Photovieillissement accéléré en SEPAP

Photovieillissement accéléré en SEPAP
SEPAP
UN OUTIL POUR ÉVALUER
LA DURÉE DE VIE
DES MATIÈRES PLASTIQUES
* 4 lampes à vapeur de mercure de 400Watts émettant intensément entre 290 et 450nm * Un contrôle de température de la surface de l'échantillon entre 45 °C et 80 °C * 24 à 48 échantillons tournant à vitesse constante au centre de la chambre d'irradiation

La prédiction du vieillissement des matières plastiques (nom trivial donné aux macromolécules /polymères que l’on trouve dans notre environnement quotidien) est un sujet important qui concerne tout autant les utilisateurs que les fabricants de matière (polymères, charges et additifs divers) ou les intermédiaires que sont les nombreux transformateurs qui utilisent leur propriété « thermoplastique » pour la fabrication de multiples objets par extrusion, moulage par injection, etc.

La fiabilité des matériaux fait partie des nombreuses garanties que l’on exige avec de plus en plus de fermeté de la part de tous les objets manufacturés que nous utilisons au quotidien et elle s’intègre donc parfaitement dans la démarche dite de « développement durable ». Toutefois prédire un comportement dans le temps, fût-il d’un matériau, est une démarche délicate qu’il serait d’ailleurs prudent d’éviter si les enjeux n’étaient pas aussi considérables.

Le vieillissement « naturel » lui-même n’est pas constant, il dépend de la température, de l’ensoleillement (climat, latitude, humidité.. .) et de nombreux autres facteurs (contraintes physiques, niveau de pollution…) difficiles à évaluer avec précision. Simuler ce vieillissement par l’usage de sources lumineuses artificielles et d’autres contraintes physiques (température, aspersion d’eau simulant la pluie, …) n’est pas trivial mais a fait l’objet de nombreux développements qui sont à la base de plusieurs normes ISO, ASTM, etc.

Accélérer enfin ce vieillissement pour proposer par exemple des garanties décennales ou valider des agents stabilisants est une démarche risquée qui doit s’appuyer sur des bases scientifiques solides. Notons ici que d’autres applications (telles celles des matériaux qui doivent se dégrader rapidement dans l’environnement) sont également concernées par cette démarche.

Sommaire

Approche mécanistique

On sait depuis longtemps que la plupart des vieillissements de ces matériaux repose sur une réaction de chimie appelée « oxydation radicalaire ». Sous l’influence des contraintes externes qui génèrent des radicaux primaires (en:Radical chemistry) attaquant les liaisons chimiques (en particulier les plus abondantes entre le carbone et l'hydrogène), des réactions se produisent avec l'oxygène atmosphérique . Il s’ensuit la formation de nombreuses entités chimiques parmi lesquelles les hydroperoxydes et les peroxydes sont les produits clés ; ils sont à la fois suffisamment stables pour être détectés et suffisamment réactifs pour se décomposer en de nombreux sous produits tels des cétones, alcools, acides, … eux aussi facilement détectables par les méthodes analytiques modernes. Autre élément important, la décomposition de l’un de ces groupes peroxydés (à l’image de l’eau oxygénée, le peroxyde d’hydrogène, H2O2) génère deux nouveaux radicaux ce qui conduit à une auto-accélération du vieillissement (en:Polymer degradation, en:UV degradation). Des modèles récents montrent qu’il s’agit d’un processus « infectieux » similaire à celui que l’on connaît en médecine.

Ces actes chimiques élémentaires conduisent plus ou moins rapidement à une détérioration des propriétés physiques des matériaux organiques (à base de carbone) et leur analyse précise grâce aux méthodes modernes de spectroscopie dans l’infrarouge permet à la fois de comprendre le mécanisme de dégradation et de faire de la prévision sur le comportement à long terme des polymères. Le polypropylène, matériau courant de notre environnement quotidien, est un exemple très significatif de cette approche. Sa structure chimique où sont présents de nombreux carbones tertiaires (liés à trois atomes de carbone et à un seul d’hydrogène) en fait un matériau particulièrement sensible au vieillissement à un point tel que son utilisation en l’absence d’agents « antioxydants », sous forme de film par exemple, est complètement impossible sans constat de dégradation (il devient opaque et cassant rapidement en quelques jours).

Photovieillissement

La lumière du jour (dont les longueurs d’ondes sur terre sont supérieures à 295nm) figure avec la température et l'oxygène atmosphérique parmi les principaux facteurs agissant sur le vieillissement naturel des matières plastiques. Notons toutefois que si l’influence de la température peut être analysée séparément (vieillissement dans l’obscurité), il n’en est pas de même pour le photovieillissement qui est toujours associé à un effet de température, il est d’ailleurs souvent qualifié à juste titre de « photothermique ».

La simulation du vieillissement photothermique se fait généralement en exposant des échantillons dans des centres agréés pour leur situation géographique [1](climat ensoleillé, chaud, sec/humide, pollué…) et leur capacité à connaître avec précision les conditions d’exposition (durée et intensité de l’ensoleillement, température, taux d’humidité, etc), quelquefois des systèmes de miroirs permettent d’y intensifier le rayonnement. La simulation peut aussi être réalisée en laboratoire, on utilise généralement des lampes au xénon dont le spectre, après élimination des courtes longueurs d’onde, est très similaire à celui du soleil. La plupart des instruments permettent un contrôle de l’intensité lumineuse, de la température de l’ambiance environnante, du taux d’humidité et des aspersions d’eau peuvent être programmées pour simuler l’effet de la pluie (en:weather testing of polymers).

On notera ici que l’usage des lampes xénon est basé sur une similitude avec le spectre solaire mais que les principes de la photochimie (notamment l’existence de relaxations vibrationnelles des états excités[1]) n’excluent pas l’utilisation d’autres sources lumineuses pour simuler ou accélérer un vieillissement photothermique. Les lampes à vapeur de mercure (en:Mercury-vapor lamps) ou d’oxydes métalliques (en:Metal halide lamp) convenablement filtrées présentent par exemple un spectre de raies (donc discontinu par rapport à ceux du xénon et du soleil qui sont continus) dont les effets sont tout à fait similaires.


Enceintes SEPAP de photovieillissement artificiel accéléré

Les principes évoqués précédemment ont présidé à la construction (1978) d’enceintes spécifiques par le Service de Photovieillissement Accéléré des Polymères (SEPAP) du Laboratoire de Photochimie Moléculaire et Macromoléculaire (LPMM) unité de recherche associée à l’Université Blaise Pascal et au CNRS - France [2], unité CNRS 6505). Une de ces enceintes référencée SEPAP 12-24 est actuellement construite et commercialisée par ATLAS MTT - France.

L’excitation lumineuse est assurée par quatre lampes à vapeur de mercure moyenne pression de 400 watts disposées aux quatre angles d’un parallélépipède. Ces lampes, dont les plus courtes longueurs d'ondes sont éliminées par une enveloppe en verre de borosilicate, ont des durées de 5000 heures. La température des surfaces exposées (et non de l’ambiance environnante) est maintenue et contrôlée par une thermosonde en contact avec un film de référence de même composition que les échantillons à exposer. Cette température peut varier de 45 °C à 80 °C et un bon compromis entre excitation photochimique et excitation thermique est toujours assuré aux échantillons. 24 échantillons d’environ 1X5 cm sont positionnés sur un carrousel tournant à vitesse constante au centre de l’enceinte pour assurer un éclairement homogène de tous les échantillons. La taille des échantillons est adaptée à un suivi de l’évolution chimique, à faible taux de conversion, par spectroscopie dans l’infrarouge. Toutefois cette méthode n’étant pas séparative (on analyse globalement des bandes recouvrant un certain nombre de fonctions chimiques) des méthodes de dérivations chimiques ont été proposées[2]notamment pour doser sélectivement les groupes acides qui sont souvent des produits clés de la dégradation, ils représentent en effet à la fois les scissions de chaînes macromoléculaires et le niveau d’oxydation donc de vieillissement du polymère. Les enceintes SEPAP 12-24 doivent être calibrées à l’aide de films d’étalonnage élaborés à partir de polyéthylènes additivés. L’analyse fine du mécanisme de l’évolution chimique qui contrôle la dégradation a pu être proposée pour un grand nombre de polymères[3],[4] et il a pu être vérifié que ce mécanisme était identique à celui qui intervenait en vieillissement naturel sur site agréé ou en cours d’usage réel extérieur. Aujourd’hui une dizaine de normes françaises et européennes font référence à ces enceintes (films agricoles, câbles) et une vingtaine de sociétés ont inclus les tests SEPAP dans leur cahier des charges pour leurs sous-traitants.

L’analyse de l’évolution chimique dans les conditions accélérées d’une enceinte SEPAP 12-24 et l’analyse de l’évolution chimique dans une phase précoce d'exposition (1 an) permettent de définir un facteur d’accélération si l’on sait discerner dans le mécanisme la formation d’un « produit critique » qui peut styliser le chemin réactionnel contrôlant. Ce facteur d’accélération ne peut être universel pour tous les matériaux formulés qui participent à des mécanismes réactionnels très différents, mais il peut être déterminé pour des familles de polymères. A titre d’exemple il est voisin de 12 (1 mois = 1 an sur le terrain) pour le polyéthylène de référence. Ces facteurs d’accélération ont effectivement été déterminés dans des cas très précis de polymères de formulations bien définies et exposés sous des formes qui permettent de tenir compte de la diffusion de l’oxygène (d'éviter tout déficit d’oxygène) et des stabilisants migrants (effet « réservoir »).

Moyenne et ultra-accélération

Peut-on accélérer davantage le photovieillissement ? Il existe de nombreux moyens pour y parvenir (augmenter la température, l’intensité lumineuse (lasers !), voire y associer des molécules photoactives (H2O2)), mais le risque est grand de ne plus être représentatif d’un vieillissement naturel. Du point de vue photochimique des effets multiphotoniques sont par exemple à craindre, de même le déficit d’oxygène risque d’intervenir très rapidement et perturber fortement les mécanismes de dégradation.
Ceci étant, à l'échelle du laboratoire des enceintes SEPAP (50-24) permettent de produire des photovieillissements ultra-accélérés représentatifs et qui peuvent être 3 fois plus rapides que ceux produits dans une enceinte SEPAP 12-24. Ces enceintes sont utilisées pour disqualifier les matériaux trop photooxydables dans des conditions de sévérisation des contraintes.

Rôle de l'eau

C’est d’abord son rôle physique (d’agent lessiviel) qui a été mis en évidence notamment dans les polyoléfines (polyéthylène, polypropylène). Les produits de dégradation polaires et de faibles masses moléculaires peuvent être éliminés de la surface du matériau et masquer ainsi le phénomène de vieillissement. De ce point de vue des aspersions d’eau trop abondantes dans certains tests de simulation peuvent conduire à une sous-estimation du vieillissement. C’est d’abord son rôle. Mais c’est aussi la capacité de l’eau à extraire des stabilisants de bas poids moléculaire qui est à redouter, ce qui accélère alors les vieillissements sans être représentatif des circonstances naturelles. Pour examiner le rôle conjugué de l’eau avec les autres contraintes physico-chimiques (Ultraviolet (en:Ultraviolet) – chaleur – oxygène), une enceinte SEPAP 12-24 H a été mise au point ; dans cette enceinte, le carrousel porte-échantillons est immergé dans une eau liquide à température régulée et qui est re-oxygénée en circulation extérieure.

CNEP

Les travaux du LPMM de l’Université Blaise Pascal l’on conduit à créer (1986) un centre de transfert (CNEP) pour mettre ses compétences sur le photovieillissement des matériaux polymères au service des industriels soit pour analyser des défaillances de leurs matériaux soit mener des études d’intérêt collectif. Le Centre National d’Evaluation de Photoprotection (CNEP)[3], (en:National Centre for the Evaluation of Photoprotection) est aujourd’hui associé à une soixantaine d’entreprises et effectue annuellement plus de 500 études couvrant tous les domaines d’application des polymères y compris celui des œuvres d’art. Il est par ailleurs agréé au niveau national français comme « Centre de Ressources Technologiques ».

Notes et références

  1. dans un état excité électroniquement produit par une radiation monochromatique (une seule longueur d’onde), la molécule reçoit à la fois une excitation électronique (modification des mouvements des électrons) et un excitation vibrationnelle (modification des mouvements vibratoires des atomes). En phase condensée, cet excédent d’excitation vibrationnelle est rapidement perdu (relaxation vibrationnelle) et la molécule excitée ne réagit plus qu’à partir du « niveau vibrationnel le plus bas » de l’état excité. Si on expose une molécule ou un groupe chromophore à une lumière polychromatique, les différentes longueurs d’onde conduisent après relaxations vibrationnelles à produire des états excités dans le même niveau vibrationnel, c’est-à-dire le plus bas ; ces états excités relaxés conduisent donc à des évènements photochimiques indépendants de la longueur d’onde. L’influence de la longueur d’onde d’un photon incident sur le photovieillissement d’un polymère ne s’interprète que par la propriété banale d’être plus ou moins bien absorbé.
  2. Jacques Lacoste, David Carlsson,"Gamma-, photo-, and thermally-initiated oxidation of linear low density polyethylene: a quantitative comparison of oxidation products" in J. Polym. Sci., Polym. Chem. Ed. A, 1992, 30, 493-500 and 1993, 31, 715-722 (polypropylène)
  3. Jacques Lemaire,"Predicting polymer durability" in Chemtech, october 1996, 42- 47
  4. Jacques Lemaire, René Arnaud, Jean Luc Gardette, Jacques Lacoste, Henri Seinera, "Zuverlässigkeit der methode der photo-schnellalterung bei polymeren. ( Reliability of the accelerated photoageing method)", Kunststoffe, German Plastics (int Ed.), 1986, 76, 149-153

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Jacques Verdu, "Vieillissement des matières plastiques" 1984, Editeur Lavoisier
  • G.C. Eastwood, A. Ledwith, S. Russo, P. Sigwalt, vol 6 ; "Polymer Reactions, vol 6" in Comprehensive Polymer Science, Pergamon press, 1989, ISBN [0-08-036210-9]
  • Olivier Haillant, "Polymer weathering: a mix of empiricism and science", Material Testing Product and Technology News, 2006, 36 (76), 3-12 [4]
  • Pieter Gijsman, "Review on the thermo-oxidative degradation of polymers during processing and in service" in epolymers 2008, 65, 1-34 [5]

Lien externe


3 juin 2009 à 09:02 (CEST)Ishikawa (d)--Ishikawa (d) 3 juin 2009 à 09:02 (CEST)--Ishikawa (d) 3 juin 2009 à 09:02 (CEST)


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Photovieillissement accéléré en SEPAP de Wikipédia en français (auteurs)

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