Nikita Khrouchtchev

Nikita Khrouchtchev
Nikita Khrouchtchev
Никита Хрущёв
Nikita Khruchchev Colour.jpg
Khrouchtchev, en mai 1961.

Mandats
Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique
7 septembre 195314 octobre 1964
Président Kliment Vorochilov (1953-1960)
Léonid Brejnev (1960-1964)
Anastase Mikoyan (1964-1965)
Président du Conseil Gueorgui Malenkov (1953-1955)
Nikolaï Boulganine (1955-1958)
lui-même (1958-1964)
Prédécesseur poste créé
Successeur Léonid Brejnev
Président du Conseil des ministres d'URSS
27 mars 195815 octobre 1964
Prédécesseur Nikolaï Boulganine
Successeur Alexeï Kossyguine
Secrétaire senior du Parti communiste de l'Union soviétique
14 mars 19537 septembre 1953
Prédécesseur Gueorgui Malenkov
Successeur poste aboli
Biographie
Date de naissance 3 avril 1894 (calendrier julien)
15 avril 1894
Lieu de naissance Kalinovka
Flag of Russia.svg Empire russe
Date de décès 11 septembre 1971 (à 77 ans)
Lieu de décès Moscou, RSFSR
Flag of the Soviet Union (1955-1980).svg Union soviétique
Nationalité Drapeau de la Russie Russe (de 1894 à 1917)
Drapeau de la République socialiste fédérative soviétique de Russie Russe (de 1917 à 1922)
Drapeau de l'URSS Soviétique (de 1922 à 1971)
Parti politique PCP(b) (1918-1952)
PCUS (1952-1971)
Conjoint Eufrosinia Pisareva (née en 1894, mariés de 1914 à 1919, décédée en 1919)
Marusia Khrouchtcheva (mariés et séparés en 1922)
Nina Kukharchuk (née en 1900, mariés de 1923 à 1971, décédée en 1984)
Enfants Julia (fille, avec Eufrosinia, née en 1916, décédée en 1981)
Léonid (fils, avec Eufrosinia, né en 1917, décédé en 1943)
Rada (fille, avec Nina, née en 1929)
Sergueï (fils, avec Nina, né en 1935)
Elena (fille, avec Nina, née en 1937)
Religion Aucune (athéisme)
Signature Nikita Khrushchev Signature2.svg

_Pin of the Flag of CPSU.png Coat of arms of the Soviet Union.svg
Présidents du Conseil des Ministres d'URSS
Dirigeants du Parti communiste de l'Union soviétique

Nikita Sergueïevitch Khrouchtchev (en russe : Никита Сергеевич Хрущёв, API : /[nʲɪˈkʲitə sʲɪˈrgʲejɪvʲɪt͡ʃʲ xruˈʃʲ:of]/ ; - ), parfois surnommé Monsieur K, né sans doute le 15 avril 1894 (mais il le fêtait lui-même le 17)[1] (correspondent aux 3 et 5 avril du calendrier julien) et décédé le 11 septembre 1971, est un homme d'État soviétique qui s'affirma progressivement comme le principal dirigeant de l'URSS entre la mort de Staline (5 mars 1953) et son éviction du pouvoir le 14 octobre 1964.

Il doit son ascension politique à partir des années 1930 à la protection personnelle de Joseph Staline, dont il intègre le cercle des intimes. Il est premier secrétaire du Parti communiste de l'Union soviétique de mars 1953 à octobre 1964 et, à partir de 1958, président du Conseil des ministres (Gouvernement) de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

Principal inspirateur de la politique de déstalinisation à l'intérieur et de la coexistence pacifique à l'extérieur, il marque aussi les limites de ce nouveau cap en revenant sur certaines mesures de libéralisation du régime, en écrasant la révolution hongroise de 1956, ou en affrontant les États-Unis lors de la crise de Cuba en 1962. Ses hésitations et ses échecs le font écarter du pouvoir par la nomenklatura, inquiète de la remise en cause de ses privilèges. Il a laissé d'importants Mémoires qui en font un témoin-clé de l'ère stalinienne et post-stalinienne.

Sommaire

Parcours politique sous l'ère stalinienne

Les jeunes années

Nikita Khrouchtchev est né d'une famille paysanne dans le village de Kalinovka, ouyezd de Dimitriev, gouvernement (goubernia) de Koursk, dans l'Empire de Russie, qui se situe aujourd'hui dans l'Oblast de Koursk en Russie.

En 1908, sa famille s'installe à Iouzovka, aujourd'hui Donetsk en Ukraine. Il ne reçoit qu'environ deux années d'instruction durant son enfance. Sa véritable instruction ne commence qu'à la vingtaine, voire à l'approche de ses trente ans. Il étudie d'abord trois années à la faculté ouvrière de Iouzovka (entre 1921 et 1924)[2] Il n'obtient alors pas son diplôme. Par la suite, il étudiera à l'Académie industrielle de Moscou (1929)[3].

Khrouchtchev, dans ses jeunes années, avait travaillé comme ajusteur dans la ville minière de Iouzovka dans la région du Donbass en Ukraine. Grâce à ce métier, il est exempté de ses obligations militaires au cours de la Première Guerre mondiale. Il participe à la Révolution d'Octobre. Il devient membre du parti communiste russe.

Le proche de Staline

À l'Université à Moscou, il fait la connaissance de Nadejda Allilouïeva, la femme de Joseph Staline, qui l'introduit auprès de son mari. Il intègre vite le cercle des intimes du tout-puissant secrétaire général du PCUS.

Il devient membre du comité central du parti en 1934. De 1935 à 1937, il est premier secrétaire de la région de Moscou. Il joue à ce titre un rôle important dans l'achèvement du métro de Moscou et dans la politique de constructions monumentales qui remodèle le visage de la capitale soviétique.

Avec Staline en 1936

La terreur de masse (1937-1940)

L'année suivante (1938), il est promu premier secrétaire en Ukraine. Comme à Moscou et dans le reste de l'URSS, il y met en œuvre les épurations sanglantes des Grandes Purges.

Ainsi, alors que le Bureau Politique avait fixé à 50 000 le nombre de gens à condamner à mort à Moscou, Khrouchtchev fait procéder à 55 741 exécutions, et le 10 juillet 1937, demande à Staline le « droit » de fusiller 2 000 ex-koulaks de plus pour remplir le quota pré-fixé[4].

Au printemps 1938, il est, avec son ami proche Nikolaï Iejov, le principal artisan de la Grande Terreur en Ukraine, où il fait arrêter 35 des 38 secrétaires des comités du Parti de la province et des villes. Il va souvent à Moscou apporter les listes collectives de condamnés directement à Staline et Molotov. À Kiev, la terreur conduite par Khrouchtchev et Iejov se conclut par 30 000 arrestations. Au total, la terreur qu’il orchestre en Ukraine aurait fait 106 119 victimes en 1938. Il soutient par ailleurs la tenue des procès de Moscou[4].

Parallèlement, comme tous les responsables staliniens, Khrouchtchev doit instaurer son propre culte de la personnalité dans son fief : ainsi les Ukraniens doivent-ils entonner un « chant pour Khrouchtchev » ou couvrir leurs murs de son portrait.

Lorsque l'URSS annexe une bonne partie de la Pologne grâce au pacte germano-soviétique, Khrouchtchev joue un rôle clé à la soviétisation forcée des régions rattachées à l'Ukraine. On compte en un an 1 117 000 habitants déportés au Goulag, soit 10 % de la population. 30 % des déportés seront décédés un an plus tard. On compte aussi 60 000 arrestations et 50 000 fusillés[4].

La Grande Guerre patriotique et l'après-guerre

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est commissaire politique au front, en particulier durant la bataille de Stalingrad où il joue un rôle important pour surveiller et galvaniser le commandement militaire. Lui-même doit rendre compte auprès de Staline qui lui fait plusieurs fois sentir la possibilité d'une disgrâce, surtout pendant l'offensive allemande du printemps 1942 en Ukraine.

Son fils Léonid Khrouchtchev, engagé dans l'aviation militaire, se tue en vol le 11 mars 1943. Son corps n'étant pas retrouvé, il est accusé de passage à l’ennemi. Sa veuve Lioubov est alors arrêtée et condamnée à 5 ans de camp de travail suivis de 5 ans d’exil. Elle ne revient à Moscou qu’en 1954. Nikita Khrouchtchev, qui a entre-temps élevé sa petite-fille Julia refuse alors de la revoir - Julia elle-même la voit en 1956, mais les deux femmes ne seront plus que des étrangères l'une à l'autre[4].

Après la guerre, Khrouchtchev est témoin privilégié des luttes de clan qui se livrent autour d'un Staline vieillissant, qui lui-même terrorise et humilie régulièrement son propre entourage. Khrouchtchev développe en particulier une solide inimitié avec le chef de l'appareil policier, Beria. Rappelé à Moscou, il est en charge des questions agricoles. Il est régulièrement victime de sarcasmes et d'humiliations de la part de Staline, envers qui ses doutes et sa répulsion augmentent, même s'il affirmera dans ses Mémoires avoir pleuré sincèrement sa mort, survenue le 5 mars 1953.

À la tête de l'URSS (1953-1964)

Après la mort de Staline, quatre des personnalités politiques les plus influentes en URSS se disputent le pouvoir : Gueorgui Malenkov, Lavrenti Beria (chef du KGB et Ministre de l'Intérieur), Molotov, Ministre des Affaires étrangères et Khrouchtchev.

Beria semblait difficile à éliminer car il avait concentré dans ses mains le contrôle de tout l'appareil policier. Début juin 1953, Khrouchtchev commence à rassembler ses collègues (Malenkov, Molotov, Boulganine) contre Beria. Du 18 au 24 juin, ce dernier se trouve à Berlin-Est où des émeutes ouvrières ont été matées par les chars soviétiques. Khrouchtchev en profite pour obtenir l'accord et l'indispensable participation des militaires (Joukov, Moskalenko) au complot. Beria est arrêté par des militaires au cours d'une réunion du Présidium du Comité central le 26 juin. Il disparaît et sera finalement fusillé en décembre. Malenkov lui ayant cédé la tête du PCUS dès le 14 mars pour se consacrer à la direction du gouvernement, Khrouchtchev sera confirmé en septembre 1953 comme Premier secrétaire du Parti communiste, ce qu'il restera jusqu'à son éviction en 1964. En 1954, Khrouchtchev a donné la Crimée à l'Ukraine. En 1955, il fait mettre à l'écart Malenkov, et sa prééminence commence à apparaître clairement aux yeux du monde extérieur. En 1957, l'élimination du "groupe anti-parti" (Molotov, Malenkov et Kaganovitch), c'est-à-dire de la fraction du Politburo la plus hostile à la déstalinisation, achève de laisser Khrouchtchev seul au premier plan.

Le rapport Khrouchtchev (février 1956) et la déstalinisation

À son arrivée au pouvoir, Khrouchtchev amorce une critique de la période stalinienne appelée déstalinisation condamnant particulièrement le caractère dictatorial et répressif du pouvoir stalinien. L'attaque la plus sérieuse a lieu lors d'une séance de nuit du XXe congrès du Parti communiste d'Union soviétique entre le 24 et le 25 février 1956, durant laquelle il lit un rapport dévastateur sur les écarts de Staline à la « légalité socialiste ».

Bien que la révélation ait lieu à huis-clos, le rapport est rapidement diffusé de par le monde, et dès le 16 mars, le New York Times en publie des extraits[5]. Le pouvoir soviétique ne nie pas l'authenticité du rapport, même si Maurice Thorez, chef du PCF, n'utilise jamais que l'expression « rapport attribué au camarade Khrouchtchev » pour s'abstenir de mettre en œuvre la déstalinisation au sein du PCF.[réf. nécessaire]

En lançant de lui-même la déstalinisation, qu'il jugeait inévitable, le chef du PCUS espérait contrôler lui-même le mouvement, et lui fixer des limites claires : le monopole du Parti-État n'est pas remis en cause, ni le modèle de développement imposé par Staline. En effet, Khrouchtchev date de 1934 la dégénérescence de Staline, qu'il attribue à la seule psychologie du personnage et à sa « paranoïa » personnelle. Ce qui permet de ne pas remettre en cause la dékoulakisation et les famines meurtrières du début des années 1930, ni l'industrialisation forcenée initiée par les plans quinquenaux, et de présenter le Parti comme innocent en soi.

De même, Khrouchtchev fait son tri parmi les victimes des Grandes Purges. Il insiste avant tout sur les victimes qui étaient membres du Parti, laissant dans l'ombre les millions de simples particuliers fusillés ou déportés au Goulag, et il ne réhabilite aucun de ceux qui furent les adversaires de Staline dans les années 1920 (Boukharine, Zinoviev, Kamenev, encore moins Trotski, assassiné en 1940 au Mexique par des hommes de Staline). La déstalinisation a enfin un but politique: elle permet à Khrouchtchev d'écarter ses rivaux en les accusant de rester « staliniens ».

Ce rapport marque le coup d'envoi de la politique officielle de déstalinisation. Très vite, des articles paraissent sur le culte de la personnalité du dictateur et qui le qualifient de venin. Peu à peu, on assiste à la réhabilitation des victimes de purges et des répressions. Ceux d'entre eux qui ont été envoyés en prison ou déportés commencent à revenir massivement du Goulag.

Ce revirement politique a pour visée première la reconstruction économique du pays. Les privilèges du socialisme sont considérés comme des acquis pouvant à eux seuls, assurer le développement et la prospérité du pays.

Toutefois, surpris par l'ampleur de la vague de déstalinisation dans les pays du bloc soviétique, Khrouchtchev s'emploie à en limiter les effets, surtout si elle remet en cause l'appartenance du pays au camp soviétique.

Le 15 octobre 1956, il débarque en personne à Varsovie avec le Politburo, et négocie le maintien au pouvoir de Gomulka, réclamé par la population en révolte, en échange de la confirmation de l'allégeance de la Pologne au pacte de Varsovie.

En revanche, lorsque le nouveau gouvernement hongrois d'Imre Nagy proclame la neutralité du pays et son retrait du pacte de Varsovie, Khrouchtchev décide l'intervention militaire. Le 4 novembre, Budapest insurgée est assaillie par les chars de l'Armée rouge et réduite après une sanglante bataille de rues. La répression s'abat sur les chefs du mouvement, enlevés puis exécutés, et sur des milliers d'insurgés. De nombreux Hongrois fuient le pays, où Khrouchtchev installe un nouveau gouvernement conduit par Janos Kadar. Ce gouvernement se révéle au demeurant plus libéral que celui de Gomulka en Pologne.

Inquiets de ces soubresauts, Molotov, Kaganovitch et la fraction la plus fidèlement stalinienne du Politburo tentent d'évincer Khrouchtchev, qui se retrouve mis en minorité à une séance du Bureau politique (juin 1957). Khrouchtchev exige de faire appel au Comité central. Le rôle du maréchal Joukov, ministre de la Défense, est décisif : il fournit les appareils militaires qui transportent rapidement à Moscou les membres du Comité central, lesquels se prononcent en faveur du maintien de Khrouchtchev.

Ses rivaux évincés, ce dernier confirme son pouvoir en remplaçant Nikolaï Boulganine à la tête du gouvernement soviétique (mars 1958). Auparavant, dès octobre 1957, il a disgrâcié son sauveur Joukov, privé de toute responsabilité militaire et politique.

En 1961, au XXIIe Congrès du PCUS, la critique des crimes de Staline devient publique. Khrouchtchev ordonne de retirer son corps embaumé du mausolée de Lénine. Par ailleurs, il autorise personnellement la publication retentissante de la nouvelle de Soljenitsyne, Une journée d'Ivan Denissovitch.

En revanche, il persécute Boris Pasternak, qu'il oblige à refuser le prix Nobel de littérature (1957). Il ne remet pas en cause le réalisme socialiste dans l'art, affichant son mépris pour les innovations esthétiques. Il refuse toute introduction de la musique rock en URSS. Dans les sciences, la déstalinisation n'a pas lieu, puisque Khrouchtchev continue à couvrir d'honneurs le biologiste Trofim Denissovitch Lyssenko, qui n'est désavoué par le pouvoir qu'après sa chute.

Les essais de réforme

Nikita Khrouchtchev

Khrouchtchev desserre la pression mise par le stalinisme sur les paysans et les ouvriers. Début 1958, il supprime les MTS (stations de machines et de tracteurs), les yeux et les oreilles du pouvoir dans les campagnes depuis la dékoulakisation, et qui y possédaient le monopole de l'outillage moderne. Il abolit aussi les livraisons agricoles obligatoires et les paiements en nature. À destination des ouvriers, il supprime les décrets draconiens de 1938-1940 qui empêchaient tout libre changement d'emploi et punissaient d'envoi au Goulag tout retard répété de plus de 20 minutes[6].

Pour assurer la prospérité du pays, Khrouchtchev entreprend deux réalisations majeures :

  • le développement accéléré de l'agriculture ;
  • la construction d'habitations.

La période khrouchtchévienne est marquée par un rééquilibrage de la production en faveur des industries de consommation, sacrifiées au temps de Staline : pour Khrouchtchev, « bien beurré, le marxisme-léninisme aura meilleur goût ». De ce fait, la population connaît dans ces années-là une hausse réelle de son niveau de vie.

Volontariste, il parle en public de dépasser le niveau de vie des États-Unis, au moins sur le plan agricole (15 juillet 1957)[7]. À la fin des années 1950, il affirme que la société soviétique aura bâti le socialisme d'ici à 1980. Il fait adopter fin 1958 un ambitieux plan sur six ans qui prévoit d'augmenter la production industrielle de 80 % et d'acquérir en 1965 la même production par tête d'habitant qu'aux États-Unis[8].

Mais les grandes réformes qu'il lance tombent souvent à l'eau par manque d'organisation. Par exemple, après sa visite aux États-Unis, impressionné par les champs de maïs américains, il exhorte les soviétiques à cultiver cette plante. Mais cette céréale ne peut s'adapter que sur une toute petite partie du territoire, et cette grande campagne agricole est un échec cuisant. Elle lui vaudra le surnom de « Monsieur Maïs » (Koukourousnik).

Son ambition de défricher et cultiver les « terres vierges » en Asie centrale, notamment au Kazakhstan où il rebaptisera la ville d'Akmolinsk en Tselinograd (ville des Terres Vierges, qui deviendra plus tard Astana nouvelle capitale de cette république indépendante en 1998), n'aboutit qu'à des résultats guère plus concluants.

Le mécontentement ouvrier ne disparaît pas non plus totalement : en juin 1962, des émeutes ouvrières sans précédent depuis 30 ans sont réprimées dans le sang à Novotcherkassk.

Politique extérieure

Bien que Khrouchtchev ait entamé la déstalinisation et prôné la coexistence pacifique, cette période sera marquée par des événements violents ou des moments de tension comme l'insurrection hongroise (1956), « l'ultimatum de Khrouchtchev » (1958), la construction du mur de Berlin (1961) et le bras de fer qui l'opposera à Kennedy lors de la crise des missiles de Cuba en 1962. Il est aussi incapable d'empêcher la rupture sino-soviétique entre l'URSS et la République populaire de Chine de Mao Zedong, consommée entre 1960 et 1963.

Au contraire de Staline qui n'était presque jamais sorti d'URSS, Khrouchtchev voyage énormément, et multiplie les tournées internationales, dont il se sert comme instrument de diplomatie et de propagande. Il aime à jouer de son caractère en apparence bonhomme et de ses sautes d'humeur imprévisibles pour séduire ou intimider tour à tour l'opinion internationale.

Ainsi, lorsqu'il rencontre le président Dwight Eisenhower lors d'un voyage aux États-Unis en 1959, il intimide les Américains en leur expliquant à la télévision que leurs petits-enfants vivront sous le communisme. De même, début 1960, il quitte brusquement la conférence des Quatre Grands à Paris suite à l'affaire de l'avion espion Lockheed U-2, abattu au-dessus de l'URSS avec son pilote Gary Powers.

Les époux Khrouchtchev en visite d'État à la Maison-Blanche, chez le président Eisenhower, 1959.

Le volontarisme de Khrouchtchev et son activisme au plan international sont servis par les succès soviétiques dans la conquête spatiale, qui s'accumulent sous son mandat : prenant de vitesse les Américains, les Soviétiques envoient le premier satellite en orbite (le Spoutnik, 4 octobre 1957), le premier être vivant dans l'espace (la chienne Laïka, 3 novembre 1957), la première fusée sur la Lune (1959), ou enfin le premier homme dans l'espace en la personne de Youri Gagarine (1961).

En 1955, Khrouchtchev opère la réconciliation soviéto-yougoslave, mais sans ramener pour autant Tito dans le giron soviétique.

Soucieux de ménager des alliés à l'URSS dans le Tiers-Monde en pleine décolonisation, Khrouchtchev appuie des régimes anticolonialistes et antiaméricains, même lorsque ceux-ci répriment leurs propres partis communistes à l'intérieur.

En 1956, ainsi, allié du colonel Gamal Abdel Nasser en Égypte, il menace la France et la Royaume-Uni d'intervenir militairement, voire d'employer la bombe atomique s'ils ne stoppent pas immédiatement leur intervention à Suez. Il finance le barrage d'Assouan. En 1959, la révolution cubaine menée par Fidel Castro lui procure un allié aux portes des États-Unis. En Afrique, Khrouchtchev s'oppose violemment et publiquement au secrétaire général de l'ONU, Dag Hammarskjöld, à propos de la guerre civile dans l'ex-Congo belge (1960-1961).

Hostile à la « voie chinoise vers le socialisme » prônée par Mao Zedong, Khrouchtchev s'attire aussi l'inimitié des Chinois par sa politique de déstalinisation et de dialogue est-ouest, et en refusant de partager avec eux les secrets nucléaires et d'aider à la construction de leur propre bombe atomique. En 1960, il retire les experts soviétiques de Chine. En 1963, la rupture définitive est consommée. Sous la Révolution culturelle (1966-1969), les rivaux de Mao seront stigmatisés par les gardes rouges comme les « Khrouchtchev chinois ».

Depuis 1958 et son fameux « ultimatum », Khrouchtchev met violemment en cause le statut quadripartite de Berlin. En juin 1961, à la conférence au sommet de Vienne, il se montre délibérément très brutal face au jeune nouveau président américain, Kennedy, surpris et déconcerté par sa virulence. Pensant avoir jaugé la faiblesse du dirigeant américain, Khrouchtchev autorise alors Walter Ulbricht à construire le mur de Berlin pour enrayer la fuite massive des citoyens est-allemands vers l'Ouest. Sa construction commence le 13 août 1961, sans grande réaction des Occidentaux.

Avec Kennedy au sommet de Vienne, 1961.

En octobre 1962, lors de la crise de Cuba, Khrouchtchev fait retirer les missiles soviétiques dans l'île devant les menaces de John Kennedy. Cet épisode permettra à ses successeurs dont Léonid Brejnev de dénoncer durablement la période khrouchtéchevienne comme le temps de l'aventurisme.

La chute et la retraite

La chute de Khrouchtchev fut le résultat d'un véritable complot, tissé à partir de février 1964 par Léonid Brejnev et Nikolaï Podgorny, auxquels se joignirent progressivement la quasi-totalité des membres du Présidium du Comité central, irrités par la politique fluctuante de Khrouchtchev et par son comportement régi par ses sautes d'humeur. De plus, son intention, maintes fois répétée sans toutefois être mise à exécution, de rajeunir la direction, était perçue par ces apparatchik comme une menace personnelle.

Tandis qu'un certain nombre de signaux étaient arrivés aux oreilles de Khrouchtchev, ses opposants, emmenés par Léonid Brejnev, Alexandre Chélépine et le chef du KGB Vladimir Semitchastny, agirent brusquement en octobre 1964, alors qu'il était en vacances à Pitsounda en Abkhazie. Ils convoquèrent une réunion spéciale du Présidium du Comité central et, quand Khrouchtchev arriva le 13 octobre, les conjurés l'accusèrent d'avoir commis des erreurs politiques, comme la mauvaise gestion de la crise cubaine des missiles en 1962, et d'avoir désorganisé l'économie soviétique, surtout dans le secteur agricole. Ils l'appelèrent à se démettre et décidèrent de séparer à l'avenir les postes de Premier secrétaire du Comité central et de Président du Conseil des ministres. Khrouchtchev renonça à se défendre. Une réunion spéciale du Comité central fut hâtivement convoquée le lendemain et approuva sans discussion sa "démission" et les décisions du Présidium. Le 15 octobre 1964, le Præsidium du Soviet suprême d'URSS accepta la démission de Khrouchtchev du poste de Premier ministre de l'Union soviétique.

Signe des temps, Khrouchtchev perdit le pouvoir sans perdre ni la vie ni la liberté, ce qui marquait une relative réussite de la rupture avec l'ère stalinienne.

Tombe de Khrouchtchev.

Suite à son éviction, Khrouchtchev passa le reste de sa vie comme un retraité, menant une existence silencieuse à Moscou. Il resta membre du Comité central jusqu'en 1966. Pendant le reste de sa vie, il fut surveillé de près par le KGB, mais réussit à rédiger ses Mémoires et à les faire passer à l'Ouest, dans des conditions étranges, puisque ce fut le KGB qui s'en chargea.

Il mourut chez lui à Moscou le 11 septembre 1971 et est enterré au cimetière de Novodiévitchi de Moscou : on lui refusa des funérailles officielles et un enterrement près du mur du Kremlin.

Au cinéma

L'acteur britannique Bob Hoskins a incarné en 2001 le rôle de Khrouchtchev dans le film Stalingrad de Jean-Jacques Annaud.

Bibliographie

  • Nikita Khrouchtchev, Souvenirs, Paris, Robert Laffont, 1971, p.35
  • Nikita Khrouchtchev, Rapport secret sur Staline au XXe Congrès du PC soviétique, suivi du Testament de Lénine, Paris, Champ libre, 1970.
  • Jean-Jacques Marie, Khrouchtchev, la réforme impossible, Paris, Payot, 2010.
  • Simon Sebag Montefiore, Staline. La Cour du Tsar Rouge, Paris, Ed. des Syrtes, 2005.
  • Boris I. Nicolaevski, Les dirigeants soviétiques et la lutte pour le pouvoir , Paris, Denoël, 1969.

Notes et références

  1. selon les notes du registre des actes de naissance conservé aux archives nationales de l'Oblast de Koursk. Khrouchtchev ignorait sa date de naissance précise, et fêtait son anniversaire habituellement le 17 avril, ce qui c'est reflété sur de nombreuses notes biographiques. Voir Таубман У. «Хрущёв» М.: Молодая Гвардия, 2005, p 36, 704
  2. Khrouchtchev, Jean-Jacques Marie, Payot&Rivage, pp.52-56.
  3. Jean-Jacques Marie, Op. cit., p. 64.
  4. a, b, c et d S. Montefiore, Staline. La Cour du Tsar Rouge, Ed. des Syrtes, 2005.
  5. Selon Reuven Merhav, le texte du discours aurait été transmis par Victor Grayevsky, un journaliste polonais juif, au Mossad, qui l'aurait à son tour communiqué aux autorités américaines, et in fine à la presse. Cf. Yves Derai et Daniel Haïk, « Israël vu par le Mossad », Le magazine de l'Optimum, numéro 5, 2008.
  6. Chronique du XXe siècle, Ed. chroniques, 1993
  7. Ibidem
  8. Mémoires du XXe siècle, Bordas, 1994

Postes officiels

Précédé par Nikita Khrouchtchev Suivi par
Gueorgui Malenkov
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Premier Secrétaire du Comité central du PCUS
1953-1964
Léonid Brejnev
Nikolaï Boulganine
Président du Conseil des ministres de l'URSS
1958-1964
Alexis Kossyguine

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