Paradoxe des jumeaux

Paradoxe des jumeaux

En physique, le paradoxe des jumeaux (parfois appelé paradoxe de Langevin) est une expérience de pensée qui semble montrer que la relativité restreinte est contradictoire. En fait, le paradoxe n'a jamais été véritablement considéré comme une difficulté par la plupart des physiciens, Albert Einstein en ayant donné une résolution en même temps qu'il le présentait en 1911. Dans les ouvrages d'enseignement, il est mis en avant pour ses vertus pédagogiques et peut être l'occasion de se livrer à des calculs précis sur le ralentissement des horloges[1].

Sommaire

Présentation

Le paradoxe  

Des frères jumeaux sont nés sur Terre. L'un fait un voyage aller-retour dans l'espace en fusée à une vitesse proche de celle de la lumière. D'après le phénomène de ralentissement des horloges en mouvement de la relativité restreinte, celui qui est resté sur terre voit à chaque instant que celui qui voyage vieillit moins vite que lui. Mais celui qui voyage voit son frère s'éloigner à grande vitesse de lui et, d'après le même phénomène, il voit aussi à chaque instant le frère resté sur Terre vieillir moins vite que lui. Ainsi d'après ce raisonnement utilisant la relativité restreinte, chacun voit l'autre vieillir moins vite, alors qu'au retour du voyageur ils ne peuvent être tous les deux plus vieux que l'autre.

Sa résolution

En réalité, les situations des jumeaux ne sont pas symétriques : le sédentaire coïncide avec un seul repère galiléen (en général celui de la Terre, idéalisé comme inertiel, pour l'occasion) pendant toute la durée du voyage, tandis que le voyageur effectue un demi-tour et coïncide ainsi avec au moins deux repères galiléens successifs. Cette différence fait que la relativité restreinte s'applique différemment à l'un et à l'autre, notamment pendant l'accélération qui fait revenir le voyageur (la vitesse relative des jumeaux passant de presque +c à presque -c, et cette accélération fait que ce jumeau n'est plus dans un référentiel galiléen), celui-ci ne voit plus son frère vieillir moins vite, au contraire il le voit vieillir beaucoup plus vite.

Généralisation

Lorsque le voyageur est revenu sur Terre, le jumeau qui a fait l'aller-retour dans la fusée est plus jeune que celui qui est resté sur Terre. Ceci illustre que le temps propre le long de la ligne d'univers correspondant à un mouvement inertiel entre deux événements (ici le départ et le retour) est maximal par rapport à celui le long de toute autre ligne (accélérée) reliant les événements.

Histoire

Au sujet de la dilatation du temps prédite par la relativité restreinte, Albert Einstein indique en 1911 :

«  Si nous placions un organisme vivant dans une boîte … on pourrait s'arranger pour que cet organisme, après un temps de vol aussi long que voulu, puisse retourner à son endroit d'origine, à peine altéré, tandis que les organismes correspondants, qui sont restés dans leur position initiale auraient depuis longtemps cédé la place à de nouvelles générations. Car pour l'organisme en mouvement, la grande durée du voyage était un court instant, à condition que le mouvement ait été effectué quasiment à la vitesse de la lumière[2].  »

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La même année, Paul Langevin développe cette expérience de pensée sous une forme qui passe à la postérité[3] : « le boulet de Jules-Verne Langevin » où il relate de manière réaliste le déroulement de la vie de deux frères jumeaux dont l'un voyage à une vitesse proche de la lumière et l'autre reste sur Terre. Cet exposé, lors de la Conférence au Congrès de philosophie de Bologne en 1911, permet de populariser la notion du temps en relativité et d'illustrer la révolution philosophique qu'elle apporte[4].

Confirmations expérimentales

Les conclusions de la relativité restreinte concernant les mesures de durées sont brillamment éclairées par la différence des durées de vie des muons ultra-relativistes créés dans la haute atmosphère à partir des rayons cosmiques et de ceux produits en laboratoire. Mais à partir de 1971, des vérifications directes du paradoxe furent possibles : des avions à réaction embarquèrent des horloges atomiques tandis que des horloges similaires synchronisées restaient au sol. Lorsque les avions suivaient le mouvement de la Terre, à leur retour, les horloges embarquées avaient retardé de quelques milliardièmes de seconde sur les horloges restées au sol, un écart en parfait accord avec la théorie de la relativité (des corrections plus fines liées à la relativité générale ont également été mesurées). Le décalage s'inverse si l'avion parcourt la Terre dans le sens opposé à sa rotation (pour bien comprendre ces expériences, il faut tenir compte de ce que le référentiel terrestre n'est lui-même pas galiléen). Toutes corrections faites, ces expériences n'ont fait que confirmer, avec une précision de plus en plus grande, les prédictions de la théorie[5].

Analyses diverses

Les présentations du paradoxe sont nombreuses. De temps en temps, le paradoxe n'est cité que pour mémoire. Dans les livres récents[6], le problème n'est souvent présenté que sur l'ombre d'une page, d'autres sont un peu plus diserts[7]. Le paradoxe est souvent le sujet d'exercices proposés aux étudiants abordant la relativité restreinte[8]. On citera comme sources de divers aspects des éclairages qui sont présentés ici le livre de J. H. Smith et celui de V. Ougarov[9]. Ce dernier livre contient en outre une introduction assez complète à l'Interprétation géométrique de la relativité restreinte utilisée ci-dessous pour la présentation des diagrammes de Minkowski.

Le paradoxe des jumeaux et la contraction des longueurs

La présentation du paradoxe des jumeaux peut prendre plusieurs formes. L'on peut commencer par accompagner le voyageur et analyser le mouvement d'aller et retour de la Terre.

Plutôt que de procéder à un exposé formel, il est plus simple de donner un exemple d'application. Supposons que notre voyageur parte de la Terre (T) à la vitesse de V = 0,8c en direction d'Alpha Centauri (A) (à environ L = 4 années-lumière de nous). On admettra que T et A sont immobiles l'une par rapport à l'autre et matérialisent un référentiel galiléen. Vu de la Terre le voyage est prévu pour durer Δt = L / V, soit 4/0,8 = 5 ans et l'aller-retour (en ne considérant pas la phase d'accélération associée au changement de sens de la direction du voyageur) 2 Δt, donc 10 ans.

Qu'en est-il pour le voyageur ? Pour lui, T s'éloigne à la vitesse V mais la distance que la Terre va parcourir par rapport à lui tandis qu'il se rapproche de A est L corrigée du phénomène de la contraction des longueurs, soit :

L\;\sqrt{1-V^2/c^2}.

Ce qui fait que la distance à parcourir est 4×0,6 = 2,4 années-lumière.

Pour le voyageur, ce voyage aller dure donc :

\Delta \tau = \frac{L\;\sqrt{1-V^2/c^2}}{V}=\Delta t\;\sqrt{1-V^2/c^2}.

Avec les valeurs choisies, la durée du voyage aller pour le voyageur est de : 2,4/0,8 = 5×0,6 = 3 ans.

Le retour s'effectue dans les mêmes conditions et l'on retrouve ainsi l'expression classique du paradoxe. C'est bien sûr exactement le même phénomène auquel on se réfère pour éclairer le phénomène de la dilatation des durées de vie de muons traversant l'atmosphère. Dans le référentiel des muons les quelques kilomètres d'atmosphère, vus de la Terre, ne mesurent que quelques centaines de mètres[10].

Symétrie de la marche des horloges, révélée par les coordonnées des événements

La relativité insiste sur la symétrie parfaite entre les référentiels galiléens. En particulier les horloges du référentiel (R') du voyageur doivent toutes retarder par rapport à celles du référentiel de T et de A (R); réciproquement les horloges du référentiel de T et A doivent toutes retarder par rapport à celle du référentiel lié au voyageur. Ceci peut se vérifier en suivant l'analyse du mouvement du voyageur vers A et de façon analogue du mouvement de A se rapprochant du voyageur[9].

Le point important est le suivant : les horloges de T et A, synchronisées dans le référentiel (R), ne le sont plus dans le référentiel (R'). Quand le voyageur part de T, à l'instant t = 0, un observateur du référentiel (R'), dont l'horloge indique t' = 0 et coïncidant avec A, s'apercevra que l'horloge de A n'indique pas t = 0.

Tout d'abord définissons les personnages intervenant dans l'histoire. Sur Terre va rester Fixe (F), un des deux jumeaux, tandis que son assistant est A, chargé d'effectuer des constats sur Alpha Centauri, à la distance L de la Terre. A et F sont fixes dans le référentiel terrestre (R), et leurs horloges peuvent sans problème être synchronisées de façon à juger du voyage du jumeau Mobile, M auquel est associé le référentiel (R') galiléen, lui aussi (on s'intéresse ici à des phases de mouvement rectiligne uniforme).


Diagramme de Minkowski. Lignes d'univers et indications des horloges de la Terre et du mobile. A la vitesse de 0,8c, les durées du voyage sont respectivement 10 et 6 unités de temps. Les unités sont obtenues en utilisant le tracé des courbes invariantes x^2-c^2t^2=\pm 1.

Procédons à une analyse des événements que sont les départs de Mobile depuis la position de Fixe et l'événement arrivée à la position de A, événements vus depuis le référentiel (R). Puis observons les événements associés au mouvement de A vu du référentiel de Mobile. C'est lors de cette analyse que se révèle la symétrie annoncée. Les horloges mobiles retardent toujours sur les horloges fixes. Ce qui ne pose aucun problème en relativité galiléenne prend ici un aspect un peu inattendu du fait de la non conservation de la notion de simultanéité lors d'un changement de référentiel en relativité restreinte. Rappelons tout d'abord les relations des transformations de Lorentz :

 \begin{cases}
x \,=\, \gamma (x' + v t') \quad\quad\qquad ; \qquad x' \,=\, \gamma (x - v t)\\
t \,=\, \gamma [t' + (v/c^2)x'] \qquad ; \qquad t' \,=\, \gamma [t - (v/c^2)x]
\end{cases}


Exprimons donc les composantes des événements départs et arrivées dans les deux repères (R) et (R'). Ce sont ces coïncidences entre Mobile et Fixe, puis Mobile et A qui servent de référence.

Départ Mobile coïncide avec Fixe.
Arrivée Mobile coïncide avec A.

Evénement départ

E_D \begin{cases}
x \,=\, 0 \qquad ; \qquad x' \,=\,0\\
t \,=\, 0 \qquad ; \qquad t' \,=\, 0
\end{cases}

Evénement arrivée

 E_A \begin{cases}
x \,=\,L \qquad ; \qquad x' \,=\, 0\\
t \,=\, \frac{L}{V} \qquad ; \qquad t' \,=\, \frac{L}{\gamma\,V}
\end{cases}

Les autres événements sont donnés par hypothèse ("dans (R) A est à la position xA = L, en particulier à l'instant t = 0") ou par calcul ("dans (R') A est à la position x'A(depart) = L / γ à l'instant t' = 0").

La comparaison des marches de l'horloge de Mobile, vue de (R) et (R') est facilement obtenue à partir des événements ci-dessus.Pour Mobile, il s'est écoulé \Delta \tau = L/(\gamma \, V)=L/V \times \sqrt{1-\beta^2}, tandis que dans le référentiel de fixe, il s'est écoulé Δt = L / V : le voyageur a donc moins vieilli que ses collègues fixes.


Occupons nous maintenant de l' horloge de A, observée du référentiel de Mobile. Le départ correspond à l'événement "dans (R') A est à la position x'A(depart) = L / γ à l'instant t' = 0", et l'événement "rencontre de A avec Mobile" est l'événement EA cité ci-dessus. Pour évaluer la durée du voyage de A vers M, vue du référentiel (R), il nous faut transformer les coordonnées de son départ, connues dans (R') :

 E_{A,t'=0}\begin{cases}
x' \,=\, L/ \gamma \quad\quad\qquad ; \qquad x \,=\, L \\
t' \,=\, 0 \quad\quad\qquad ; \qquad t \,=\, \gamma \,\frac{V(L/\gamma)}{c^2}\,=\,\frac{VL}{c^2}
\end{cases}

La valeur de l'instant t = (VL) / c2 est ici essentielle, elle est simplement la traduction du fait que les horloges synchrones de (R), horloges de Fixe et A, par exemple, ne sont plus synchrones lorsqu'elles sont vues du référentiel de Mobile. La durée du voyage de A vers Mobile, exprimée dans les coordonnées de (R) est donc la différence entre l'instant d'arrivée et l'instant de départ

\Delta \tau_A\,=\,\frac{L}{V}-\frac{VL}{c^2}\,=\,\frac{L}{V}\;(1-\frac{V^2}{c^2})\;=\;\Delta\tau \times \sqrt{1-\beta^2}.


Nous obtenons ainsi une parfaite symétrie de description. Le voyage dure toujours plus longtemps dans le référentiel par rapport auquel le voyageur [dans le cas présent A] se déplace (on peut faire sans difficulté l'analyse identique en ce qui concerne les indications de l'horloge de Fixe, lues sur les horloges de (R') entre le moment où Fixe quitte Mobile et le moment où A rencontre Mobile). Quant au voyageur, quel qu'il soit, la durée de son voyage, lue à l'aide d'une seule horloge sera la plus courte de tous les intervalles de temps correspondant aux mêmes événements.

Le voyage de retour s'effectue dans les mêmes conditions. En dehors du changement de référentiel galiléen nécessaire pour que Mobile prenne la direction de Fixe, Mobile ne mesure les durées qu'à l'aide d'une seule horloge, la sienne. Fixe quant à lui utilisera bien une seule horloge pour évaluer la durée de l'aller-retour mais les indications de son horloge ne sont que l'addition de durées de deux parties de voyage, l'aller puis le retour, dont les durées individuelles sont lues par deux horloges différentes (celle de Fixe et celle de A, puis l'inverse).

Éléments de compréhension du paradoxe

Considérons les lignes d'univers des jumeaux, Fixe et Mobile, durant la totalité du voyage. Le diagramme de Minkowski prend ici comme référence naturelle le repère de Fixe (R), restant sur Terre. Mobile, lui, accompagne un référentiel (R') dont il est le centre jusqu'à son arrivée en A, à la distance L=4 unités de Fixe, distance mesurée dans (R) ; sa vitesse par rapport à (R) est V=0,8c, choix permettant des valeurs très simples pour les résultats numériques des divers effets présentés ci-dessous. Arrivé en A, Mobile saute dans un référentiel (R") [vitesse -V par rapport à (R)], dans lequel il emporte sa montre. Dans l'exemple lors de son demi-tour sa montre indique 3 unités de temps [le référentiel (R") peut être choisi de façon à ce que ses horloges indiquent le même instant que la montre de Mobile lorsque celui-ci saute de (R') dans (R") en A : à l'instant t=0 le centre de (R") est alors le symétrique de Fixe par rapport à A, soit pour le schéma le point d'abscisse x=8, son horloge est alors réglée à t"=0].

L'on sait que la relativité restreinte ne conserve la notion de simultanéité qu'à l'intérieur d'un référentiel galiléen (quel qu'il soit). Ceci est la clef des observations concernant la durée du voyage.

Diagramme de Minkowski des trajets de chaque jumeau, avec les plans de simultanéité du voyageur. La vitesse du voyageur mobile vaut 0,8c, sur une distance de 4 unités de longueur de (R), permettant l'obtention de valeurs simples.

Le schéma montre les lignes d'univers de deux points fixes (Fixe, situé au centre du référentiel (R) et, A, point final du voyage aller de Mobile). Les horloges de Fixe et A, synchrones, indiqueront les mêmes instants, au bout des mêmes durées. Ainsi, par exemple, indiqueront-elles toutes les deux 5 lors de l'arrivée de Mobile en A. Sur ce schéma, les hyperplans de simultanéité du référentiel (R) sont des droites horizontales (par exemple l'axe Ox, à l'instant t=0). Dans le cas du référentiel de Mobile, (R') lors de l'aller, les plans de simultanéité sont parallèles à l'axe O'x' : ils sont matérialisés par les segments bleus du schéma (et leurs prolongements) pour les instants t'=(0), 1, 2 et 3. Leurs intersections avec la ligne d'univers de Fixe montrent clairement que l'horloge de Fixe, vue du repère (R') va retarder (l'instant t=1 de cette horloge ayant lieu entre les instants 1 et 2 de l'horloge de (R') qui coïncidera avec Fixe, à cet instant là -ce faisant elle retardera avec toutes les horloges de (R'). De même la projection horizontale (parallèle à l'hyperplan spatial Ox) de l'instant t'=1, montre que l'horloge de Mobile retarde sur toutes les horloges de (R). Pour aller au-delà des valeurs numériques simples présentées ici, appelons ΔT0 les unités de temps des horloges (identiques) de Fixe et Mobile. Leur durées respectives dans les référentiels de leurs collègues sont donc respectivement

ΔTM = γΔT0 pour l'horloge de Mobile vue de (R)
ΔT'F = γΔT0 pour l'horloge de Fixe vue de (R').

Il s'agit maintenant d'observer comment il s'avère que la durée du voyage est plus courte vue par Mobile que vue de Fixe ou de A. Intéressons-nous pour cela au voyage de A vers Mobile. À t'=0, Mobile sait que A est en x' = L / γ ce qui correspond à l'événement exprimé dans (R)

 \begin{cases}
x \,=\, L\\
t \,=\, \frac{VL}{c^2}
\end{cases}

Cet événement est représenté sur le diagramme par l'intersection de la ligne d'univers (verticale) de A et l'axe Ox' (plan de simultanéité t'=0). Mobile sait que pour obtenir l'indication de l'horloge de A lors de leur rencontre il doit ajouter au temps indiqué ci-dessus la durée de temps propre de A correspondant à la durée du voyage de A vers lui, qui regarde A depuis (R') [durée égale à L/\gamma\,V]. Tandis qu'à sa propre montre Mobile lit T\,'=L/(\gamma\,V) il vérifie lors de son croisement avec A que l'horloge de A synchronisée avec celle de Fixe indique

T = \frac{1}{\gamma}\,\frac{L}{\gamma\,V}+ \frac{VL}{c^2}=\frac{L}{V}\;>\frac{L}{\gamma\,V}\;.

Ainsi, chacun observera que les horloges du référentiel différent du sien retardent par rapport à sa propre horloge. Les indications des horloges seront différentes entre :

- le départ de Mobile
- l'arrivée de Mobile
- le départ de Fixe
- l'arrivée de Fixe

Paradoxe des jumeaux et effet Doppler

Diagramme de Minkowski. Les jumeaux envoient à fréquence identique des signaux lumineux vers leur frère. A la vitesse de 0,8c, les fréquences de réception par chacun montrent l'asymétrie de la situation, entre le voyageur et son frère resté immobile.

Fixe et Mobile conviennent de s'envoyer des flashes lumineux respectivement l'un vers l'autre à chaque fois que leurs horloges respectives, identiques (mais quelconques : comtoises, horloge atomique, battement de cœur…), sonneront l'unité de temps, définissant la période, notée simplement ici T0, cf. le schéma ci-contre. Les signaux lumineux arrivent à leurs objectifs après avoir parcouru les cônes de lumières (différenciés sur le schéma : couleur verte de Mobile vers Fixe, et rouge de Fixe à Mobile). On remarque clairement que les périodes des réceptions dépendent, bien sûr, des phases du mouvement, séparant clairement l'aller du retour (le phénomène est vrai pour chacun des observateurs). Par exemple, pour le cas figuré ici, la vitesse de Mobile par rapport à fixe étant V = 0,8c la comparaison des fréquences de réception et d'émission est particulièrement simple. Notant T la fréquence des signaux que reçoit un des jumeaux, signaux envoyés par son frère en déplacement par rapport à lui, on vérifie que cette période est

T=T_0\sqrt{\frac{1+\beta}{1-\beta}}\;,

lors de la phase d'éloignement, et

T=T_0\sqrt{\frac{1-\beta}{1+\beta}}\;,

pour la phase de rapprochement. Ces équations sont juste la traduction du phénomène de dilatation des durées expliquée plus haut et de la cinématique de la lumière entre émetteur et récepteur.

Il est important de remarquer que l'on ne fait pas intervenir ici le changement de fréquence de la lumière utilisée lors du flash (lumière dont la fréquence sera vue différente entre émission-réception puisque la source et le récepteur sont mobiles par rapport à l'autre). Les équations ci-dessus sont aussi celles qui décrivent l'effet Doppler longitudinal.

L'asymétrie entre Mobile et Fixe est alors reportée sur le nombre de signaux que chacun aura l'occasion d'émettre durant la totalité du voyage, et sur la répartition de ces événements "réception" au cours du voyage (ou, autrement dit, le nombre de flashes correspondant à la fréquence basse et à fréquence haute). Mobile reçoit moins de signaux à grande période (en fait un seul pour l'exemple choisi) que n'en reçoit Fixe. Mobile s'aperçoit que le changement de fréquence des signaux qu'il reçoit de Fixe a eu lieu à la mi-temps de son voyage ; il n'en est nullement de même pour Fixe.

Une approche de la résolution du paradoxe des jumeaux par l'effet Doppler a été réalisée par Hermann Bondi en 1964, à partir de sa méthode didactique de présentation de la relativité restreinte, dite en anglais Bondi k-calculus.

Article détaillé : Diagramme de Bondi.

Paradoxe des jumeaux et mouvement accéléré

Les présentations ci-dessus sont en pratique des analyses à "l'emporte pièce" souvent critiquées car si elles révèlent bien l'asymétrie des observateurs Fixe et Mobile, puisque l'un va changer de référentiel lors de son changement de direction, la présentation néglige totalement le côté physique du saut. En particulier, quel est le comportement de l'horloge de Mobile lors de ce retournement ?

Une solution usuelle consiste à traiter l'aller et retour de Mobile comme un voyage comportant des phases d'accélération, pour quitter Fixe, puis se retourner en A et finalement se trouver au repos auprès de son frère, permettant ainsi un comparaison des horloges à tête reposée.

Les phases d'accélération peuvent bien sûr être séparées par des phases de mouvement rectiligne uniforme (aussi longues que l'on veut) pour lesquelles les dilatations des durées analysées ci-dessus sont directement applicables. De plus les durées d'accélération (vues par le référentiel mobile et par le référentiel fixe) sont reliées par une généralisation des formules ci-dessus, à savoir par exemple pour la phase d'accélération de départ, entre les instants 0 et t1 du référentiel de la Terre:

\tau=\int_0^{t_1}\,\frac{dt}{\gamma(t)}\;,\,\!


γ(t) est le facteur de correction relativiste correspondant à la vitesse (uniforme) qu'a acquise Mobile à l'instant t et qu'il conserve durant la durée dt, accompagnant son référentiel galiléen coïncidant.

En ce sens là la relativité restreinte est parfaitement capable de traiter des problèmes où interviennent des accélérations. Il n'en reste pas moins que se pose le problème du comportement de l'horloge lors du changement de référentiel brusque, mais à la limite infinitésimal, lié au passage d'un référentiel galiléen coïncidant à celui qui lui est infiniment proche. Il s'agit là d'un postulat que l'on accepte souvent implicitement[10]. Les expériences concernant la dilatation des durées des horloges embarquées dans des avions, ou plus généralement les prévisions (vérifiées) d'effets apparaissant dans le cas de référentiels accélérés (précession de Thomas) ont validé ce postulat.

D'une façon plus générale, le paradoxe peut être présenté dans le cadre précis de la relativité générale, où les accélérations (du référentiel de Mobile) sont interprétées (d'après le principe d'équivalence) comme des déformations de la métrique de l'espace-temps.

Notes et références

  1. Comme par exemple dans le chapitre 6 « Le paradoxe des jumeaux » de l'Introduction à la relativité par James H. Smith, 1965, réédité en 1997 chez Masson, ISBN 2-225-82985-3, traduit par Philippe Brenier, préfacé par Jean-Marc Lévy-Leblond.
  2. (en) Albert Einstein, 1911, cité par (en) Robert Resnick et David Halliday, Basic Concepts in Relativity, New York, Macmillan, 1992 
  3. (fr)Paul Langevin, « L’évolution de l’espace et du temps », dans Scientia, no 10, 1911, p. 31-54 [texte intégral] 
  4. (fr) Michel Paty, « Paul Langevin (1871-1946), la relativité et les quanta », dans Bulletin de la Société Française de Physique, no 119, mai 1999, p. 15-20 [texte intégral] 
  5. Article de Loïc Villain sur le site de Futura-Science
  6. Hans Stephany, Relativity, Cambridge University Press, 3e édition (2004) ISBN 0-521-01069-1.
  7. M. Lambert, Relativité restreinte et électromagnétisme, édition Ellipses, Paris (2000) ISBN 2-7298-0096-4.
  8. Charles W. Misner, Kip S. Thorne, John Archibald Wheeler, Gravitation, édition Freeman, New York (1973), § 6 Accelerated Observers.
  9. a et b V. Ougarov, Théorie de la relativité restreinte, édition MIR, Moscou (1974), § 59 Paradoxe des jumeaux.
  10. a et b Y. Simon Relativité restreinte, Vuibert, Paris (2004) ISBN 2-7117-7099-0

Voir aussi

Bibliographie

  • James H. Smith, Introduction à la relativité, InterEditions (1968). 2e édition avec exercices corrigés (1979) ISBN 2-7296-0088-4. Réédité par Masson (Dunod - 3e édition - 1997), ISBN 2-225-82985-3.[réf. insuffisante]

Articles connexes

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