Lucy Schwob

Lucy Schwob

Claude Cahun

Tombeau de Lucy Schwob (Claude Cahun) et Suzanne Malherbe, Saint-Brélade, Jersey

Claude Cahun, née Lucy Schwob, à Nantes, le 25 octobre 1894 et morte à Saint-Hélier, Jersey, le 8 décembre 1954, était une photographe et écrivaine française.
Elle était la nièce de l'écrivain Marcel Schwob et la petite-nièce de Léon Cahun.

Sommaire

Biographie

Née au sein d'une famille riche - son père, Maurice Schwob, est le propriétaire, directeur et rédacteur du journal "Le Phare de la Loire", acheté précédemment par le grand-père de Claude, George Schwob - elle connaît cependant une petite enfance malheureuse à cause de sa mère, Mary-Antoinette Courbebaisse, qui sombre dans la folie.

En 1909, elle rencontre Suzanne Malherbe pour qui elle a un coup de foudre. En 1917, elles deviennent "sœurs par alliance" en raison du remariage de Maurice Schwob avec la mère de Suzanne. Peintre, graveur et collagiste, Suzanne prend le pseudonyme de Marcel Moore et sera la fidèle compagne de Claude Cahun jusqu'à la mort de cette dernière.

En 1914, le Mercure de France publie les premiers textes de Lucy Schwob sous le nom de Claude Courlis puis Claude Cahun (vers 1917).

Elle s'installe à Paris au début des années 1920 avec Suzanne.

En 1925, paraît un article « Les Héroïnes » (Mercure de France).

En 1928, elle rejoint "le Plateau", théâtre animé par Pierre Albert-Birot. Elle rencontre Henri Michaux, Pierre Morhange et Robert Desnos.

En 1929, elle collabore à la revue "Bifur" qui publie (Bifur 5) une de ses photographies et se lie d'amitié avec l'écrivain Georges Ribemont-Dessaignes.

En 1930, paraît un texte autobiographique « Aveux non avenus » (Éditions du Carrefour), illustré de photomontages[1].

« Je sens comme si je les voyais, mes cuisses maigrir d'une sueur de fièvre, douche parfois brûlante, parfois glacée, toujours inattendue. Mes genoux vidés, les os dissous, vêtu d'un parchemin lucide, se gonflent, flottante vessies de porc. Mon cœur alenti sonne un glas funèbre, puis bat bruyamment comme un tocsin. Il devient mobile, se promène dans mon ventre, y éclate en coliques profondes. À chaque secousse, une conscience tombe, pulvérisée. Peu à peu, je m'allège. Bref répit ! Mon cœur se gonfle outrageusement et s'emplit d'hydrogène. Gros ballon rouge et bleu, il monte au bout d'un fil.
À l'autre bout, c'est une guêpe enfermée, qui frappe à coups venimeux aux parois de ma poitrine. Si je l'aidais à sortir ? Et mes ongles sans hésiter pratiqueraient un jour qui guide l'échappée de ce cœur s'il ne faisait dehors désespéremment noir.
Ô nocturne sans issue qui se joue dans les cercles de la nuit musicale, infernal serpent qui s'est décapité en avalant sa queue, bracelet aux sept chaînes hermétiques... »
[2]

En 1932, elle et Suzanne adhèrent à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR)[3]. Claude Cahun rencontre André Breton et René Crevel et fréquente le groupe surréaliste.

En 1934, elle fait paraître un tract « Les Paris sont ouverts » (éditions José Corti) dans lequel elle dénonce la position de Louis Aragon[4].

En 1935, aux côtés de Breton et de Georges Bataille, elle participe au groupe (éphémère) "Contre Attaque".

En 1936, elle expose à la première "Exposition surréaliste d'objets"[5] (Galerie Charles Ratton à Paris, du 22 au 29 mai) et, à Londres, à l'"International Surrealist Exhibition" (New Burlington Galleries).

En 1937, elle illustre de vingt photographies le poème de Lise Deharme « Le Cœur à pic » (José Corti). Cette même année, Claude Cahun et Suzanne Malherbe s'installent à Jersey.

Entre 1940 et 1944, durant la Seconde Guerre mondiale, elles participent à la Résistance, sont arrêtées par la Gestapo, isolées pendant trois mois, jugées et condamnées à mort, puis finalement grâciées et libérées en 1945. Pendant toute la guerre, Claude Cahun a tenu un carnet de note, le « Scrap-book ».

Affectée par les années de guerre, la santé de Claude Cahun se dégrade. En 1953, elle tente de renouer des liens avec ses amis surréalistes : Breton, Meret Oppenheim, Benjamin Péret, Toyen, pense à s'installer à Paris, y cherche un logement, mais finalement elle rentre à Jersey.

Son œuvre

Très intimiste, poétique et largement autobiographique, son œuvre, en particulier photographique, est très personnelle et échappe aux tentatives de classification ou de rapprochement.

Son appartenance au mouvement surréaliste est dépassée par une inspiration très baudelairienne et la quête d'un mythe personnel. Elle ne cherche ni à provoquer, ni à « faire spectaculaire ». C'est elle-même qu'elle cherche, dans un jeu de miroirs et de métamorphoses permanent, entre fascination et répulsion dans une œuvre en grande partie composée d'autoportraits.

De son goût pour le théâtre, elle tire une véritable passion de la mise en scène, d'elle-même comme des objets. Elle préfigure par ses installations des photographes contemporains comme Alain Flescher ou des plasticiens comme Christian Boltanski.

Son autobiographie par l'image fait une large place, bien sûr, à l'identité sexuelle : elle aspirait à être d'un « troisième genre », indéfinie, à la lisière de l'homosexualité, de la bisexualité et de l'androgynie.

Lorsqu'il ne s'agit pas d'elle-même, elle tourne l'objectif vers ses partenaires féminins et masculins pour de tendres portaits : Suzanne Malherbe, Sylvia Beach, Henri Michaux, Robert Desnos.

Claude Cahun construit une œuvre discrète et sensible, peu connue de son temps. Ses poèmes visuels (Le cœur de Pic, Aveux non avenus) constituent un travail très original, unique en son genre, dont diffusion fut très restreinte.

Il faudra sans doute attendre les travaux de Man Ray, qu'elle connaissait, et surtout de Bellmer pour que ce type d'ouvrage rencontre le public. Elle n'est véritablement reconnue qu'à partir de 1992.

L'artiste redécouverte

Autant elle est passée inaperçue à son époque, sans doute pénalisée par sa trop grande indépendance et liberté, mais aussi par son caractère « touche à tout », à la fois écrivain, femme de théâtre, plasticienne et photographe, autant ces mêmes particularités en ont fait récemment une figure emblématique, à la limite de la récupération.

Certains couturiers en quête de liberté un rien provocatrice iront jusqu'à placer leur collection sous son « inspiration ». D'autres en feront une figure de l'émancipation féminine.

Depuis 1992, de grands musées du monde entier (Musée national d'art moderne de Paris, Institute of Contemporary Arts et Tate Modern de Londres, Grey Art Gallery de New York) ont consacré des rétrospectives à son œuvre d'une remarquable qualité et sensibilité.

C'est en partie volontairement que Claude Cahun s'est tenue à l'écart tout en participant activement à des actions pour l'émancipation des mœurs, pour le progrès social ou la lutte anti-nazie. Son parcours artistique était surtout son précieux jardin secret qu'elle revendiquait comme son « aventure invisible ». Toutefois, une partie non négligeable de son œuvre a été perdue, notamment à la suite de son arrestation sur l'île de Jersey par la Gestapo en 1944.

Œuvres

textes
  • « La Salomé d'Oscar Wilde » et « Le Procès Billing et les 47000 pervertis du Livre Noir », "Mercure de France" n°481, 1er juillet 1918
  • « Les Héroïnes », 1925
  • « Aveux non avenus », 1930
  • « Les Paris sont ouverts », tract, 1934
  • « Prenez garde aux objets domestiques », "Cahiers d'art, 1936
  • « Scrap-book », 1940-1945
photographies

Bibliographie

  • Claude Cahun, Photographe (Paris: Jean Michel Place, 1995)
  • Claude Cahun - introduction de François Leperlier, Actes Sud collection Photo poche, 1999 (ISBN 9782097541369)
  • Claude Cahun, Ecrits (Paris: Jean Michel Place, 2002) (ISBN 2858936161)
  • Georgiana Colvile « Scandaleusement d'elles. Trente-quatre femmes surréalistes », édition Jean-Michel Place, Paris 1999, pages 48 à 59 (ISBN 2858934967)
  • François Leperlier, Claude Cahun : l’exotisme intérieur, Paris, Fayard, 2006 (une remarquable biographie)
  • Andrea Oberhuber (dir.), Claude Cahun : contexte, posture, filiation. Pour une esthétique de l’entre-deux, Montréal, Université de Montréal, Département des littératures de langue française, collection « Paragraphes », 2007.
  • Andrea Oberhuber, « Claude Cahun, Marcel Moore, Lise Deharme and the Surrealist Book », History of photography, Taylor & Francis, London, 2007, vol. 31, no 1, pp. 40-56.
  • (en) Don't kiss me. The art of Claude Cahun & Marcel Moore, Aperture, 2006 (ISBN 1597110256)

Expositions

Certaines de ses œuvres sont visibles :

Article connexe

Place des femmes dans l'art Époque contemporaine - XXe siècle

Liens externes

  1. Claude Cahun Home Page
  2. Claude Cahun - Interdit.net
  3. Article sur la nouvelle biographie de Claude Cahun par François Leperlier, publiée aux éditions Fayard en mai 2006
  4. Claude Cahun dans l'anthologie permanente du blog Poezibao
  5. Créer à la proue de soi-même de Mireille Calle-Gruber et Les impossibles autoportraits de Claude Cahun de Yi-lin Lai, sur l'oeuvre photographique de Claude Cahun, revue Sens Public

Notes et références

  1. a  et b Colvile, page 51
  2. Colvile, page 56
  3. Association conçue par André Breton et André Thirion mais effectivement constitué sous l'égide du Parti communiste français.
  4. Ce dernier quitte le mouvement surréaliste pour se fondre dans la doctrine du parti communiste français.
  5. Colvile, page 50
  6. Colvile, page 49
  7. Colvile, page 52
  8. Colvile, page 53
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