Montaigu (Mayenne)

Montaigu (Mayenne)
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Montaigu
Le panorama, vu du Montaigu
Le panorama, vu du Montaigu
Géographie
Altitude 291 m
Massif Coëvrons
Coordonnées 48° 14′ 08″ Nord
       0° 24′ 09″ Ouest
/ 48.23556, -0.4025
48°14′08″N 0°24′09″O / 48.23556, -0.4025
Administration
Pays Drapeau de France France
Région Pays de la Loire
Département Mayenne

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Montaigu (Mayenne)

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Montaigu (Mayenne)

Situé dans le département de la Mayenne à Hambers, le Montaigu est une butte régulièrement arrondi, avec chapelle au sommet (291 m d'altitude), qu'on aperçoit non seulement du Maine, mais de la forêt d'Andaine en Normandie, des collines bretonnes vers Vitré et de toutes les altitudes de 100 mètres dans le bassin de la Mayenne, en Anjou. Il ne manque pas dans le massif montagneux mayennais de sommets plus élevés, notamment au cœur des Coëvrons le mont Rochard tout proche, mais ce sont des groupes confus.

Sommaire

Physionomie

Montaigu a une physionomie propre, individuelle. Pour l'abbé Angot, les autres hauteurs valent surtout par le piédestal que leur font les pentes graduelles du terrain. Montaigu se détache de son entourage sur tout l'horizon. Aussi a-t-il exercé à tous les âges une attraction singulière sur les populations.

C'est un site privilégié dans le rayon duquel l'homme se plut toujours[1].

Le panorama de Montaigu permet de voir des plaines illimitées au sud et à l'ouest, vers Sainte-Suzanne et Sablé-sur-Sarthe, Château-Gontier et Laval, et bien au-delà ; ensemble de collines dans les autres directions : les Coëvrons, Pail, Buleu, pour ne citer que les massifs les plus rapprochés[2].

Le témoignage de Dubuisson-Aubenay

Montaigu se fait si bien remarquer qu'un voyageur, Dubuisson-Aubenay, qui traversait le Maine en touriste vers 1636, et notait soigneusement tous les objets dignes d'attention, ne vit pas autre chose de Montsûrs jusqu'à Bais. En quittant Montsûrs, « vous passez le bras droit (de la Jouanne) qui est le plus petit, dit-il, et le gauche qui est à vostre main droite, vous le costoyez et suivez le long de sa rive droite à contre-fil de l'eau ; et, passé quelques villages, vous voyez sur un ault costau la chapelle de Saint-Michel de Montaigu. Costoyant cela, tousjours à vostre main droite, arrivez au-dessus de Montesson, maison bien faite et environnée d'eaus, qui est à un gentilhomme seigneur du prochain bourg nommé Bais ou Baz parmi les paysans »[3].

Époque préhistorique

Monuments mégalithiques

Dès la Préhistoire les hommes vinrent occuper le versant méridional du vaste amphithéâtre formé par Crun, Rochard et Montaigu, en face des plaines immenses du pays évronnais. Montaigu surtout eut leurs préférences. M. Émile Moreau a étudié les stations et les monuments mégalithiques de cette région. L'abbé Angot a effectué un résumé de ce qu'il a écrit, en spécialiste, sur ce sujet.

Au village d' Étivau était encore, vers 1850, soutenu sur des supports d'un mètre de hauteur, un dolmen composé de deux tables, formant une longueur totale de 3,64 m. Ces tables ont été brisées pour faire la margelle d'un puits ; deux supports sont encore en place. Non loin de là était « une magnifique table de pierre d'un grès très fin et très brillant, longue de 2,20 m, large de 1,30 m et épaisse seulement de quelques centimètres ». Elle était d'un gris clair à gauche, d'un jaune foncé à droite, et marquée d'une large tache d'un rouge foncé à la partie supérieure. La destination historique de cette pierre était attestée par l'origine mystérieuse qu'on lui attribuait et par la présence d'éclats de la même roche parmi des outils de pierre non polie trouvés dans le voisinage. Des blocs du même grès jaune sont signalés au même endroit. D'autres, que M. Moreau qualifie seulement de « pierres posées », se faisaient remarquer, vers 1875, dans les landes d' Étivau par leurs dimensions, les excavations qu'elles présentaient ou leur groupement.

Dans un champ de la ferme de Richebourg, sur une petite éminence qui forme une sorte de socle de 11 mètres carrés, respecté par la charrue, s'élève le monument remarquable et incontestable dit « les Pierres-Jumelles », restes d'une allée couverte dont les autres pierres sont renversées et dispersées dans le petit terrain en friche. Cette description de M. Moreau est pour l'abbé Angot (en 1904) toujours exacte. Mais le terrain environnant n'est plus en culture. Il a été planté en taillis, et les ronces avec les jeunes pousses de chêne masquent le monument et en rendent l'accès difficile. D'ailleurs les Pierres-Jumelles sont non au village de Richebourg qui s'abrite au pied d'un des contreforts de Montaigu, mais à 500 mètres de là, dans la plaine, sur une ferme récemment créée dans les landes des Rabries. La grande pierre située 200 mètres plus loin, que M. Moreau nomme justement pierre des Rabries, qui mesure au moins 20 mètres de superficie, a été nommée pierre au Renard dans une petite géographie locale, faisant confusion avec la Pierre au Renard du taillis de Crun. M. Moreau signale encore les « pierres posées » qui parsèment les landes des Rabries et un dolmen détruit par la construction de la route de Sainte-Gemmes-le-Robert à Mézangers. Il y en a d'autres. Le nom de Pierre-Aiguë que porte la ferme voisine de Richebourg est un indice. L'abbé Angot indique encore en finissant cette revue sommaire, presque au sommet de Montaigu, au lieu dit le Grand-Bois, un double alignement de pierres assez grosses qui semblent les supports des tables disparues d'une allée couverte.

Stations d'habitation

Outre les monuments mégalithiques dont les premiers habitants de cette région parsemèrent le pays, nous connaissons de plus les stations où ils fixèrent spécialement leur habitation. Et c'est encore M. Moreau qui eut, en 1874, le bonheur de découvrir deux centres principaux d'habitations, reconnaissables aux outils en pierre non polie et surtout aux nombreux déchets de leur fabrication dont le sol était parsemé. Ces deux stations, situées à la limite des communes de Mézangers et d'Hambers, sur un plateau de 128 mètres d'altitude, formé d'un sable gris d'alluvion, sont : l'une à la ferme de la Maison-Neuve, qui a donné des outils du type acheuléen ; l'autre au point culminant du plateau, au lieu du Bout-du-Bois. Ce dernier a fourni de nombreux débris et quelques outils d'aspect moustérien, d'un quartzite « très fin, d'un très beau lustre, fragile, sensible aux actions atmosphériques ».

Depuis la découverte de ces stations, M. Maulavé, curé de Mézangers, les a soigneusement explorées et en a découvert dans le voisinage, au lieu du Portail, une troisième beaucoup plus riche en outils travaillés, haches, pointes de flèches, lames, etc. Au début du XXe siècle, c'est au presbytère de Mézangers qu'il fallait voir le musée de ces stations préhistoriques, composé de plusieurs centaines d'objets : outils, percuteurs, nuclei, tous de l'époque paléolithique. L'abbé Angot s'interrogeait : Puisse cette collection riche encore, malgré des détournements regrettables, se conserver intacte et s'enrichir de plus en plus. Il indique aussi que les silex importés y sont en petite quantité en comparaison des matériaux indigènes. Ainsi les pentes méridionales et occidentales de Montaigu ont été recherchées et habitées par les populations de l'époque paléolithique et des vestiges nous en ont été conservés, soit dans les monuments qui émergent du sol, soit dans les produits et les débris de l'industrie de ces peuplades mis chaque jour encore à la lumière par la charrue.

Période gallo-romaine

Montaigu est situé au centre du pays des Diablintes[4].

Toujours est-il que la loi, souvent constatée ailleurs, de la superposition des civilisations successives dans le même lieu, se vérifie encore ici. Le même versant méridional de la chaîne de collines dont Montaigu est un chaînon, fut choisi par les Romains pour la création de divers établissements et pour la direction de la grande voie militaire de Tours à Vieux par le Mans et Jublains[5].

C'est dans ce pays où se trouvent les vestiges préhistoriques mêlés aux ruines romaines, que passe la voie des légions, le long des derniers contreforts de Montaigu, et la montagne en est comme un jalon, comme une borne gigantesque, à mi-chemin de Jublains et de Rubricaire, poste militaire édifié sur la voie, peut-être à une bifurcation.

Article détaillé : Rubricaire.

La voie de Jublains au Mans passant par Rubricaire, qui est exactement sur la ligne droite d'un point à l'autre, devait visiter le versant méridional de Montaigu[6].

Epoque francque

Après la disparition des Romains, mais à une époque où la langue latine gardait encore son empire, les nouveaux colons francs s'établirent à leur tour dans les lieux privilégiés par la nature qui gardaient les traces de trois civilisations successives. Les villages surgirent et s'échelonnèrent presque sans interruption sur la voie romaine partout où les sources et un abri protecteur offraient des agréments ou des avantages appréciables[7].

Parmi les nouveaux noms, l'abbé Angot en cite de riants comme Étivau, Champfleury, qui conviennent merveilleusement aux sites des villages qu'ils dépeignent[8]. Richebourg et Villeneuve rappellent la formation de ces agglomérations de villageois qui se groupaient sous la protection d'un chef. Pierre-Aiguë, comme un peu plus loin Pierre-Fritte, sont des souvenirs des monuments mégalithiques qui surgissaient du sol bien plus nombreux qu'aujourd'hui.

Ces villages, nous les retrouverons modifiés, renouvelés à d'autres époques ; mais dès lors par leur nombre, leur rapprochement, ils attestent combien, aux temps mérovingiens et carolingiens, les Francs aimèrent les champs conquis par la culture sur les pentes méridionales du mont. Cette époque est peut-être celle où la vie fut le plus active et la population le plus dense dans ce petit espace. Les paroisses elles aussi se constituaient. Hambers, Sainte-Gemme, Bais et Mézangers entourèrent le mont et s'en partagèrent les terres cultivables et les lieux habités[9].

Les Francs, on le sait, ne construisirent point de routes ; ils se bornèrent à entretenir insuffisamment celles des voies romaines qui leur étaient les plus nécessaires. Mais si les rois et les grands feudataires se confinèrent dans ce rôle, les populations ne purent manquer de créer des communications entre leurs groupes les plus rapprochés, d'église à église, de village à village, et de tous les lieux habités aux anciennes et principales artères du pays[10].

Deux artères principales se dégagent de ce réseau compliqué : la voie romaine, allant du S.-E. au N.-O. par Étivau et Richebourg, avant de prendre franchement sa direction vers Jublains ; puis une autre vieille route que son long parcours d'Évron à la Chapelle-au-Riboul et au-delà, en passant par le flanc est de Montaigu, désigne comme une des voies les plus fréquentées. Les titres de la seigneurie du Teil la nomment « le chemin du Teil au tertre de Montaigu, » mais sa prolongation au-delà de ces deux points est évidente et la vicinalisation de plusieurs de ses tronçons en prouverait au besoin l'importance. Deux autres chemins, l'un de Bais à Chelé, par le versant nord, l'autre d'Izé à Montaigu, par le flanc sud de la colline, celui d'Hambers au village de Montaigu, avec prolongation jusqu'à la voie romaine, forment le réseau secondaire qui se ramifie en sentiers innombrables[11].

La féodalité, les ermitages

Féodalité

Le XIe siècle vit naître deux institutions. La première fut, dans l'ordre civil, la féodalité héréditaire[12]. C'est alors que le baron de Sillé, qui tenait sa baronnie du comte du Maine, détacha de son domaine la terre de Chelé en faveur d'un vassal qui en prit le nom et lui dut service de chevalier quand lui-même accompagnait le comte du Maine à la guerre.

Hambers et Montaigu se trouvèrent compris dans cette inféodation du baron de Sillé au châtelain de Chelé. Montaigu fit même partie du domaine seigneurial[13]. A mesure que les terres défrichées permirent de nourrir un plus grand nombre de familles, les feux se multiplièrent dans chaque village. Le bois et des mottes de terre avec quelques murs en pierres sèches formaient d'ailleurs toute l'architecture de ces habitations. Une maison en pierre, domus lapidea, était à cette époque une rareté même dans les grandes agglomérations et chose inconnue dans les villages ruraux. Aussi n'en reste-t-il aucune traces. Ce n'est que pour les églises et les châteaux forts qu'on employait alors la pierre et le ciment. Ce sont aussi les seuls édifices qui aient laissé des vestiges.

Société religieuse

La seconde innovation de cette époque se produisit dans la société religieuse, par la diffusion et l'importance que prit alors la vie érémitique dans le Maine occidental, dont toutes les forêts se peuplèrent d'ermitages, à ce point que les auteurs contemporains les nommèrent la Thébaïde du Maine. Les désordres les plus graves avaient pris racine dans la chrétienté. Les églises étaient aux mains des laïques ; les prêtres bravaient les excommunications et les décrets des conciles contre les simoniaques et les concubinaires. Des apôtres surgirent qui se donnèrent rendez-vous dans la région du Maine. Robert d'Arbrissel vint de Bretagne ; Vital de Mortain : Alleaume, de la Flandre ; Bernard de Tiron, d'Aquitaine ; Raoul de la Fûtaie seul était du Maine[14].

Il y eut trois centres du nouvel apostolat : la forêt de Craon, avec Robert d'Arbrissel ; Fontaine-Géhard, d'origine antérieure, dans la forêt de Mayenne ; la Charnie, où se fixa saint Alleaume. Les Coëvrons, Rochard, Montaigu, furent dans le champ d'action des disciples d'Alleaume qui, dans une autre direction, s'étendait jusqu'à Sablé. Montaigu eut pour les ermites l'attrait qu'il avait eu pour les populations rurales. Ils vinrent au milieu d'elles pour les instruire et les réformer[15].

Saint Alleaume d'Etival

Article détaillé : Alleaume d'Étival.

Par des textes ou par des monuments contemporains, nous savons que les disciples d'Alleaume d'Étival vinrent s'installer tout autour du Montaigu, si même ils ne prirent pas dès lors possession de son sommet. Saint Alleaume avait créé deux genres d'établissements : les uns pour les hommes, qui se dispersèrent par groupes sur tout le territoire comme indiqué précédemment : l'un d'entre eux était situé à Saint-Nicolas près de Sainte-Suzanne en forêt de Charnie  ; l'autre pour les femmes, qu'il installa en 1109 à Étival-en-Charnie sous la direction d'une abbesse. Les ermitages n'eurent qu'un temps, parce que les besoins auxquels répondait leur institution étaient passagers, et que bientôt les abbayes cisterciennes qui se multiplièrent rapidement dans la province donnèrent une autre direction aux vocations érémitiques.

Article détaillé : Abbaye d'Étival-en-Charnie.

Alors les établissements qu'avaient fondés les ermites, disciples de saint Alleaume, revinrent à son abbaye féminine d'Étival. C'est ainsi qui nous savons par une bulle de Célestin III qu'en 1197, les religieuses d'Étival jouissaient de la chapelle de Champfleuri en Sainte-Gemme et de l'ermitage, devenu depuis une métairie[16].

C'est dans cette chapelle que les disciples de saint Alleaume, disséminés dans de modestes huttes de terre et de branchages, se réunissaient pour la prière commune et que les villageois venaient s'édifier de leurs instructions et du spectacle de leurs vertus[17]. L'abbé Angot écrit la même chose à propos de la chapelle du Teil qui, sur un autre point, aussi rapprochée de la base de Montaigu, était sur un chemin montant au sommet du tertre. Les vocables de ces trois sanctuaires sont remarquables et de ceux qu'affectionnaient les ermites : à Champfleuri et au Teil, saint Jean ; à Chelé, saint Marc.

L'Ermitage de Montaigu

La chapelle du Montaigu

Le premier texte écrit qui concerne Montaigu date du XIIIe siècle[18]. Mais un autre fait, qui nous est révélé par un document postérieur, est bien autrement important et tend à prouver que les disciples de saint Alleaume avaient peut-être pris eux-mêmes, au XIIe siècle, possession du plateau de Montaigu, ou que du moins un établissement de même nature, chapelle et ermitage, n'avait pas tardé à s'y fonder, et qu'enfin la dévotion populaire avait commencé dès lors à attirer les pèlerins sur ces hauteurs.

Nous lisons en effet dans l'acte de fondation ou de rétablissement de l'ermitage en 1402[19] par Jean de Landivy et Marguerite de la Macheferrière « que, de long et ancien [temps], non réputé le contraire, il [était] dit et tenu notoirement et publicquement ès parties du pays du Maine, et par espécial ès parties où est ung tertre appelé Montaigu, que sur le haut dudit tertre, avoit eu éminence et apparence de chapelle fondée de Monseigneur saint Michel, et que au jour de la feste dudit saint Michel et autres, moult de gens, par dévotion et par forme de pèlerinage, sont allés et vont par chacun jour, et ont fait et font plusieurs oblations de deniers et aultres en l'honneur dudit saint Michel et pour le bien deleurs âmes. » Mais la chapelle, ajoute le texte, « est de présent et dès longtemps ruyneuse et desmolie. »

Cette chapelle, dont il ne restait plus que des ruines, devait être fort ancienne en effet, et la dévotion à l'Archange qui avait survécu à son sanctuaire était fortement enracinée. Rien d'impossible qu'elle remontât au temps de nos premiers ermitages dont les églises, moins exposées aux tempêtes, restent encore debout. Quoi qu'il en soit, c'est en pleine guerre anglaise qu'eut lieu la restauration du sanctuaire, que le nouvel ermitage fut construit et que le pèlerinage s'organisa dans des conditions meilleures[20].

L'acte du 8 août 1402, par lequel Jean de Landivy et Marguerite de la Macheferrière rétablirent le culte de saint Michel à Montaigu est lui aussi un précieux témoignage de leur piété et de leur libéralité. S'étant enquis de « la prodhommie, léalté et bonne foy » de Jean Cochon, « clerc désirant estre prestre, » voulant aussi attirer sur eux et sur « leur postérité directe et collatérale « la protection de saint Michel et participer au divin service et aux bienfaits qui se feraient au lieu de Montaigu, les époux permirent au clerc solliciteur de prendre sur le tertre toute la place qu'il jugerait convenable pour édifier « chapelle … maisons et habitations pour la demeure de lui et autres habitans » attachés au service du sanctuaire. Ils ajoutèrent à cette concession un espace de « troys cens pas de toutes les parts ès circuits desdits chapelle et herbergement, » exemptant ce territoire « de toute juridiction, justice, seigneurie, de toute servitude rurale et coutume ; renonçant à y « faire au temps avenir aucun exploit de justice en aucun cas. »[21]

Ainsi autorisé, Jean Cochon se mit à l'œuvre sans souci de la guerre qui sévissait. La pierre fut tirée du roc sur lequel on bâtit ; les excavations de la carrière se voient encore presque à la base des murs, mais il fallut amener l'eau et la chaux à grands frais et fatigues[22]. L'ermitage et la chapelle ajoutèrent un dernier trait à la physionomie « du tertre de Montaigu,  » plus propre que tout autre à lui attirer le regard, à le rendre reconnaissable du plus loin qu'on le peut voir, et à consacrer son caractère religieux. Jean Cochon avait négligé une formalité, et cette omission faillit compromettre son œuvre.

En règle avec le seigneur temporel, il n'avait pas songé à se pourvoir d'une autorisation ecclésiastique nécessaire avant tout quand il s'agit d'ouvrir un nouveau sanctuaire. Le sien était trop en vue pour passer inaperçu. L'official fut avisé et, « le mardy après Invocavit me CCCC XXII » 23 février 1423[23], il condamna maître Jean, qualifié alors prêtre d’Hambers, à une amende d'un écu pour avoir édifié dans la paroisse, sans permission du seigneur évêque, une chapelle dans laquelle il avait célébré et fait célébrer. Ce fut d'ailleurs toute la sanction, suivie d'une reconnaissance officielle, et le sanctuaire continua plus que jamais dans la suite à attirer « moult de gens par dévotion et par forme de pèlerinage. » Car saint Michel aime les montagnes ; et il est honoré en France dans plus de cent chapelles placées sur des hauteurs[24].

Si maintenant nous nous éloignons pour un instant de la chapelle et de l'ermitage pour parcourir sur les flancs de la colline les villages que nous connaissons déjà, nous assisterons pendant la période qui s'est écoulée depuis l'expulsion des Anglais jusqu'à la fin du XVIe siècle à leur renouvellement et à une transformation complète. Des habitations antérieures il ne reste rien ; de cette époque au contraire datent les meilleures constructions. Le château de Chelé, bâti par un habile maître d'œuvre au service d'un riche seigneur, est évidemment une exception ; de même le château de Viel, plus moderne d'un siècle, moins luxueux, mais dont la grandeur est attestée par les ruines qui subsistent.

Mais les maisons des simples villageois elles-mêmes se ressentirent alors du goût artistique de cette époque[25].

Évidemment, ceux qui se donnèrent ces habitations n'étaient pas de simples fermiers. Ils possédaient la terre où ils vivaient. Ils étaient d'une autre condition, d'une autre situation sociale que les habitants actuels. Tout ce qui s'est bâti depuis lors n'a plus le même aspect[26].

Les ermites de Montaigu

Les documents ne nous les font point connaître par leurs noms depuis Jean Cochon, et depuis le XVe siècle jusqu'au milieu du XVIIe siècle ; mais il n'est pas douteux que l'ermitage n'ait été occupé, avec intermittences sans doute, dans ce long espace de temps. Je trouve un legs fait à l'église de Montaigu en 1444, d'autres en 1563, en 1585, d'autres encore plus récents ou de date inconnue, mentionnés dans un inventaire des titres de la fabrique d'Hambers. Incidemment enfin, en 1652, nous connaissons le nom d'un frère Antoine, ermite à Montaigu, parce qu'il fait, en cas de danger, le baptême d'un enfant né à Sainte-Gemme. Pour son successeur, frère Henri de Cannet, nous savons toutes les formalités de son investiture[27].

La carte de Jaillot, en 1707, indique l’« hermitage de Saint-Michel sur la montagne de Montaigu », ce qui implique nécessairement qu'il était occupé, quoi que nous ne sachions par qui. Dans ses visites à la fin du XVIIIe siècle, le doyen note également qu'il y a « un homme pour garder la chapelle et qui a permission de quêter, 1778 ». En 1781, il le qualifie anachorète. On connaît encore Michel Petit, qui eût mieux fait de rester ermite que de recevoir l'ordination des mains de Villar, l'évêque constitutionnel, pour devenir en fin de compte secrétaire de mairie.

La Révolution française ne fit pas oublier l'antique dévotion[28]. Le 20 fructidor an XI (7 septembre 1803), la municipalité d'Hambers demandait la permission « de faire célébrer, suivant un usage immémorial dans les églises de Chelé et de Montaigu, à certains jours de l'année et dans les nécessités publiques. Ils ont, ajoutent-ils, le plus grand désir de faire revivre cet ancien usage ». Les ermites revinrent aussi. « Il n'y a pas plus de dix ans, écrit M. Verger en 1835, que ce lieu solitaire (de Montaigu) était habité par deux hermites qui vivaient des dons des habitants ». M. Leblanc, curé d'Hambers de 1820 à 1836, écrit de son côté, dans sa chronique paroissiale, qu'un « grand frère se fixa à l'hermitage, et n'y resta pas longtemps ». Il se vante même de l'avoir congédié, d'accord avec le maire.

De temps immémorial et même avant la reconstruction de la chapelle, en 1402, il y avait grande affluence de pèlerins au jour de la Saint-Michel, c'est-à-dire qu'il se tenait une assemblée moitié religieuse, moitié commerciale. Cette institution s'est perpétuée d'âge en âge et avait encore une vogue due en partie à la situation exceptionnelle de son emplacement. Vers 1880, l'assemblée a été transférée au village de Chelé.

Voir aussi

Notes et références

  1. C'est aussi pour l'abbé Angot :

    « un point de repère où les regards aiment à se reporter, sur lequel on s'oriente pour retrouver tous les autres lieux connus. Quand on l'a vu sous tous ses aspects, des quatre points cardinaux, dans ses excursions, piqué de curiosité, subissant son attraction, on s'est dit : « J'irai sur cette montagne ; je foulerai sa bruyère, son sol inculte ; j'embrasserai de là tout le pays d'un regard ; je visiterai sa chapelle et j'y prierai l'archange ! » »

  2. L'abbé Angot ajoute

    « On comprend que ceux qui habitent ces pays accidentés, aux larges horizons dont les plans échelonnés, les lignes, les traits accentués font des tableaux variés et captivants, aient pour le sol un autre attachement que ceux de la plaine. Les champs ne valent que par la moisson ; la montagne met dans l'âme une vision, des images qu'on n'oublie point, même transporté dans des régions plus fortunées. Puis, sur cette immensité de ciel et de terre qu'on découvre d'en haut, l'œil suit des phénomènes qu'on saisit mal d'ailleurs : c'est le nuage égaré dans l'azur, qui projette son ombre mobile sur les champs comme celle d'un oiseau qui plane ; c'est la stratégie d'autres nuages, porteurs de pluie ou d'orage, dont vous devinez la marche, soit qu'ils veuillent vous envelopper, soit qu'ils manœuvrent pour se dérober par une des brèches de l'horizon, ou qu'on ait le plaisir de les voir épuiser leur furie et leur déluge avant d'en être atteint. Et quels objets de méditations pour l'esprit qui se recueille devant ce spectacle grandiose ! Ces étangs, taches brillantes, sont les derniers témoins d'un lac immense ; les bois de la Charnie, de Crun, d'Hermet, de Bourgon, sont les lambeaux décousus d'un manteau qui couvrit toutes les collines et les terres émergées. Jublains et Rubricaire évoquent les légions et la civilisation romaines ; Sainte-Suzanne rappelle le Bastard normand qui vint s'y faire battre. Tant d'autres lieux enfin, qu'on découvre ou qu'on soupçonne, font revivre pour chacun des souvenirs personnels et intimes, toutes les étapes d'une vie qui a rayonné autour de la montagne. C'est la condition des montagnes d'être arides et pourtant de faire naître de leurs flancs les sources et les ruisseaux qui arrosent et fertilisent les plaines. La Jouanne, par des branches multiples, s'échappe des versants méridionaux et occidentaux de Montaigu ; l'Aron naît sur ses pentes septentrionales. Sur tous les points et presque jusqu'à son sommet, les sources remplissent à fleur de terre l'étroite fontaine qu'on leur a creusée d'une eau intarissable, dont le trop plein s'en va en ruisselets dans les vallées qui les recueillent. Autant vous voyez de villages, de fermes, de maisons, disséminés sur les flancs de la colline, autant de fissures par où se distribue l'eau bienfaisante que recèlent ses entrailles. »

  3. Ainsi, tout ce que Dubuisson-Aubenay a vu, a côtoyé, de Montsûrs à Bais, c'est Montaigu et sa chapelle de Saint-Michel. On se demande comment il oublie Évron avec son abbaye et ne signale pas même Rochard qui dut, de certains points, offrir à sa vue sa croupe couverte de landes et la roche qui couronne sa crête.
  4. L'emplacement de Jublains n'avait-il pas été choisi en vue de Montaigu par suite de l'attraction qui s'était exercée déjà sur les premiers habitants du pays ? Il y a moins de 6 kilomètres de la ville au sommet de la colline d'où l'on peut explorer du regard toute la plaine.
  5. M. Moreau a retrouvé à Étivau et à Richebourg, en plein pays de monuments mégalithiques, traces d'un four à briques et d'une autre construction avec un four en petit appareil, et, à Pierre-Aiguë, une carrière de granit où gisaient des tronçons de colonnes du diamètre de celles employées à Jublains, mais d'où aussi, il faut le dire, on a extrait au XVIe siècle le granit dont sont construites les maisons du village de Richebourg.
  6. Mais comme les agglomérations gauloises, puis les villas latines, y avaient succédé aux peuplades primitives, l'intention de se mettre en contact avec leurs sujets et de les maintenir dans l'obéissance peut aussi avoir décidé les Romains à diriger leur voie principale par ces coteaux ensoleillés.
  7. C'est de l'époque mérovingienne que datent les villages d'Étivau, Neuville, Richebourg, Pierre-Aiguë, Champfleury, Montaigu, alignés sur un espace de deux kilomètres à peine à la base de Montaigu ou de ses contreforts. Chelé et Origné, peu éloignés aussi de la voie romaine, sont les seuls centres entre Jublains et Rubricaire qui aient gardé dans leur nom la preuve d'une origine antérieure à l'époque franque. Ils durent prendre un développement nouveau et se transformer dans le temps où se multipliaient les lieux habités, et où la culture regagnait du terrain.
  8. En face d'une plaine plantureuse ou de landes fleuries, sur des coteaux où l'on va surprendre les premières apparitions des végétations printanières, ajoute l'abbé Angot.
  9. Hambers, qui touche à la base septentrionale, prit tout ce versant et dépassa même le sommet, prenant pour limite, au-delà du village de Montaigu, le ruisseau du Rocher et le chemin de Montaigu à Izé : Sainte-Gemme eut le versant plus favorisé du sud ; Bais eut au N.-.E. ce que lui attribuait la ligne de partage des eaux ; Mézangers s'élève à peine sur les pentes S.-O. Les populations qui étaient chrétiennes eurent dès lors leurs églises et leur culte paroissial.
  10. Ces sentiers se frayèrent ainsi tout naturellement, marquèrent peu à peu leur sillon sur le sol et sont devenus avec le temps, sous l'action des eaux dans ces terrains accidentés, les chemins creux que nous voyons, d'aspect souvent étrange, obscurs comme des tunnels, bordés d'épais buissons et d'arbres fantastiques, noueux, torturés, qui leur font une voûte de leurs rameaux et dont les racines sortent du talus des haies avec des contorsions de serpents.
  11. Ces tracés, avec les lieux de noms anciens qu'ils relient aux divers étages de Montaigu, sont les vestiges laissés sur son sol par la civilisation franque sous les deux premières dynasties.
  12. Tandis que précédemment les comtes et autres grands feudataires ne possédaient leur apanage qu'à titre viager et précaire, ils le transmirent désormais par héritage à leurs descendants et inféodèrent eux-mêmes diverses parties de leurs domaines et de leurs fiefs à des hommes liges qui les tinrent aussi héréditairement, à charge de services militaires et de devoirs utiles ou honorifiques.
  13. Le châtelain, à son tour, ne manqua pas de concéder à ses vassaux des inféodations censives et roturières, grâce auxquelles de nouveaux villages se créèrent et les villages anciens se développèrent. C'est depuis lors qu'on vit apparaître dans le périmètre de Montaigu, de la base au sommet, les fermes et villages qui portent encore le nom du premier concessionnaire : la Mercerie, la Norerie, la Bourdonnière, la Velardière, la Chalopinière, la Godmerrerie, la Hardière, la Rousselière, la Crosnerie, en Sainte-Gemme ; — la Tessinière, la Romeyère, la Tramardière, la Duchetière, la Mionnière, la Gaudinière, en Hambers ; la Beucherie, la Bellière. la Moisière, la Morinière, la Gueffetière, la Caillardière, en Bais, pour ne citer que les noms les plus expressifs. Ces nouveaux centres de culture et d'habitation se fondèrent et surtout se développèrent successivement.
  14. L'abbé Angot indique qu'aux accents de leur parole enflammée, des prêtres, des fidèles de tout âge et de tout sexe, touchés et convertis, entreprirent, en se sanctifiant eux-mêmes, d'édifier et de ramener à la vertu et à la dignité chrétiennes les populations avilies, et à côté des églises polluées ouvrirent d'humbles sanctuaires où le culte sans éclat était au moins pur de simonie et de sacrilège.
  15. L'abbé Angot ajoute qu'on se tromperait si l'on croyait que les ermites fuyaient absolument la société des hommes. Ils allaient, il est vrai, aux populations les plus délaissées, mais ne leur refusaient pas plus leurs instructions, leurs conseils, que les exemples de leur sainteté.
  16. L'abbé Angot constate que par une chance bien extraordinaire, au début du XXe siècle, cette chapelle de Champfleuri subsiste, de style roman, conservant jusqu'à ses fenêtres en plein cintre du XIe siècle ou du XIIe siècle, murées maintenant, mais toujours apparentes, en dehors, au pourtour du chœur. Malgré les modifications successives et la reconstruction de la nef, sa division par un plancher, le plan primitif est toujours facile à reconnaître : c'était une nef rectangulaire, avec chœur en abside légèrement rétréci, probablement voûté à l'origine, entre lesquels un cintre roman détruit jusqu'aux pieds-droits soutenait un pignon pointu. La cloche installée dans une petite baie à la pointe du pignon occidental est encore là pour attester que l'ermitage de Champfleuri resta jusqu'au XVIIIe siècle propriété de l'abbaye d'Étival. On y lit cette inscription : L’AN 1718 JAY ESTE DONNEE A CETTE CHAPELLE DE St JEAN B DE CHAMFLEVRY PAR ILLVSTRE DAME RENEE CHARLOTTE MAGDELAINE DE PEZE, ABBESSE DETIVAL, ET BENITE PAR MESSIRE IEAN DAGAVLT, CURE DE Ste-GEMME-LE-ROBERT, ET NOMMEE CHARLOTTE PAR MESSIRE RENE DIORE, PRESTRE, ET PAR DAMOISELLE RENEE DAVID DE MAVBOARD PIERRE ASSELIN MA FAITTE.
  17. Les ermites cherchaient si peu l'isolement qu'ils s'étaient établis à Champleuri presque sur le trajet de la voie romaine, et qu'un autre ermitage situé à une lieue de là, en Jublains, s'en éloigne encore moins. Nous n'avons pas de textes pour attribuer aux mêmes ermites la chapelle romane de Chelé. Mais étant donné l'époque que lui assigne son style, aucune autre destination ne peut lui convenir. Les ermites seuls au XIe siècle créèrent, à distance des églises paroissiales, des chapelles pour les populations rurales.
  18. Hugues Peaudeloup, du consentement d'Alicie, sa femme, se donna à l'abbaye de Champagne qui possédait le patronage de l'église d'Hambers et lui concéda aussi les biens censifs qui lui appartenaient à Montaigu. Ceci se passait sous le règne de saint Louis, en 1239.
  19. Nouvelle fondation de l'ermitage de Montaigu en 1402 (Chartrier du Rocher de Mézangers). A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, nous Jehan de Landivy, chevalier, et dame Marguerite de la Macheferrière, espoux et conjoins par mariage ensemble, seigneur et dame de Mont Jehan et de Chiellé au pais du Maine, salut en Dieu. Comme il soit vray que de long et ancien [temps] non repputé le contraire il ait été et soit dit, et tenu notoirement et publiquement ès parties du pais du Maine et par espécial ès parties où est ung tertre appelé Montaigu, situé et assis en notre dite terre de Chiellé et subjet de nous en la baronnie de Sillé-le-Guillaume, que sur le hault dudit tertre avoit eu éminence et apparence de chapelle fondée de monseigneur saint Michel et que au jour de la feste de saint Michel et aultres moult de gens par dévotion et par forme de pèlerinage sont allés et vont par chacun jour et ont fait et font plusieurs oblations de deniers et aultres en l'honneur dudit saint Michel et pour le bien de leurs âmes, laquelle chapelle est de présent et de longtemps ruyneuse et desmolie. Ainsi comme avons eu et avons sus la vérité. Savoir faisons que nous bien certennés des choses dessusdites et de chacune d'icelles, bien disposez, délibérez et advisez en celui cas et aussi pour le bien et salut de nos âmes, de notre lignée et postérité directe et collatérale présente et avenir et pour participer au divin service que nous espérons qu'il soit fait au temps avenir audit lieu de Montaigu et pour estre accompaignés nous et nos hers et successeurs ès bienffaits en iceluy lieu à tous temps mais, nous conjoints dessusdits, d'une même volonté bien dispausée et ordonnée, avons donné et octroié et par ces présentes donnons et octroyons à Jehan Cochon, clerc désirant estre prestre, enquis suffisamment de la prodhommie, léalté et bonne foy qui est en iceluy meu en dévocion de édifier sur ledit tertre et mettre en état et réparacion, et posé que oncques en iceluy lieu n'eust eu aucune chapelle ne éminence d'icelle dudit saint, nonobstant ce nous donnons et octroyons audit Jehan congié et licence et faculté de édiffier ladite chapelle sur ledit tertre et pour édiffier icelle de prendre de la place sur iceluy tant comme bon lui semblera. Et aussi de prendre places pour édiffier maisons et habitacions pour la demeure de lui et autres habitans servant et faisant le divin service résidentement comme dit est à touz temps mais, pour la sustentation d'iceuz, oultre les choses que ladite chapelle et habitations comprendront, place et terre sur ledit tertre contenant troys cens pas de toutes les parts ès circuit desdits chapelle et herbergement ès quelles choses et fins et mètes d'icelles, eulx, leurs hers et successeurs pourront faire et faire faire toutes choses qui leur seront nécessaires comme de leurs propres choses tant en fait de labour que autrement en icelles choses contigues et adjacentes desdits chapelle et herbergement et prochaines d'iceux lieux de toutes parts. Lesquelles choses dessus dites et chacunes d’icelles, nous dessusdits amortissons et exemptons de toute notre juridiction et justice et seigneurie et de toute servitude rurale et coutume qui pour cause et occasion de notre dite terre de Chielé nous peut et doit appartenir. Et voullons et octroyons que iceux et leurs successeurs et chacun d'iceulx servant résidemment audit service en demeureront tant vers nous que nos hers et successeurs seigneurs de ladite terre francs, exemps et libres et les choses dessusdites en touz termes civils et autres sans que nous ne noz hers et successeurs y puissions faire au temps avenir aucun exploit de justice en aucun cas et les exemptons par ces présentes pour le temps avenir. Item voulons et octroyons que ledit Jean Cochon et aultres servans audit service comme dit est et leurs successeurs aient voays et chemins à aller et venir en icelui lieu, pour tous leurs successeurs par sur ladite terre et pareillement ceux qui par forme de pèlerinage et de dévocion viendront audit lieu. Item est notre dévocion et intencion que le lieu dessus dit soit fondé et soit par forme de pèlerinage et non autrement et à ce tenir ferme et estable promettons de bonne foy et obligeons nous [et] nos hers et promettons à jamais ne venir en contre au temps à venir et afin que ces présentes vaillent et demeurent à tous temps ferme et estable nous requérons à le garde des sceaux des contrats de la court du Bourgnouvel qu'il y mette et appose les dits sceaux. Ce fut fait et donné en la présence de notres amé et féal amy honorable et discret homme mestre Jehan Dallier, Guillaume Lambert notre procureur, Colin Godart notre receveur, Gervaise le Potier, Guillaume le Masson notre sergent, Gervaise Pelotte et plusieurs autres, le huitième jour du moys d'août l'an de grâce mil quatre cens et deux. Signé : CHEREL.
  20. L'initiative en appartint à Jean Cochon, alors simple clerc, mais que nous retrouverons prêtre d'ici peu. Le seigneur et la dame de Chelé lui accordèrent la permission de bâtir et lui en fournirent les moyens. Marguerite de la Macheferrière, née à la terre de ce nom en Astillé, femme en 1402 de Jean de Landivy et en 1406 de Guy de Laval-Loué, dame de Montjean, Chemeré, Chelé, etc., est célèbre par ses fondations pieuses. L'église de Clermont en possède un monument remarquable dans l'édicule artistique accolé à l'un des piliers et dont une longue inscription explique le motif et la signification.
  21. Le terrain concédé était maigre et ingrat, mais son étendue d'environ 25 hectares si on l'entend de la circonférence d'un rayon de 300 pas autour de la chapelle et de l'ermitage, permettait l'élevage d'un modeste bétail et assez de culture pour l'entretien des ermites. Une fontaine se trouvait comprise dans ce périmètre. La « dévotion et intention » des fondateurs était que le lieu de Montaigu fût fondé « par forme de pèlerinage. » Aussi donnaient-ils libéralement aux ermites et à ceux que la piété y amènerait « voays et chemins à aller et venir. »
  22. Le travail est d'un bon ouvrier, tant pour la préparation du plan que pour l'emploi des matériaux. Si le granit n'est pas taillé avec une finesse que sa nature ne permet pas d'obtenir, il l'est pourtant avec goût, en belles assises pour les murs, en blocs choisis pour les ouvertures et les contreforts. La chapelle a subi depuis des réfections, comme la porte de la côtière sud ; des retranchements, comme le pinacle remplacé à la pointe du pignon occidental par une simple baie, mais l'édifice a fait preuve d'une solidité qui atteste sa bonne façon, depuis cinq cents ans qu'il brave les pluies, les vents et les orages. Jean Cochon plaça son ermitage au nord de la chapelle, au lieu de l'abriter du côté du midi, peut-être afin d'être plus près de la source. La maison était solide elle aussi, avec un bon enclos de murs pour le jardin. Vers 1840, les derniers hôtes l'ont quittée ; elle s'est effondrée, mais on en voit encore sous les décombres les dimensions et la distribution.
  23. La chapelle de Montaigu en 1423. (Arch. de la Sarthe, fonds municipal, 835.) M. CCCC. XXII, die martis post Invocavit me. Dominus Johannes Cochon, presbyter de Hambertis, eo quod edificavit quamdam capellam in dicta parrochia sine licencia Domini et in ea celebrare procuravit, gagiavit emendam taxatam ad unum scutum.
  24. Le groupe traditionnel de l'Archange terrassant le démon était habilement sculpté dans un tronc d'arbre. « L'artiste, écrit M. Verger, a eu la bizarre idée de composer le personnage du démon de serpents entrelacés. » Il serait plus exact de dire que le diable avait des gueules béantes à toutes les articulations et une chevelure de serpents. Ce groupe, réduit en miettes par un coup de tonnerre, a été remplacé vers 1870 par un plâtre tout blanc qui ne se recommande que par sa taille.
  25. C'est de ce temps que datent aux maisons les portes en ogive ou plein cintre, à linteaux sculptés d'accolades, d'écussons, d'emblèmes, les fenêtres à meneaux, les cheminées monumentales à jambages, corbeaux, hottes ou manteaux de granit, ornés de moulures, rinceaux, chanfreins, écussons, têtes grimaçantes. Tous les villages en possèdent : Montaigu, outre un logis à porte ogivale, étage, double pignon et façade appareillée, montre aux plus modestes habitations des écussons frustes, des croix, calices et autres emblèmes religieux aux linteaux, aux cheminées ; Chelé, Étivau, Richebourg, Villeneuve, ont des constructions analogues : la Godmerrie, hissée jusqu'aux dernières sources de la Jouanne, offre dans la maison de ferme, où l'on monte par un large perron, un bon échantillon de solide et belle bâtisse.
  26. Pour l'abbé Angot, les maisons plus modernes sont l'indice, par leur absence de goût, d'ornement et de confort, de l'arrivée de nouveaux hôtes, dont la situation est plus précaire.
  27. Le 20 janvier 1672, le duc de Roquelaure, seigneur du Rocher et de Chelé, lui donna des lettres de provisions dont le frère se contenta d'abord. Mais comprenant que sa situation avait besoin d'être régularisée devant la juridiction ecclésiastique, il soumit à l'évêque du Mans, Louis de la Vergne, la lettre du duc de Roquelaure qui n'équivalait qu'à une simple présentation de bénéfice, et le prélat lui permit de prendre possession le 9 janvier 1674, « à condition de vivre conformément à sa profession, sous la direction du curé de la Chapelle-au-Riboul, et de recourir au curé d'Evron pour la réception des sacrements ». Henri-François de Foix de Candale, successeur du duc de Roquelaure, informé des bonnes vie et mœurs du frère Henri, le confirma dans la jouissance de l'ermitage. Le 21 mars 1679, le représentant du seigneur du Rocher installait un nouvel ermite, nommé Antoine Jourdain, en présence du curé de Mézangers, Jean Gresland de la Martinière.
  28. Arch. de la Mayenne, L 30, n° 322. — Lettre de l'administration centrale du département au ministre de la police, 24 floréal an VII (13 mai 1798), relatant qu'une « troupe de scélérats » s'est transportée au village de Montaigu et a fusillé le « citoyen Roger, maréchal, connu par ses principes, » après l'avoir tiré de sa maison par les cheveux et en lui criant : « Meurs, patau, pour tes crimes ! »

Source

  • Abbé Angot, « Montaigu », dans le Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, 1904, t. 20, p. 332-357. [1]

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Montaigu (Mayenne) de Wikipédia en français (auteurs)

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