Parnasse (littérature)

Parnasse (littérature)
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Le Parnasse est un mouvement poétique apparu en France dans la seconde moitié du XIXe siècle qui avait pour but de valoriser l’art poétique par la retenue, l'impersonnalité et le rejet de l'engagement social et politique de l'artiste. Le Parnasse apparaît en réaction aux excès lyriques et sentimentaux du romantisme imités de la poésie de Lamartine et de Musset (voir aussi les romanciers et dramaturges tels que Nerval et Hugo), qui mettent en avant les épanchements sentimentaux aux dépens de la perfection formelle du poème[1]

Pour les Parnassiens l'art n'a pas à être utile ou vertueux et son seul but est la beauté. C'est la théorie de « l'art pour l'art » de Théophile Gautier. Ce mouvement réhabilite aussi le travail acharné et minutieux de l'artiste et il utilise souvent la métaphore de la sculpture pour indiquer la résistance de la « matière poétique ».

Le nom apparaît en 1866 quand l'éditeur Alphonse Lemerre publie le recueil poétique le Parnasse contemporain.

Sommaire

Origine du nom

Le nom Parnasse est, à l'origine, celui d'un massif montagneux de Grèce. Dans la mythologie grecque, ce massif était, comme Delphes, consacré à Apollon et il était considéré comme la montagne des Muses, le lieu sacré des poètes. Le Parnasse devenu le séjour symbolique des poètes, fut finalement assimilé à l'ensemble des poètes, puis à la poésie elle-même.

Lorsque, dans les années 1860, il fut question de donner un titre au premier recueil de poésie qui devait faire suite à la revue L'Art de Louis-Xavier de Ricard, plusieurs solutions furent envisagées : Les Impassibles, reprenant un nom utilisé par des adversaires, fut jugé peu pratique ; dans les recueils analogues publiés depuis le XVIe siècle, on pouvait penser aux Parnasses, aux Cabinets de muses, aux Étrennes de l'Hélicon ; Les Poètes français aurait pu convenir, mais une anthologie récente[2] portait déjà ce nom ; quelqu'un, peut-être Leconte de Lisle, aurait proposé La Double cime. Louis-Xavier Ricard raconte comment le choix final fut opéré[3] :

« Enfin, un beau jour, pendant une ascension en masse, et naturellement tumultueuse, par le petit escalier en colimaçon, une voix ironique jeta au hasard le titre : Le Parnasse contemporain. De qui était cette voix ? Ni Lemerre, ni personne de nous s'en souvient. Point d'un poète à coup sûr, mais d'un des amis qui venaient plus ou moins assidûment se mêler à nos séances, où ils faisaient office de public. Cette proposition intempestive causa d'abord une stupeur, puis des rires ironiques, et, finalement, elle fut, à l'unanimité des présents, acclamée, révolutionnairement, comme un défi. Ainsi, et en de telles circonstances, fut baptisé le volume. La gloire de la trouvaille en revient à un inconnu, dont l'histoire ignorera le nom. Mais elle s'en consolera, habituée qu'elle est à ces iniquités. Le titre accepté, acquis, proclamé — non sans résistance de la part de quelques-uns de ceux qui n'avaient pas pris part à la délibération du passage Choiseul[4] — on y ajouta le sous-titre modeste Recueil de vers nouveaux, et l'on se prépara sans retard à la confection du volume. »

Selon E. Lepelletier, il est probable que l'honneur de l'invention du titre revienne à Ch. Marty-Lavaux. Catulle Mendès a aussi revendiqué être l'inventeur du titre, ne l'ayant imaginé qu'en souvenir du Parnasse satirique de Théophile de Viau et d'autres parnasses autrefois publiés.

Histoire du mouvement

Le mouvement parnassien a vu ses débuts en 1866, lors de la parution de 18 brochures, le Parnasse contemporain, œuvre d’une quarantaine de poètes de l’époque, par l’éditeur Alphonse Lemerre. Leur réunion forma une anthologie poétique du même nom, qui, au cours de la décennie qui suivit, fut suivie par deux autres recueils, du même nom aussi, parus en 1871 et en 1876. Beaucoup de poètes de l'époque ont été publiés dans ces recueils ; d’autres ont accompagné le mouvement durant un certain temps, même si par la suite ceux-ci s’en sont détachés. Parmi eux, on peut noter Rimbaud, Verlaine, Mallarmé ou encore Baudelaire. La dernière édition de 1876 marqua la fin du mouvement à proprement parler ; toutefois l’esprit parnassien persista dans la mesure où certains poètes ont continué à suivre les préceptes du mouvement. Bien que le Parnasse ait vu ses débuts en 1866, certains auteurs, dans les trente ans qui précédèrent, adoptèrent des traits et des caractéristiques de l’écriture parnassienne. Théophile Gautier manifesta, dans la préface de Mademoiselle de Maupin, sa théorie de l’art pour l’art qui sera suivie, en 1857, par sa poésie dans le recueil Émaux et Camées où il présente ce que doit être la poésie.

Définition du mouvement

L’impersonnalité et le refus du lyrisme

Contre le lyrisme des écrivains romantiques, contre leurs épanchements et leur utilisation récurrente et surabondante du moi, les parnassiens ont préféré favoriser la distance et l’objectivité. Cette distance est marquée par l’utilisation de thèmes tels que l’exotisme et la description de la nature, l’antiquité et l’histoire, les mythes et légendes et les religions orientales.

La recherche du beau

Les parnassiens, en réaction aux attentes politiques et sociales des romantiques, ont eu pour but de sortir l’art de tout ce qui concernait leur monde contemporain et ses problèmes. Comme le dit Théophile Gautier dans la préface de Mademoiselle de Maupin «  Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile est laid. ». Ce principe va être accentué par le concept de l'art pour l'art.

L’art pour l’art

Pour les parnassiens, l’art est utile parce qu’il est art ; rien n’importe si ce n’est l’art. C’est pourquoi les poètes parnassiens se sont toujours trouvés du côté de l’absolue gratuité de l’œuvre. C’est donc ainsi qu’ils refusent de s’engager dans des causes sociales ou dans des causes politiques qu’ils pourraient laisser transparaître dans leurs écrits. De plus, le parnassien voue un véritable culte de l’art fondé sur l’érudition et la maîtrise des différentes techniques qui ne pourrait être accessible qu’à une élite culturelle et universitaire capable de la recevoir. La recherche de la perfection va les amener à une forme de plus en plus travaillée mais plus encore à revenir sur la liberté qu’avaient prise certains poètes. En effet, la métrique se fait plus rigoureuse et l’utilisation du sonnet, de l’alexandrin, du vocabulaire érudit et des vastes cycles poétiques devient courante et récurrente.

Le culte du travail

Le poète peut être comparé au sculpteur qui doit transformer une matière difficile, le langage, en beau par et grâce à un patient travail. Ce qui prime, ce n’est donc pas l’inspiration mais le travail sur la forme pour redonner ses lettres de noblesses à la poésie. Les parnassiens étaient contre la méthode de travail des romantiques qui consistait en une écriture instantanée et quasi finale de leurs ouvrages en se fiant juste à leur « muse » et non fondée sur un travail élaboré de leurs écrits.

Les parnassiens

Les précurseurs

Les parnassiens les plus célèbres

Les parnassiens, stricto sensu

Parmi les 99 poètes qui ont contribué aux trois recueils et dont la liste complète figure dans l'article Le Parnasse contemporain, signalons plusieurs qui ont surtout marqué l'histoire littéraire comme romanciers :

Les grands poètes associés

Le mouvement fut accompagné par quelques grands poètes, qui l'ont côtoyé à des titres divers, sans être réductibles à ses thèses, comme :

Influence exercée par les parnassiens

Citation

Cet extrait du poème L'Art de Théophile Gautier, dernier poème de son recueil Émaux et camées, exprime des idées qui seront adoptées par les parnassiens.

L'Art,
Oui, l'œuvre sort plus belle
D'une forme au travail
Rebelle,
Vers, marbre, onyx, émail.
(...)


Les dieux eux-mêmes meurent.
Mais les vers souverains
Demeurent
Plus forts que les airains.


Sculpte, lime, cisèle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !

Annexes

Notes

  1. cf. Claude Millet, « Le Parnasse » in Michel Jarrety (dir.), La Poésie en France du Moyen Âge à nos jours, PUF, Quadrige, 2007, p. 349.
  2. Les Poètes français, anthologie publiée sous la direction d'Eugène Crépet, 4 volumes, chez Gide et hachette, 1861-1862.
  3. Ricard, p. 60-61.
  4. Leconte de Lisle le trouvait absurde

Bibliographie

  • Maurice Souriau, Histoire du Parnasse, Éditions Spes, 1929. Réédition Slatkine, Genève, 1977, 466 p.
  • Louis-Xavier de Ricard, Petits mémoires d'un Parnassien et Adolphe Racot, Les Parnassiens, introductions et commentaires de M. Pakenham, présenté par Louis Forestier, Aux Lettres modernes, collection « avant-siècle », 1967.
  • Yann Mortelette, Histoire du Parnasse, Paris, Fayard, 2005, 566 p.
  • Yann Mortelette, Parnasse Mémoire critique, Paris, PUPS, 2006, 444 p.
  • Christophe Carrère, Leconte de Lisle ou la passion du beau, Paris, Fayard, 2009, 674 p.
  • André Thérive, Le Parnasse, édition Paul-Duval, 1929.
  • Luc Decaunes, La Poésie parnassienne. Anthologie, Seghers, 1977.
  • Michel Pierre, La Poésie parnassienne, Foucher.
  • V. Anglard, Les grands mouvements de la littérature française, Paris, Seuil, 1992
  • A. Benoit-Dusausoy et G. Ontaine, Lettres européennes, histoire de la littérature, Paris, De Boeck, 1992
  • N. Casalaspro, La littérature française : les grands auteurs du Moyen-âge à nos jours, Paris, Hachette pratique, 2007
  • A. Lagarde et L. Michard, Les Grands auteurs français, Paris, Bordas, 1966
  • J.-B. Barionan, Catulle Mendès, rapporteur du parnasse, in Magazine Littéraire, n°482, 2009
  • T. Bayle, Panorama littéraire, in Magazine Littéraire, n° 348, 1996

Liens externes

  • Le Parnasse : [1] (page consultée le 25.11.2009)
  • Courants littéraires : Le Parnasse, [2] (page consultée le 25.11.2009)
  • J.I. Ayoub, Le Parnasse [3] (page consultée le 25.11.2009)
  • F. Gadeyne, Le Parnasse, [4] (page consultée le 25.11.2009)
  • J.-P. Leclercq, Le cours de français [5] (page consultée le 25.11.2009)
  • Le Parnasse, [6] (page consultée le 25.11.2009)
  • Le Parnasse, [7] (page consultée le 25.11.2009)
  • J.E. Gadenne, Les principaux mouvements littéraires, [8]
  • Cabanes, XIXe Siècle, [9]
  • Charles Marie René Leconte de Lisle

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