Lucius Quinctius Cincinnatus

Lucius Quinctius Cincinnatus
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D’une main il rend les faisceaux du pouvoir, de l’autre il tient sa charrue (Statue de Cincinnatus à Cincinnati)

Lucius Quinctius Cincinnatus (v.520 / v.430 av. J.-C.) est un consul romain en 460 av. J.-C. et dictateur à deux reprises en 458 et en 439 av. J.-C., fervent opposant à la plèbe et figure semi-légendaire. Il reçoit ce cognomen parce qu’il bouclait ses cheveux[1]. Il est peut-être le frère de Titus Quinctius Capitolinus Barbatus, six fois consul en 471, 468, 465, 446, 443 et 439 av. J.-C.

Sommaire

Procès de Céson Quinctius (461)

Sa première apparition dans l'histoire est lors du procès de son fils Lucius Quinctius Caeso (dit Céson Quinctius). Les tribuns de la plèbe souhaitent faire voter le projet de la Lex Terentilia, qui limiterait le pouvoir des consuls. Les patriciens, opposés à ce projet, sont menés par un jeune homme extrêmement brillant en tout point mais intrépide selon Tite-Live, Céson Quinctius, fils de Lucius Quinctius Cincinnatus, auquel s'oppose un des tribuns, Aulus Verginius. Ce dernier déclare que si le peuple veut que la loi soit votée, Céson Quinctius ne doit plus être un obstacle, et il le met en accusation[2]. Nombre d'anciens consuls font l'éloge du jeune homme, rappellent ses nombreux exploits malgré son jeune âge, mais le peuple, encouragé par Aulus Verginius, associe l'idée de liberté à celle de condamner le jeune patricien[3]. Lors du procès, un tribun de la plèbe, Marcus Volscius Fictor, porte une accusation décisive, sur des faits remontant à plusieurs années, et l'accusé est condamné, malgré l'effort des patriciens. Il s'exilera chez les Étrusques avant la fin du procès, évitant la peine, mais obligeant son père à vivre reclus pour payer l'amende[4].

Selon Aurelius Victor, ce serait Lucius Quinctius lui-même qui aurait « chassé de sa famille son fils Céson, à cause de la violence de son caractère ; ce jeune homme, également notés par les censeurs, se réfugia chez les Volsques et les Sabins, qui, sous les ordres de Claelius Gracchus, faisaient la guerre aux Romains »[5].

Consulat suffect (460)

Suite à la prise du Capitole par une armée d'esclaves et d'exilés, avec à leur tête le Sabin Appius Herdonius, et à la mort du consul Publius Valerius Publicola[6], il est élu consul suffect au côté de Caius Claudius Sabinus Regillensis. Ennemi des tribuns de la plèbe réélus sans cesse, il s'oppose violemment à ces derniers, critiquant aussi son ordre pour son oisiveté, et un bras de fer commence[7]. Finalement, des senatus consulte sont votés d'un accord commun : « les tribuns ne présenteraient point leur loi cette année, et que les consuls n'emmèneraient point l'armée hors des murs. À l'avenir, maintenir les magistrats dans leurs charges, réélire les mêmes tribuns serait, au jugement du Sénat, une atteinte à la République. » Mais les mêmes tribuns sont réélus, et les patriciens veulent alors nommer Lucius Quinctius Cincinnatus au consulat pour faire face. Ce dernier refuse, décrétant avec son collègue « qu'aucun citoyen ne doit porter Lucius Quinctius au consulat ; si quelqu'un le fait, on annulera son suffrage » respectant ainsi les senatus consulte[8], et ce sont Quintus Fabius Vibulanus pour la troisième fois et Lucius Cornelius Maluginensis Uritus Cossus qui sont élus consuls, la lutte autour du projet de la Lex Terentilia continuant[9].

Première dictature (458)

Rome fait toujours face à une crise interne autour du projet de la lex Terentilia. Les consuls s'opposent à la réunion des comices tributes, tandis que les tribuns de la plèbe empêchent le procès de Marcus Volscius Fictor, cause de l'exil de Céson Quinctius. Une nouvelle guerre est déclarée par les Èques, rompant les traités de paix. Les tribuns de la plèbe s'opposent une nouvelle fois à la mobilisation, avec quelques succès[10] jusqu'à ce que les Sabins menacent Rome directement, et le peuple prend les armes. Le consul Caius Nautius Rutilus est envoyé contre les Sabins, mène une campagne éclair et ravage leur territoire. Son collègue Lucius Minucius Esquilinus Augurinus est quant à lui pris de court, et se retrouve assiégé par les Èques. Nautius Rutilus est rappelé à Rome mais on préfère nommer un dictateur[11].

Selon la tradition, Cincinnatus se consacre à la culture de ses terres quand les sénateurs viennent le supplier d’accepter le commandement suprême. Il sait que son départ risquait d’appauvrir sa famille, déjà ruinée à la suite du procès de son fils, si en son absence les récoltes n’étaient pas assurées. Néanmoins, il accepte et en seize jours, il libère le consul assiégé, bat les Èques à la bataille du mont Algide[12], célèbre un triomphe, condamne Marcus Volscius Fictor et abdique[13],[14],[15],[1]. Sa restitution du pouvoir absolu dès la fin de la crise devint un exemple de bon commandement, de dévouement au bien public et de vertu de modestie.

Cet épisode est aussi relaté par Aurelius Victor : « les envoyés du sénat le trouvèrent nu et labourant au-delà du Tibre : il prit aussitôt les insignes de sa dignité, et délivra le consul investi. Aussi Minucius et ses légions lui donnèrent-ils une couronne d'or et une couronne obsidionale. Il vainquit les ennemis, reçut la soumission de leur chef, et le fit marcher devant son char, le jour de son triomphe. Il déposa la dictature seize jours après l'avoir acceptée, et retourna cultiver son champ »[5].

Entre les deux dictatures

C'est un possible consul de 457 av. J.-C., avec Marcus Fabius Vibulanus[16], en lieu et place de Caius Horatius Pulvillus et Quintus Minucius Esquilinus Augurinus, selon Diodore de Sicile.

Tite-Live ne fait qu'une seule fois mention de Lucius Quinctius Cincinnatus jusqu'à sa deuxième dictature, pour signaler que, comme l'autre illustre membre de la gens Quinctia, qui est peut-être son frère, Titus Quinctius Capitolinus Barbatus, ils sont écartés lors du choix des membres du décemvirat[17].

En 444 av. J.-C., par la Lex Canuleia, l'interdiction de mariage entre plébéien et patricien est supprimée. Le tribun de la plèbe Caius Canuleius, fort de cette victoire, en profite pour proposer de nouveau une loi accordant aux plébéiens l'accès au consulat, et empêche toute mobilisation des armées tant que la loi n'est pas votée. Soit les patriciens cèdent cette loi aux plébéiens, et ils peuvent lever une armée pour faire face aux ennemis de Rome, soit ils les laissent ravager le territoire de la République. Au Sénat, les débats font rages, et certains proposent d'armer les consuls contre les tribuns de la plèbe. Les deux illustres membres de la gens Quinctia, Titus Quinctius Capitolinus Barbatus et Lucius Quinctius Cincinnatus s'opposent à ce qu'on verse du sang, et une proposition intermédiaire est trouvée : la création des tribuns militaires à pouvoir consulaire, patricien ou plébéien, remplaçant les consuls qui sont toujours choisis parmi les patriciens, certaines années selon les circonstances, ce qui satisfait les tribuns de la plèbe[18].

Deuxième dictature (439)

Il se laisse tirer de sa retraite une seconde fois par celui qui est peut-être son frère, tout du moins de sa famille, le consul pour la sixième fois Titus Quinctius Capitolinus Barbatus, pour exercer de nouveau la dictature en 439 pour mater une révolte de la plèbe et condamner Spurius Maelius, riche plébéien qui achète, avec sa fortune, du blé pour nourrir la population. Sa popularité devient telle qu'il aurait aspiré à la royauté. Les consuls, devant cette menace, nomment un dictateur, qui n'a pas à répondre de ses actes et peut donc faire face comme il le souhaite à la situation, contrairement aux deux consuls, tenus par les lois. C'est donc Lucius Quinctius Cincinnatus, plus qu'octogénaire, qui est nommé[19]. Son maître de cavalerie, Gaius Servilius Ahala, assassine Spurius Maelius[20], avec la bénédiction du dictateur, qui ordonne qu'on rase sa maison[21],[22], dont l'emplacement qu'elle a occupé reçoit le nom d'Equimelium[5].

Il meurt avant Titus Quinctius Capitolinus Barbatus à près de 90 ans, vraisemblablement vers 430 av. J.-C.

Commentaires

Il est possible que Cincinnatus ait été un dictateur tusculan, la famille des Quinctii étant d’origine latine. Plus tard, les historiens romains annexeront à l’histoire de Rome les événements et les hommes des conflits de l’époque, qui n’avaient d’ailleurs que la dimension de razzias saisonnières.[réf. nécessaire]

Beaucoup d'Américains rapprochent Cincinnatus de George Washington, d'où le nom de la ville de Cincinnati. La Société des Cincinnati fut fondée par Washington le 13 mai 1783 ; elle était destinée à réunir ceux qui s'étaient distingués pendant la Guerre d'indépendance des États-Unis, Américains ou Français. La médaille que portent les membres de la Société représente, dans le médaillon central, Cincinnatus à sa charrue.

Famille et magistratures

L'année suivant sa dernière dictature, un de ses fils, Lucius Quinctius Cincinnatus, devient tribun militaire à pouvoir consulaire une première fois. L'année suivante, il est maître de cavalerie sous les ordres du dictateur Marcus Aemilius Mamercinus. Il sera à nouveau tribun militaire à pouvoir consulaire, par deux fois, en 425 et 420 av. J.-C. Un autre de ses fils, Titus Quinctius Poenus Cincinnatus, deviendra consul deux fois, et une fois tribun consulaire, à la même époque que son frère. Il sera aussi accusé de mauvaise conduite de la guerre mais serait acquitté en souvenir de son père et de son oncle.

Bibliographie

Notes et références

  1. a et b Dion Cassius, Histoire romaine, Livre V, Frag. XLIX
  2. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 11
  3. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 12
  4. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 13
  5. a, b et c Aurelius Victor, Hommes illustres de la ville de Rome, XVII. L. Quinctius Cincinnatus
  6. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 15-18
  7. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 19-20
  8. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 21
  9. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 22
  10. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 25
  11. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 26
  12. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 28
  13. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 29
  14. Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, Livre I, 11
  15. Eutrope, Abrégé de l'Histoire romaine, Livre I, 16
  16. Diodore de Sicile, Histoire universelle, Livre XII, 2
  17. Tite-Live, Histoire romaine, Livre III, 35
  18. Tite-Live, Histoire romaine, Livre IV, 6
  19. Tite-Live, Histoire romaine, Livre IV, 13
  20. Tite-Live, Histoire romaine, Livre IV, 14
  21. Tite-Live, Histoire romaine, Livre IV, 15
  22. Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, Livre I, 26
  23. Tite-Live, Histoire romaine, III, 25
  24. Chronographe de 354, Liste des consuls Il se pourrait qu'un certain Carve(tus) soit élu au consulat mais décède avant le début de son mandat, et Minucius est alors élu suffect et commence l'année au côté de Nautius
  25. Tite-Live, Histoire romaine, III, 30
  26. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XII, 2

Voir aussi

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