Marc-Antoine Girard de Saint-Amant

Marc-Antoine Girard de Saint-Amant

Marc-Antoine Girard[1], sieur de Saint-Amant[2], né à Grand-Quevilly le 30 septembre 1594 et mort à Paris le 29 décembre 1661, est un poète libertin, militaire et diplomate français.

Sommaire

Sa vie

Fils d’un officier de marine, issu d’une famille de marchands protestants rouennais (négociants avec des armateurs), Marc-Antoine Girard, qui commanda pendant vingt-deux ans une escadre anglaise, n’apprit pas les langues anciennes mais, par une curiosité naturelle, il forma son intelligence dans la société de quelques hommes instruits et apprit l’espagnol, l’italien et l’anglais, tandis qu’il apprit le langage fleuri dès son enfance avec les galopins de Rouen.

Après des études médiocres, son père Antoine Girard le charge de s’occuper d’une verrerie à Rouen et aimerait qu’il lui succède. Saint-Amant n’étant pas intéressé, son père consent qu’il fasse un voyage initiatique à 18 ans sur un navire. De retour à 20 ans, son père accepte qu’il se rende à Paris pour faire une carrière littéraire : il y vit nourri et logé chez différents protecteurs (le Comte d’Harcourt, le duc de Retz).

Grand voyageur, il visita plusieurs pays d’Europe, l’Amérique du Nord, le Sénégal, les Indes, parlait plusieurs langues vivantes, s’intéressait à la musique, à la peinture, aux sciences, fréquentant aussi bien les jansénistes que les libertins (tel que Théophile de Viau), le salon des précieux de l’hôtel de Rambouillet, où il s’efforçait, sous le nom de Sapurnius, de mériter ses entrées par d’ingénieuses délicatesses, que de l’hôtel de Liancourt.

Durant sa jeunesse et son âge mûr, il hanta les cabarets avec de joyeux compagnons tels que Boisrobert, Nicolas Faret, Guillaume Colletet, Vion d’Alibray, etc. et c’est dans le bruit, la bonne chère et le vin[3] où il cherchait la plus joyeuse inspiration qu’il écrivait ses pièces bachiques, comme les Cabarets, la Chambre du débauché, la Crevaille, le Fromage, la Vigne, les Goinfres, d’une verve si joyeuse et d’un style si haut en couleur.

Il fut lié avec le Duc de Retz chez lequel il séjourne à Belle-Île en Bretagne, le Maréchal de Créquy et le Comte d’Harcourt, qu’il accompagna dans ses expéditions et ses ambassades grâce à sa bonne connaissance de l’anglais. C’est près de ce dernier qu’il se lia d’une amitié restée fameuse avec Faret, secrétaire des commandements du comte.

Nommé gentilhomme ordinaire de sa maison par la reine de Pologne, Marie-Louise de Gonzague, il alla résider deux ans à Varsovie. Il passa ses dernières années dans un calme modeste et même, si l’on en croit Boileau (Satire I), dans une grande gêne et mourut dans la misère et l’oubli[4].

Son œuvre

Saint-Amant passait, auprès des connaisseurs, pour la première muse de son temps. Toujours emporté par sa fougue et son caprice, cet écrivain très original, fantasque et capricieux a touché en maître toutes les cordes de la lyre poétique. Saint-Amant avait au plus haut degré le sentiment de la poésie, pas seulement dans les satires mais par des odes, des sonnets, voire par son Moïse sauvé (1653, in-4°), longue idylle héroïque, citée à tort comme une épopée, et que Boileau a si vivement attaquée dans son Art poétique. Le combat de Moïse et de l’Égyptien, le bain de la princesse Rermuth, la comparaison de la couleuvre et de l’oiseau, etc., sont des morceaux remarquables. Après l’avoir durement critiqué dans les Satires, Boileau finit par lui rendre plus de justice dans les Réflexions de Longin.

Outre le Moïse et les Œuvres poétiques (Paris ; 1629-1643-1649, 3 parties in-4°), parmi lesquelles Les Saisons consacrées à quatre paysages naturels, Saint-Amant a publié : Rome ridicule, petit poème burlesque (1643, in-4°) ; Stances sur la grossesse de la reine de Pologne (1650, in-4°) ; Stances à M. Corneille sur son Imitation de Jésus-Christ (1656, in-4°) ; la Génération (1658, in-4°).

Refusant de se plier aux règles édictées par Malherbe, il sombra dans l’oubli, après 1650, avec le triomphe du goût classique, avant d’être redécouvert au XIXe siècle, ce poète original est, depuis, considéré comme l’un des esprits les plus modernes de son siècle. Il inaugura le style qualifié de « burlesque ». Le succès obtenu par son ode sur la Solitude rédigée en 1619 (suite à un séjour à Belle-Ile qui lui révèle des paysages tourmentés) fut tel qu’elle fut imitée, imprimée et traduite. Le reste de son œuvre se démarque clairement de la tradition académique. Le vocabulaire, le rythme et les images de ses poésies baroques comme les Saisons et les Visions, burlesques comme le Passage de Gibraltar et la Rome comique, ou épiques comme le Moïse sauvé brillent d’un éclat baroque.

Élu, dès sa création en 1634, membre de l’Académie française sous l’impulsion de Faret qui l’invite à le suivre et, bien que celle-ci ne fût fondée sous l’impulsion de Richelieu qu’un an plus tard, il y est peu assidu[5] et est donc appelé à travailler à la partie « comique » du dictionnaire (mots burlesques et grotesques).

L’édition complète de ses Œuvres donnée par Livet dans la Bibliothèque elzévirienne (Paris, 1855, 2 vol. in-16) a été réimprimée par Kraus Reprint (Nendeln, 1972).

Voici son poème le plus célèbre, Le Paresseux, publié en 1631 dans ses Œuvres Poétiques"

                                         Le Paresseux

                             Accablé de paresse et de mélancolie,
                             Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
                             Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
                             Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

                             Là, sans me soucier des guerres d’Italie,
                             Du comte Palatin, ni de sa royauté,
                             Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
                             Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

                             Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
                             Que je crois que les biens me viendront en dormant,
                             Puisque je vois déjà s’en enfler ma bedaine,

                             Et hais tant le travail, que, les yeux entr’ouverts,
                             Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
                             Ai-je pu me résoudre à t’écrire ces vers.

Œuvres

  • Œuvres, Paris, Didier, 1967-1971.

Notes et références

  1. Parfois il signe Gérard.
  2. Saint-Amant est le nom de plume qu’il s’invente.
  3. Il se surnomme « le bon gros Saint-Amant » tandis que ses confrères de l’Académie française l’appellent « le buveur académique ».
  4. Boileau, théoricien de l’esthétique classique et opposé à ce débauché, le traite de « fou » et de « goinfre »
  5. Il a d’ailleurs la particularité de n’avoir pas fait de discours de réception à son admission.

Bibliographie

  • Kilien Stengel, Les poètes de la bonne chère, Anthologie de poésie gastronomique, Collection Petite Vermillon Éditions de la Table ronde (groupe Gallimard), 2008. (ISBN 2710330733).
  • Jacques Bailbé, Saint-Amant et la Normandie littéraire, Paris, Champion, 1995.
  • Paul Durand-Lapie, Un Académicien du XVIIe siècle : Saint-Amant, son temps, sa vie, ses poésies, 1594-1661, Genève, Slatkine Reprints, 1970.
  • Jean Lagny, Le Poète Saint-Amant, 1594-1661 ; essai sur sa vie et ses œuvres, Paris, A.G. Nizet, 1964.
  • Guillaume Peureux, Le Rendez-vous des enfans sans soucy : la poétique de Saint-Amant, Paris, Champion, 2002 ISBN 9782745305299.
  • Claude Le Roy, Ce bon monsieur de Saint-Amant, biographie, deuxième d’une tétralogie "les poètes de rime et d’épée", Ed. H&D, 2010, ISBN 978-2-9142-6620-8.

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