes ; on y trouve, en fort mauvais vers, une ordurière et stupide parodie de la Messe[14].

Il a une grande admiration pour David dont il écrit la première biographie dans Le Pausanias français paru lors du Salon de 1806. Chaussard trouve que David a subliment retrouvé l'image de l'antiquité, en particulier sa nudité masculine, mais il écrit que Les Sabines ne peut être compris et admis seulement par une élite. Les nudités masculines du tableau génèrent des critiques hostiles. Il se fait le défenseur le plus éloquent du peintre.

La Restauration

Si Publicola Chaussard dénonçait le scandale des mœurs des Parisiennes sous l'Empire[15], il ne redevenient pas royaliste. Le retour des Bourbons le prive de ces avantages. Écarté du corps enseignant, sans pension de retraité, comme du temps où il était au pouvoir des fonctionnaires de Louis XVI, Chaussard doit chercher de nouveau des ressources dans la culture des lettres. Ses amis républicains lui restant fidèles.

Il meurt à Paris, le 30 septembre 1823, dans sa 58e année. Chaussard était membre de l'Institut de Hollande et de l'académie de Rouen.

Quelques-unes de ses idées

Il a publié beaucoup de discours et de livres et publié sa correspondance pendant sa mission en Belgique. On peut se faire une idée de sa pensée par cette phrase de l'avertissement : Riche d'une conscience imperméable à toute espèce de séduction, j'ai eu l'ambition de laisser un monument à l'histoire de l'éducation des peuples. Le principe de Publicola Chaussard, c'est que ne pouvant élever le pauvre jusqu'au riche, il faut faire descendre le riche jusqu'au pauvre. Il veut donc que les lois tendent à diviser sans effort, sans déchirement, sans violence, les fortunes colossales, et à faire ainsi couler au sein de l'indigence quelques ruisseaux du fleuve des richesses. Telle serait, dit-il, la loi sur l'adoption, pourvu qu'elle n'eût lieu qu'entre le riche et le pauvre; celle qui, supprimant les dots, rappellerait le mariage à sa sainteté, et le rendrait riche d'estime, d'amour et de fidélité; telle, une autre loi qui forcerait chaque citoyen à rendre compte publiquement de ses moyens d'existence ; une autre qui condamnerait l'homme riche sans enfants à verser, dans le trésor national, les fonds nécessaires à l'éducation d'un citoyen...

Ce type de discours fréquent chez Publicola Chaussard fait que les critiques de l’Ami de la religion et du Roi contre lui sont très vives. Pourtant, Chaussard était girondin et défendait des Girondins à une époque où Robespierre les combattait.

Albert Mathiez fait de lui un Hébertiste, ce qui n’est pas vraiment le cas. Publicola Chaussard ne fait qu’observer la société de son temps et préconiser des mesures identiques pour le ravitaillement à celle d’Jacques-René Hébert. Toutefois ses idées ne sont pas celles de tous les girondins. Son programme n’est même pas celui de Lénine, en 1917, promettant de donner la terre aux paysans. Publicola explique qu’il faut collectiviser les terres et les biens fonciers : Tout ce qui est nécessaire à tous est une propriété commune, que font valoir les particuliers. Il faut également que l’état supprime le commerce non étatique et le négoce, il ne faut pas laisser le commerce des objets de première nécessité dans les mains des particuliers.... Le descendant de conseillers et d’architectes du roi développe un programme qui fait penser à celui qui sera mis en place 130 ans plus tard en Union des républiques socialistes soviétiques.

Il faut toutefois remarquer que sous l’Ancien Régime, Chaussard est l’un des trois cents qui se sont ligués en l’honneur de Léopold De Brunswick, et que Rivarol, le futur contre-révolutionnaire, le classe parmi ses grands hommes préférés. En 1792, il est payé comme publiciste par les girondins, et il est le représentant de leur gouvernement en Belgique. C’est un dirigeant des patriotes qui écrit sans se poser de questions sur les droits des peuples : Fête des arts ou Projet relatif à la translation des objets d'art conquis en Italie, adressé au ministère de l'intérieur.

Pendant la Terreur, ce chef des bureaux du Comité de salut public ne semble pas avoir été inquiété. Nous le retrouvons après Thermidor, Secrétaire Général de l'instruction publique. Certes sous l’Empire il n’est plus qu’un professeur et un écrivain, mais il ne semble pas avoir été un farouche opposant. Il écrit en 1808 : Quatre odes sur la nouvelle du passage de sa majesté impériale et royale par Orléans.

En cette période troublée, plus d’un homme politique n’a pas su s’adapter aussi bien à tous les changements de gouvernants... et en est mort ou a été pour le moins arrêté ! Toutefois, malgré son opportunisme, il était selon même ses pires ennemis un homme très honnête.

Fortune critique

Biographie de Pierre Chaussard par une revue monarchiste

L'Ami de la religion et du Roi, 1824, p. 14 :

On s'est plaint quelquefois avec justice de la profusion des éloges que la légèreté de notre siècle accorde sans discernement aux morts. Des hommes méprisés et méprisables sont tout à coup transformés en modèles de vertu d'honneur et de courage et l'histoire sera fort embarrassée quelque jour pour distinguer au milieu de ces mensonges convenus, de ces flatteries outrées et de ces apologies dictées par un esprit de parti aveugle ou par une coupable indifférence pour le bien et le mal c'est la réflexion que nous n'avons pu nous empêcher de faire à l'occasion d'un article de la Revue encyclopédique sur M. Chaussard, de janvier 1824, article ridicule par l'exagération du panégyriste.

Pierre Jean Baptiste Chaussard, né à Paris le 29 janvier 1766 étoit fils d'un architecte. Il fit ses études au collège de Saint-Jean de Beauvais [sic], où il eut pour professeur Dupuis le même qui s'est rendu si tristement fameux par son livre De l'origine de tous les Cultes. Le maître jeta dans l'esprit du disciple des germes d'incrédulité, qui ne fructifièrent que trop; et la frivolité du jeune Chaussard fut dupe de l'érudition indigeste de l'ennemi de toute religion.

Après avoir suivi quelque temps le barreau, il vit commencer la révolution, et se lança avec ardeur au milieu du parti qui en favorisoit les progrès. On l'envoya, en 1792, pour révolutionner la Belgique, et à son retour il fut secrétaire de la mairie de Paris et du comité de salut public. Le choix qu'on avoit fait de lui pour de telles places indique assez quelles étoient ses opinions et ses principes : c'étoit un homme à la hauteur des circonstances. Il avoit pris le nom de Publicola à la place de Pierre, et dans une pièce de vers de circonstance, il avoit proclamé cette maxime : le peuple seul est Dieu. Nommé secrétaire général de la Commission d'instruction publique, il fut peu après privé de cette place, qui fut supprimée. La Revue dit qu'il sortit libre et pur de tous ses emplois; et nous concevons, en effet, quelle terrible pureté un athée, un révolutionnaire, un secrétaire du comité de salut public a pu conserver dans une place où il avoit l'honneur de travailler sous Robespierre, Couthon, Saint-Just, Collot D’Herbois, et autres hommes purs et vertueux.

Toutefois il paroît que M. Publicola Chaussard ne s'enrichit pas dans ses places : il fut obligé de se mettre aux gages des libraires; et la Revue, en avouant le fait cherche à en diminuer la honte, en parlant des immenses lectures de M. Chaussard, de son érudition, et du soin avec lequel il conserva toujours la dignité de l'homme de lettres. Ici, la dignité de l'homme de lettres peut aller de pair avec la pureté de l'administrateur M. Chaussard accumula, en peu d'années, une foule de brochures, de pièces et de compilations, qui accusent la précipitation du travail et l'exaltation des idées. Déjà, au commencement de la révolution, il avoit publié quelques écrits, entr'autres, une Lettre d'un homme libre à l'esclave Raynal. En 1798, il applaudit, par une ode, à la destruction du gouvernement papal. Fourcroy, son ami, le nomma successivement professeur à Orléans, à Rouen et à Nîmes.

A Orléans, il annonça un cours de littérature; mais les principes et le ton qu'il afficha dans le discours d'ouverture furent peu goûtés dans une ville où la religion avoit heureusement conservé de l'influence, et le professeur jacobin et athée ne trouva point d'auditeurs. Il employa son loisir à composer de mauvais romans comme Les Fêtes et Courtisanes de Grèce, Hiélogabale ou Esquisse de la dissolution romaine sous Les empereurs, les Anténors modernes etc. Ce dernier ouvrage qui parut en 1806 3 vol. in-8°. forme bien la production la plus ennuyeuse et la plus misérable que l'on puisse imaginer. L'auteur s'y étoit proposé de rabaisser le siècle de Louis XIV, et il a mérité d'être à cet égard le devancier de M. Dulaure, mais il montre dans son roman une ignorance à peine concevable : les anachronismes; les contradictions, les faussetés fourmillent dans cette triste compilation, où l'auteur fait converser ensemble des gens qui n'ont jamais pu se connoître, saint François de Sales, mort en 1622, avec M. de Cosnac né en 1627; Casimir, roi de Pologne, mort en 1672, avec le duc de Saint-Simon, né en 1675. On peut voir deux longs articles qui parurent à ce sujet dans les Mélanges de philosophie 1807, tome III, pages 433 et 544, et où l'on relève une foule de bévues et de traits d'ignorance et de partialité.

Rappelé à Paris en 1811, à la suite des plaintes qu'a voient fait naître ses principes et son affectation à les répandre M. Chaussard conserva son titre et ses appointemens, qu'il perdit à la restauration. Bientôt, les infirmités l'assaillirent et il est mort le 30 septembre dernier. II étoit un des collaborateurs de la Revue encyclopédique et voilà sans doute pourquoi ou s'est cru obligé de lui donner dans ce recueil, des éloges, auxquels on auroit pu joindre de fortes restrictions. On a voulu lui épargner le ridicule de ce nom de Publicola sous lequel M. Chaussard avoit voulu être connu, et que le Public s’obstinoit à lui donner depuis même que l'auteur avoit rougi lui-même de ce masque révolutionnaire. On parle de sa conscience, de sa pureté, de sa vaste érudition, du charme de ses entretiens de son amour sincère pour le bien public; on assure qu'il étoit également distingué par les qualités dit cœur et de l'esprit : enfin on en fait un sage, un modèle; et je conçois, en effet, que M. Chaussard pouvoit paroître tel à ceux qui ont hérité de ses opinions irréligieuses et révolutionnaires. Nous n'ajouterons plus qu'un trait à son éloge; c'est qu'il donna dans la théophilantropie et prêcha dit-on le déisme dans la chaire de Saint-Germain l’Auxerrois. Cependant il n'est point nommé dans l'Histoire de la théophilantropie de M. Grégoire.

Chaussard vu par Albert Mathiez

LA CAMPAGNE DE CHAUSSARD. (Mathiez, Albert (1874-1932). La vie chère et le mouvement social sous la Terreur, Saint-Amand : impr. Bussière p. 61, 62, 63)

D'autres indices encore confirment cette impression. Il faut chercher la pensée du gouvernement dans la feuille officieuse qu'il avait fondée et qu'il subventionnait, dans l'Antifédéraliste. Dans les numéros des 13, 14 et 15 octobre de ce journal, un publiciste, qui fut chargé à diverses reprises de missions officielles, Publicola Chaussard fit paraître sous le titre : « Quelques idées sur les subsistances », tout un programme d'action économique très apparenté à celui de Chaumette et d'Hébert. Analysant les causes de la pénurie des subsistances, il les trouvait d'abord dans la mauvaise organisation du système des réquisitions. Ces réquisitions émanaient d'autorités différentes : représentants, commissaires des villes ou des administrations ; elles se gênaient, elles se croisaient les unes les autres. Il fallait mettre fin aux moyens bornés, partiels et lents » employés jusqu'à ce jour, car le péril était vaste, général, imminent. Non pas que les grains fissent défaut, les greniers étaient remplis, la moisson avait été abondante.

« Les obstacles, dit Chaussard, sont dans les hommes. » Il dénonçait le fédéralisme latent des administrations départementales. Leurs auxiliaires naturels ont été les fermiers qui n'ont qu'une âme de propriétaire et non de républicain ; tous les égoïstes et tous les malveillants, ceux qui sèment la terreur et ceux qui la reçoivent. Je remarquerai, en passant, que la crainte d'un danger imaginaire est pire que celle d'un danger réel, parce que l'esprit voit le remède du dernier et n'en aperçoit pas à l'autre. Ce parti s'est grossi de tous les groupes des intérêts froissés, des passions irritées, des amours-propres mécontents, des Nihilistes qui suivent en troupeau l'opinion espèces de contre-révolutionnaires, ouvertement ou sourdement actifs qui n'ont plus d'espoir que dans un mouvement sur les subsistances qu'ils ont cherché et qu'ils cherchent encore à exciter.

Mais, pour Chaussard, l'obstacle n'était pas uniquement dans les personnes, il était aussi dans les choses. Il dénonçait alors le manque d'uniformité des lois et de leur exécution, l’inexpérience des agents qui ne restaient pas assez longtemps en fonctions, la multiplicité de autorités, etc. Il concluait que pour mettre de l'ordre dans le service des subsistances, il ne restait plus d'autre parti que de déclarer nationales toutes les récoltes. « Tout ce qui est nécessaire à tous est une propriété commune, que font valoir les particuliers. » En temps de révolution, on ne pouvait pas « laisser le commerce des objets de première nécessité dans les mains des particuliers, surtout lorsqu'un régime qui enfante la liberté frappe, ainsi qu'il doit le faire, sur les gains illicites et sur tous les vices que traîne à sa suite le commerce en général et bien plus encore le commerce né et grandi sous le despotisme... »

Chaussard reconnaissait sans doute qu'on avait déjà « frappé avec activité sur toutes les branches des abus commerciaux, mais c'est au tronc qu'il fallait porter les coups. » Une mesure grande et générale a deux effets que n'atteignent jamais les mesures multipliées et de détail, quelque bonnes qu'elles soient d'ailleurs. Le premier, c'est d'élever et d'agrandir l'esprit national, et le deuxième, c'est d'être plus universellement senti et apprécié par le peuple pour qui elle est faite; on peut ajouter qu'elle a une extension plus rapide et une action plus sûre et plus directe. En déclarant la récolte nationale, il résultera : 1° que dans les endroits frumenteux, les alarmes excitées par l'aristocratie seront neutralisées. Le système de terreur qu'elle voulait retourner sur nous est renversé. On ne pourra plus dire au cultivateur : si vous laissez aller vos grains à Paris, le département en manquera, car on répondra : ce n'est plus en un approvisionnement communal mais national, réparti dans une proportion telle qu'il est versé sur les points nécessiteux et impératifs et que la part est en raison des besoins de leur grandeur et de leur urgence. Dans les cantons infertiles, on verra passer avec respect les convois pour l'approvisionnement de Paris parce qu'on sentira que les mêmes besoins trouveront les mêmes ressources et que le trop-plein des endroits abondants doit s'écouler, par une pente naturelle, dans les endroits stériles. Alors s'évanouissent les défiances et les craintes réciproques. Ainsi la nationalisation des subsistances paraissait à Chaussard le corollaire indispensable des réquisitions et des taxes. »

L'œuvre de Chaussard

  • Esprit de Mirabeau. Extrait de ses divers ouvrages, 1804, Paris, Buisson
  • Jeanne d'Arc. Recueil historique et complet, Orléans, Darnault-Maurant : 1806
  • Lettre d'un homme libre à l'esclave Raynal, Impr. du cercle social
  • L'Industrie ou les arts, ode publiée à l'occasion de la fête du Ier Vendémiaire an VII, Paris, imp. de P. Didot l'aîné : 1806
  • Sur la Gloire du XIXe siècle. Discours prononcé le 14 août 1807... au lycée d'Orléans, Paris, Impr. de Porthmann : 1807
  • Alarmes de la moderne Carthage, ou l'Ombre de Nelson au peuple anglais, ode, Paris, impr. de Jeunehomme : 1806
  • Chant de paix et de victoire, ode,
  • Coup d'oeil sur l'intérieur de la République française, ou Esquisse des principes d'une révolution morale, Paris, Moutardier : an VII
  • De l'Allemagne et de la maison d'Autriche, éditeur inconnu, Paris, rue du Théâtre-Français, n ° 4, 1792
  • De la Maison d'Autriche et de la coalition, ou Intérêts de l'Allemagne et de l'Europe, Moutardier, Paris, 1797
  • Discours sur les principes de l'éducation lycéenne, et les avantages de l'union des sciences et des lettres, prononcé à l'inauguration du lycée d'Orléans, le 16 vendémiaire, an XIII, par P. J. B. Chaussard... Jacob l'aîné, A Orléans, 1804
  • Dithyrambe sur la fête républicaine du 10 août,
  • Eloge funèbre de nos frères d'armes morts à la glorieuse journée du 10 août, prononcé par Publicola Chaussard,... en présence d'une députation des fédérés des quatre-vingt-trois départements et des citoyens de la section du Louvre... le... 17 août l'an VI de la liberté... (Paris,), impr. de Martin
  • Esprit de Mirabeau, ou Manuel de l'homme d'État... Paris, Buisson : 1797
  • Essai philosophique sur la dignité des arts... Paris, Impr. des sciences et des arts : an VI
  • Examen de l'homme des champs Appel aux principes, ou Observations classiques et littéraires sur les Géorgiques françaises... (Paris,), an IX
  • Fête des arts. Projet relatif à la translation des objets d'art conquis en Italie, adressé au ministère de l'Intérieur, Paris, Pougens : 15 floréal an VI
  • Fêtes et courtisanes de la Grèce, supplément aux voyages d'Anacharsis et d'Antenor, F. Buisson, Paris, 1801
  • Fragmens d'un poème sur les victoires nationales, (S. l., an VII.)
  • Héliogabale, ou Esquisse morale de la dissolution romaine sous les empereurs, Paris, Dentu : an X-1802
  • Heur et malheur ou trois mois de la vie d'un fol et de celle d'un sage
  • Heur et malheur, ou Trois mois de la vie d'un fol et de celle d'un sage, roman français, suivi de Deux soirées historiques, par l'auteur du Nouveau Diable boiteux, Paris, Buisson : 1806
  • Mémoires historiques et politiques sur la révolution de la Belgique et du pays de Liège en 1793, etc., par Publicola Chaussard,... Buisson, Paris, 1793
  • Monuments de l'héroïsme français. Nécessité de ramener à un plan unique et de coordonner à ceux déjà existans, les monumens qu'on propose d'élever à Paris, sur l'étendue comprise entre les Tuileries et l'Etoile, considérations générales et projet, impr. de Vve Panckoucke : (an IX)
  • Le Nouveau Diable boiteux. Tableau philosophique et moral de Paris, Paris, F. Buisson : 1798-1799
  • Le Nouveau Diable boiteux. Tableau philosophique et moral de Paris, au commencement du XIXe siècle, Paris, Barba : 1803
  • Ode envoyée à l'Académie française sur le dévouement du duc de Brunswick qui mourut dans l'Oder le 27 avril 1785, en secourant des malheureux, Londres et Paris, Royez : 1787
  • Ode patriotique, S. l.,), 1788
  • Ode philosophique sur les arts industriels, lue à la séance publique du Lycée républicain, éditeur inconnu, Paris, Impr. des sciences et arts, 1798
  • Ode sur la bataille de Wagram et ses résultats, (S. l., 1809.)
  • Ode sur la fondation de la République française, Paris, impr. de Ve Panckoucke : an X
  • Ode sur le combat d'Algésiras, Paris, impr. de Vve Panckoucke : an IX-1801
  • Ode sur les derniers attentats du Gouvernement romain, Paris, Impr. des sciences et arts : an VI
  • Pierre et le Niémen, ou l'Essor de la civilisation, ode, Orléans, Darnault-Maurant : 1809
  • Poétique secondaire, ou Essai didactique sur les genres dont il n'est point fait mention dans la Poétique de Boileau, Paris, A. Egron : 1817
  • Quatre odes sur la nouvelle du passage de sa majesté impériale et royale par Orléans, [circa 1808], Orléans, Darnault-Maurant
  • Sur le tableau des Sabines, par David, Paris, C. Pougens : 1800
  • Théorie des lois criminelles, ou Discours sur cette question : si l'extrême sévérité des lois diminue le nombre et l'énormité des crimes, suivi d'un tableau analytique des lois criminelles des différents peuples, composés en 1788, et publiés en 1789, par P.-J.-B. Chaussard,... Auxerre, impr. de L. Fournier : 1789
  • Le Pausanias français. État des arts du dessin en France à l'ouverture du XIXe siècle. Salon de 1806. Publié par un observateur impartial, 1806, Paris, Buisson
Divers
  • une traduction des Expéditions d'Alexandre, d'Arrien, 1803
  • une Épître sur les genres dont Nicolas Boileau n'a pas fait mention dans l'Art poétique, 1811, transformée ensuite en un poème en 4 chants sous le titre de Poétique secondaire, 1819.

Notes

  1. Chaussard est un des trois cents qui se sont ligués en l’honneur de Léopold De Brunswick. Rivarol, Antoine de (1753-1801) Petit almanach de nos grands hommes
  2. Article de Henri Störm, paru dans la revue Frater News numéros 31 à 34, 1989/1990
  3. Mémoires historiques et politiques sur la révolution de la Belgique et du Pays de Liège en 1793, par Publicola Chaussard, homme de lettres, envoyé dans ces contrées, en qualité de commissaire national, par le conseil exécutif provisoire de la république française, Paris 1793. In-8° de 452 pages, p. 81
  4. Histoire des Belges à la fin du xviiie siècle, par Adolphe Borgnet, p.196
  5. Ibid., p. 141
  6. in Histoire des Belges à la fin du xviiie siècle, par Adolphe Borgnet, p.152n
  7. Histoire de la révolution liégeoise de 1789(1785 à 1795), d'après des ... par Adolphe Borgnet, p.265
  8. Dumouriez, Général de la révolution, 1739-1823, biographie, par Isabelle Henry, p.381
  9. The Resources of the British Empire, Together with a View of the Propable ..., par John Bristed, p.36
  10. éditeur inconnu, Paris, rue du Théâtre-Français, n ° 4
  11. Histoire parlementaire de la révolution française ou Journal des assemblées ... par Prosper Charles Roux, Philippe Joseph Benjamin Buchez, p.64
  12. L'idéologue Chaussard, in Approches des Lumières: mélanges offerts à Jean Fabre (Paris: Klinksieck, 1974), 381-401
  13. Pierre Chaussard, « Salon de 1806 », dans Le Pausanias français
  14. Le Plutarque Provencal Vies Des Hommes Et Des Femmes Illustres De La ..., par Alexandre Gueidon, p. 58
  15. Paris sous Napoléon, par Léon de Lanzac de Laborie, p.132

Bibliographie

  • Adrian Rifkin, Histoire, Période et la morphologie de la langue critique, ou du choix de Publicola, dans La critique d'art et ses établissements au XIXe siècle en France, E-D. Michael Orwicz (Université de Manchester, 1994), pp. 29-42.

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