Antoine Leonard Thomas

Antoine Leonard Thomas

Antoine Léonard Thomas

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Antoine Léonard Thomas, né le 1er octobre 1732 à Clermont-Ferrand et mort le 17 septembre 1785 à Oullins, est un poète et critique français, surtout renommé en son temps pour sa grande éloquence.

Sommaire

Sa vie et son œuvre

D’une fratrie de dix-huit enfants, Thomas fut amené, à l’âge de dix ans, à Paris. Il fit de solides études, au collège du Plessis où il eut des succès nombreux et brillants. D’abord employé chez un procureur, Thomas accepta, contre les vœux de sa famille, qui le destinait au barreau, un poste de professeur au collège de Beauvais ; c’était, pour lui, un moyen de se livrer plus librement au penchant qui l’entrainait vers les lettres.

Ami de Marmontel, Delille, Chamfort et Ducis, il fréquente les salons de Marie-Thérèse Geoffrin, Germaine de Staël et Julie de Lespinasse. Il se fait connaître en 1759 par un poème en quatre chants, Jumonville. Il compose ensuite plusieurs éloges de grands hommes et une Ode sur le temps qui lui apportent la renommée et lui ouvrent les portes de l’Académie française en 1766. De santé délicate, il quitte l’enseignement de bonne heure et devient secrétaire du duc de Praslin, alors ministre des affaires étrangères, puis il est nommé secrétaire-interprète des cantons suisses. Watelet lui offrit, afin qu’il pût s’abandonner plus librement à sa vocation littéraire, une pension de 1 200 francs que Thomas refusa, préférant compter sur lui et sa plume.

Parmi tous ses éloges, pour lesquels il remporte cinq fois le prix d’éloquence de l’Académie, celui du duc de Sully « eut un retentissement prodigieux. Les fermiers généraux se plaignirent, les courtisans murmurèrent : le parti philosophique adopta Thomas, et Grimm disait que « cet éloge méritait à lui seul plus de couronnes que les trois autres ensemble », en mêlant pourtant à sa louange quelques critiques fort justes contre ce qu’il appelle « la pompe puérile et pédantesque » de cette diction laborieuse[1]. »

Thomas écrivait lui-même au sujet de ce genre dans lequel il excellait : « Voulez-vous savoir ce que peut le sentiment de la gloire ? ôtez-la de dessus la terre ; tout change : le regard de l’homme n’anime plus l’homme ; il est seul dans la foule ; le passé n’est rien ; le présent se resserre ; l’avenir disparoît ; l’instant qui s’écoule périt éternellement, sans être d’aucune utilité pour l’instant qui doit suivre[2]. »

L’ironie du sort a voulu que son vers le plus connu, « Ô Temps, suspends ton vol », qui se trouve dans la dernière strophe de son Ode sur le temps, couronnée par le prix de poésie de l’Académie française en 1762, n’est demeuré célèbre que pour avoir été plagié soixante ans plus tard par Lamartine[3], alors même que le nom d’Antoine Léonard Thomas a été largement oublié.

Son Essai sur le caractère, les mœurs et l’esprit des femmes, qui paraît en 1772 et déclenche une polémique à laquelle participeront Diderot et Louise d'Épinay, garde cependant, selon Élisabeth Badinter[4], toute son actualité par les questions qu’il soulève. Thomas formule ainsi l’interrogation centrale de son essai : « Si aucune femme ne s’est mise à côté des hommes célèbres, est-ce la faute de l’éducation ou de la nature ? » Sans trancher nettement, sa réponse penche vers le traditionalisme. Thomas voit en la femme un être de nature foncièrement passive : « Peut-être leur imagination, quoique vive, ressemble-t-elle au miroir qui réfléchit tout, mais ne crée rien.[5] »

Ode sur le temps

Première et dernière strophes

Le compas d’Uranie a mesuré l’espace.
Ô Temps, être inconnu que l’âme seule embrasse,
Invisible torrent des siècles et des jours,
Tandis que ton pouvoir m’entraîne dans la tombe,
J’ose, avant que j’y tombe,
M’arrêter un moment pour contempler ton cours.

Ô Temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse ;
Que ma mère, longtemps témoin de ma tendresse,
Reçoive mes tributs de respect et d’amour ;
Et vous, Gloire, Vertu, déesses immortelles,
Que vos brillantes ailes
Sur mes cheveux blanchis se reposent un jour.

Éloge de Dugay-Trouin

Extrait

Duguay-Trouin s’avance, la victoire le suit. La ruse et l’audace, l’impétuosité de l’attaque et l’habileté de la manoeuvre, l’ont rendu maître du vaisseau commandant. Cependant, l’on combat de tous côtés; sur une vaste étendue de mer règne le carnage. On se mêle: les proues heurtent contre les proues; les manoeuvres sont entrelacées dans les manœuvres; les foudres se choquent et retentissent. Duguay-Trouin observe d’un œil tranquille la face du combat, pour porter des secours, réparer des défaites, ou achever des victoires. Il aperçoit un vaisseau armé de cent canons défendu par une armée entière. C’est là qu’il porte ses coups; il préfère à un triomphe facile l’honneur d’un combat dangereux. Deux fois il ose l’aborder, deux fois l’incendie qui s’allume dans le vaisseau ennemi l’oblige de s’écarter. Le Devonshire, semblable à un volcan allumé, tandis qu’il est consumé au dedans, vomit au dehors des feux encore plus terribles. Les Anglais d’une main lancent des flammes, de l’autre tâchent d’éteindre celles qui les environnent. Dugay-Trouin n’eût désiré les vaincre que pour les sauver. Ce fut un horrible spectacle pour un coeur tel que le sien, de voir ce vaisseau immense brûlé en pleine mer, la lueur de l’embrasement réfléchie au loin sur les flots, tant d’infortunés errants en furieux, ou palpitants immobiles au milieu des flammes, s’embrassant les uns les autres, ou se déchirant eux-mêmes, levant vers le Ciel des bras consumés, ou précipitant leurs corps fumants dans la mer; d’entendre le bruit de l’incendie, les hurlements des mourants, les voeux de la religion mêlés aux imprécations de la rage, jusqu’au moment terrible où le vaisseau s’enfonce, l’abîme se referme et tout disparaît. Puisse le génie de l’humanité mettre souvent de pareils tableaux devant les yeux des Rois qui ordonnent des guerres !

Notes et références

  1. Joseph-Marie Quérard, La France littéraire, XI (1826-1842)
  2. Préface de l’Essai sur les Éloges, paru pour la première fois à titre posthume en 1802.
  3. Méditations poétiques : Le Lac (1820)
  4. Qu’est-ce qu’une femme ? P.O.L., Paris, 1989. Préface d’Élisabeth Badinter. Réunit : Essai sur le caractère, les mœurs et l’esprit des femmes dans les différents siècles d’Antoine Léonard Thomas, Sur les femmes de Diderot et Lettre de Madame d’Épinay à l’abbé Galiani sur le livre de Thomas.
  5. Essai sur le caractère, les mœurs et l’esprit des femmes dans les différens siècles, p. 74 et 76 (1772)

Principales publications

Liens externes

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Wikisource propose un ou plusieurs textes écrits par Antoine Léonard Thomas.


Précédé par
Jacques Hardion
Fauteuil 30 de l’Académie française
1766-1785
Suivi par
Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert
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