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Histoire des techniques

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L’histoire des techniques est l’étude de toutes les réalisations techniques de l’Homme, de leur contexte d’apparition comme de leur impact sur la société.

C'est un sujet d'étude assez récent, qui s'est principalement développé après la seconde guerre mondiale. En France, les études les plus importantes sont dues à Maurice Daumas et Bertrand Gille qui ont avancé des thèses très différentes sur les progrès des techniques au cours de l'histoire humaine.[1]

La lecture la plus courante de cette histoire est que les progrès techniques répondent à des necessités économiques, militaires ou sociales, et sont personnalisés par des intentions et des projets individuels. Leurs histoires au cours des âges sont donc étroitements liées aux évolutions des diverses civilisations humaines.[1]

Jusqu'au XVIIIe siècle, les progrès techniques ont précédé les progrès scientifiques, le XIXe siècle a été une période de grandes innovations accompagnant la révolution industrielle, et l'occasion d'un rapprochement entre techniques et sciences, et depuis le milieu du XXe siècle progrès techniques et scientifiques sont intimement liés.[1]

Sommaire

Chronologie

Il n'est pas possible de dater avec précision les différentes inventions et évolutions techniques : mis à part le manque de documents ou d'éléments matériels, tout progrès marquant est le résultat de progrès techniques considérés comme mineurs, souvent avec des périodes de stagnations ou des progrès graduels, et des études détaillées, au cas par cas, montreraient que ces étapes sont indispensables aux réalisations majeures.[1]

Certains auteurs défendent les idées que l'évolution des techniques est cumulative et que la vitesse d'évolution augmente de manière exponentielle au cours de l'histoire (on parle de « l'accélération du progrès scientifique et technique »). Ils s'appuient notamment sur la nécessité d'utiliser une échelle de temps logarithmique pour rendre lisible toute frise ou tableau répertoriant les différents progrès techniques depuis les origines[2].

D'autres auteurs défendent cette idée d'accélération en se référant qu'à quelques « grandes » innovations techniques et en considérant la moyenne entre « la constatation des possibilités techniques de la découverte et le début du développement commercial du produit qui en a découlé » dans une période récente :[3]

Période considérée Délai de réponse à l'innovation
1885-1919 30 ans
1920-1944 16 ans
1945-1964 9 ans

Quelques généralités

L'économie et le militaire comme principaux commanditaires

Karl Marx a écrit que « le savoir social est devenu une force de production directe » et que « le capital » en définit l'usage.[1] Sans prendre comme un dogme cette idée, l'histoire des techniques montre que les inventions individuelles sont toujours tributaires du contexte social et économique, et que leur devenir l'est encore plus. De brillantes innovations n'ont pas eu de suite pour cause de désintérêt, d'inutilité dans la suite de l'histoire de la société où elles sont nées.

Exemples 
Héron d'Alexandrie, héritier d'une grande tradition de mécaniciens grecs, a développé des mécanismes d'automates à des fins d'amusements publics ou de commandes par des temples religieux voulant faire forte impression sur leur public. Il a réalisé des mécanismes assimilables à la machine à vapeur, des mécanismes hydrauliques, associés à de l'autorégulation, des engrenages d'une grande sophistication, en utilisant les propriétés de la compressibilité de l'air et de l'incompressibilité de l'eau, allant jusqu'à permettre une programmation des mouvements réalisés par ses machineries sur la scène du spectacle. Tout cela ne sera que vaguement gardé en mémoire, comme objets de curiosités. En occident, à partir de la renaissance, et surtout du XVIIIe siècle, tout début de l'industrialisation, ses travaux seront utilisés ou ré-inventés, et grandement améliorés. Par contre, les mécanismes de l'art militaire grec, auxquels Héron d'Alexandrie n'apportera aucune innovation réalisable, trouveront immédiatement d'attentifs continuateurs, à commencer par la Rome antique.[2]
Le développement du moulin, à eau ou à vent, ne se comprend qu'avec son importance économique. L'utilisation en a été longtemps limitée au broyage des grains en Occident, alors qu'en Chine il a été très tôt utilisé comme moyen de transformer l'énergie hydraulique en énergie mécanique pour toutes sortes d'usages (notamment pour activer les soufflets des hauts fourneaux) grâce à la connaissance du système bielle-manivelle dès le premier siècle de notre ère.[2]
Au Moyen Âge, les universités sont dirigées par des ordres religieux, ont un rôle très idéologique et sont -presque- complètement détachées des progrès techniques réalisées hors de leurs murs par la bourgeoisie marchande puis pré-industrielle.[1]

L'État : organisateur et bénéficiaire

De nombreuses observations de civilisations semblent indiquer que leur État a joué un rôle moteur dans l'épanouissement des techniques. En Égypte antique, en Mésopotamie et dans la Rome antique, par exemple, les canaux d'irrigations pour l'agriculture, les aqueducs pour l'approvisionnement des villes, les routes ont été édifiés par ces États.[2] De manière plus générale, si toute activité technique (et scientifique) dérive d'une pratique sociale, les rapports entre les pouvoirs centraux forts et les progrès techniques sont complexes et leur analyse est considérée comme difficile.[1]

L'Empire romain disposait, par ses conquêtes, d'accès aux meilleures compétences dans un domaine donné (les forgerons celtes, entre autres), d'un grand nombre de gisements de minerais divers, de moyens de combustion, et a édifié de nombreuses voies qui ont facilité les déplacements de matériaux, et l'administration romaine a permis de gérer au mieux ces différents avantages.[2]
De nombreux souverains, des califes aux princes d'Europe ou d'Asie, ont financé la construction et la gestion d'observatoires astronomiques, favorisant ainsi certaines orientations dans les préoccupations techniques et scientifiques : les visées étaient en général religieuses, et agricoles (établissement de calendriers), mais concernaient aussi l'orientation des voyageurs à partir de l'observation du ciel étoilé et donc une meilleure gestion de l'espace géographique.[1]
L'État français a développé les chemins de fer et amélioré la qualité des routes, au XIXe siècle, ce qui a favorisé les échanges extra-régionaux, et l'unification linguistique du pays (toutefois, il semble que l'école républicaine et la démocratisation des institutions, à la fin du XIXe siècle, aient été au moins aussi déterminantes)[4]
Dans l'Europe pré-industrielle, l'invention de la propriété intellectuelle, par le biais du brevet, est une manière de favoriser les progrès techniques et leur rentabilité.[réf. nécessaire]

Les objets et techniques évoluent suivant des lignées

Les créations ex nihilo existent mais sont rarissimes. Un objet, outil ou machine est le fruit d'une maturation plus ou moins lente et de recherches parallèles sur la base d'une culture existante où les innovations sont successives, progressives et cumulatives autour d'objets de même type ayant les mêmes fonctions et le même type de fonctionnement.[2]

Exemples 
L'évolution de la taille de la pierre, du galet taillé il y a deux à trois millions d'années jusqu'au complexe levalloisien il y a quarante mille ans, montre une maîtrise lente, par tâtonnements, des méthodes du débitage qui s'appuie toujours sur les acquis antérieurs.[2]
La métallurgie est née, vers le IVe millénaire avant notre ère, dans des civilisations ayant au préalable développé la poterie, donc ayant déjà une bonne pratique des fours, et les premiers métaux ont été d'abord utilisés pour faire des bijoux. L'amélioration des fours, la pratique de la fabrication de ces bijoux ont permis de mieux maîtriser ces matériaux et d'envisager leur utilisation à d'autres fins.[2]
La révolution industrielle est le fruit d'une lente évolution. Elle a commencé au XVIIe siècle avec la mécanisation croissante des moulins hydrauliques, l'invention et le perfectionnement des métiers à tisser et à filer, au départ à partir des exemples des automates.[2] Parallèlement, depuis le XVIIe siècle, la recherche d'une source importante d'énergie pour pouvoir drainer les eaux s'infiltrant dans les mines de charbon a accentué l'intérêt pour les premières machines à vapeur (efficaces à partir du début du XVIIIe siècle) qui permettront, à la toute fin du XVIIIe siècle, d'affranchir les installations mécanisées des contraintes de l'énergie hydraulique.[2],[5]
L'ordinateur, dont rien ne nous dit que son évolution soit finie, a émergé très lentement, puis à vitesse croissante, depuis la pascaline jusqu'à l'utilisation des microprocesseurs, mais toujours par améliorations successives en utilisant les progrès techniques réalisés récemment par différentes industries.[réf. nécessaire]

Mutations ou révolutions ?

Le principal point de divergence entre Maurice Daumas et Bertrand Gille est dans l'analyse des transitions techniques observées dans diverses civilisations.[1]

Maurice Daumas affirma que « si on considère l'histoire des techniques à l'échelle de l'histoire de l'homme, et pas seulement de certaines civilisations, on ne décèle jamais une évolution régressive des techniques » et que « depuis l'origine de l'humanité, le progrès des techniques s'est poursuivi de façon régulière, à peu près sans faille », et il voyait les changements importants dans une civilisation comme des « mutations ».[1]

Bertrand Gille, se focalisant sur les études des techniques à une époque donnée, dans une civilisation donnée, y associait un « système technique » qui inclut les techniques et leurs liens avec le système économique et social. Avec cette grille d'analyse, il affirma que l'histoire des techniques est une succession de grands systèmes techniques, que certains systèmes sont restés « bloqués », et que la transition d'un système à l'autre est une « révolution technique ». Il semble que cette analyse a actuellement la faveur des spécialistes.[1]

Exemples
En Chine, la métallurgie a été inventée avec près de quinze siècles d'avance sur l'occident : notamment le haut fourneau et une technique de co-fusion du fer et de la fonte pour produire de l'acier (en Chine au VIè siècle, en Occident elle est décrite pour la première fois par Réaumur en 1722). De même, le premier véritable papier a été utilisé en Chine au IIe siècle. L'imprimerie a été ébauchée entre le VIIIe siècle et le Xe siècle, pour devenir vraiment typographique au milieu du XIe siècle. Toutefois, à partir des XVe et XVIe siècles les différentes techniques chinoises se sont figées dans leur savoir faire « médiéval » (bien que grandement en avance sur l'Occident), jusqu'à la révolution chinoise du XXe siècle, et ceci sans que les causes en soient encore bien comprises.[2]
L'Occident, entre la chute de l'Empire romain et le Xe siècle, a vécu une période de stagnation des techniques. Le Moyen Âge a ensuite vécu un renouveau possible grâce à trois innovations qui ont permis un important développement de l'agriculture (et peut-être aussi grâce à un adoucissement du climat), amenant une remonté démographique et la possibilité de nourrir des villes se développant. Ces trois innovations sont : la charrue qui remplace l'araire, l'utilisation du cheval comme animal de trait, l'assolement triennal. En fait, durant la période creuse, l'Europe occidentale aurait assimilé des apports techniques supérieurs à ceux hérités de l'Empire romain : les chevaux plus robustes, la métallurgie novatrice et les habitudes agraires nouvelles des différents barbares, envahisseurs d'Europe centrale ou Maures. La période entre le IXe siècle et la Renaissance est parfois appelée « la révolution technique du Moyen Âge ».[2]

La roue comme première machine

La roue est considérée comme la machine initiale pour toute civilisation : techniquement, sans la roue, il n'y a pas de mécanisme, pas de machine, et historiquement, les civilisations qui n'ont pas utilisé la roue comme outil n'ont développé aucun mécanisme. Les exemples les plus proches étant les civilisations précolombiennes : la roue y était présente que dans des jouets, mais non utilisée dans un cadre technique, et aucun mécanisme ne semble avoir été développé par ces peuples (pas même une forme rudimentaire de la noria pourtant si répandue). Une explication proposée pour cette non-utilisation de la roue est née de l'observation que si la roue est une machine, il faut une énergie pour la mouvoir et les roues primitives étant en bois plein, elles sont lourdes et nécessitent un animal de trait pour être utilisées : il n'y avait pas d'animal domesticable capable de jouer ce rôle en Amérique précolombienne.[2],[6]

À particularités locales, innovations particulières

Des particularités propres à certaines régions sont parfois proposées pour expliquer des découvertes techniques précoces ou tardives, ou encore très spécifiques.[2]

Exemples
Le fait que le bambou soit une plante spécifique à l'Asie a été proposé pour expliquer la précocité des progrès techniques en Chine : la fabrication des moulins à eau, entre autres, aurait été facilitée par l'usage de ce matériau souple et solide. Une spécificité des minerais de fer chinois, leur haute teneur en phosphore permettant d'abaisser la température de fusion, aurait été aussi un facteur facilitant la maîtrise de la métalurgie.[2]
En Égypte antique a été découvert que la boue du Nil est très glissante quand elle est compactée et mouillée (en termes modernes : son coefficient de frottement est proche de zéro et une seule personne peut déplacer un rocher à fond plat d'une tonne). Cela a permis le déplacement de rochers monumentaux et la construction des édifices que l'on connaît.[2]
En Europe du Nord, les clepsydres (horloges à eau) étaient gelés en hivers[2], de plus le développement du travail salarié dans les villes aurait accru une demande d'un « temps mesuré », et non plus « naturel ».[1] Au XIIIe siècle, cela aurait favorisé la recherche d'un autre moyen pour marquer le temps : la gravité devint la force motrice d'une horloge mécanique, d'abord imprécise. Ce nouveau mécanisme aurait été largement inspiré de celui des automates. À la fin du XIIIe siècle, les premières cathédrales dotées de telles horloges étaient anglaises, et la mode se répandit à travers toute l'Europe au XIVe siècle.[2]
Alors qu'en Angleterre les ressources en bois et en énergie hydraulique ont trouvé leur limite au cours du XVIIIe siècle, poussant à l'utilisation de la houille et de la machine à vapeur, en France il y avait peu de houille et l'énergie hydraulique n'était pas considérée comme suffisamment exploitée. Stimulées par l'État, et sur l'exemple de l'analyse faite vers 1 750 par l'ingénieur militaire Bélidor à propos des moulins à eau ayant une roue à axe de rotation vertical (historiquement très présents autour de la Méditerranée, et en particulier en pays de langue d'oc[2]), les recherches pour optimiser le rendement des roues à eau s'intensifièrent au début du XIXe siècle pour aboutir, en 1 832, à un rendement de l'ordre de 80 % et à une dénomination nouvelle : turbine hydraulique. Le modèle initial a été grandement amélioré et c'est aujourd'hui la source d'un quart de la production mondiale d'électricité.[2],[5]

Techniques et corps de métiers

De nombreuses techniques ont été accompagnées de corps de métiers qui ont joué un rôle de transmission de savoir-faires de génération en génération, accompagnés de rites et coutumes, même parfois de divinités ou de saint patron, et ayant évolué de manières diverses aux cours des changements techniques survenus.

Exemples
Le forgeron a eu un statut particulier dans de nombreuses sociétés : à l'écart dans les villes et villages, son activité était souvent chargée d'une symbolique de maître du feu et de la transformation des éléments. C'est en forgeant que l'on devient forgeron : ce dicton souligne que cette corporation (comme toutes, avant l'époque industrielle) intégrait de nouveaux membres par de longues années d'apprentissage. Personnage indispensable à l'agriculture utilisant des outils en fer, au début de l'ère industrielle sa corporation subit une concentration sous la forme de « juxtapositions d'unités de production plus ou moins indépendantes »[7], toujours liées au monde agricole, sous la direction de « maîtres des forges », puis disparut progressivement avec l'avènement de la métallurgie industrielle et de l'agriculture mécanisée.[2]
En Occident, les constructeurs de moulins se sont transmis un savoir-faire toujours plus élaboré jusqu'au début de la révolution industrielle, dont ils ont été le gros des troupes des premiers ingénieurs : au XVIIIe siècle les moulins sont des machineries que l'on peut qualifier de pré-industrielles et ont été des modèles pour les premières machineries de l'ère industrielle.[2]
Les faiseurs de bas, passés du statut d'artisans à celui d'ouvriers, entre les XVIIe et XVIIIe siècles, apporteront leur savoir-faire au sein de la mécanisation de leur métier : les machines à bas ne sauront tout faire que tardivement, et un tour de main de connaisseur était nécessaire pour compléter le travail des automates, tour de main qui s'est adapté aux conditions du métier mécanisé. Le même constat peut être fait aujourd'hui avec les mécanisations de gestes professionnels.[2]
Les poseurs de rivets, appelés les riveurs, ont formé une corporation à part entière de l'ère industrielle, survivante à de multiples tentatives d'automatisations. Au début du XIXe siècle, dans la grande industrie, le rivetage est une pratique artisanale, répétitive, indispensable mais assez lente par rapport aux autres stades de fabrication (qui sont souvent mécanisés) et mobilisant beaucoup de personnels (il ne se fait que par équipe d'au moins trois personnes). Les recherches d'une entière mécanisation de cette tâche, bien qu'insistantes, n'ont permis que de passer de l'utilisation de la masse à celui d'une riveuse hydraulique portative, pour finalement adopter le marteau pneumatique (importé des États-Unis en 1900), ce qui a diminué le nombre de personnes employées à river, en a augmenté la vitesse d'exécution, mais a multiplié le nombre de surdités professionnelles. Le rivetage par équipe a quasiment disparu dans l'entre deux guerres du XXe siècle. Des recherches de substitutions au rivetage ont été l'occasion d'inventer le soudage.[2]

L'énergie : ses sources et son transport

La notion d'énergie a été dégagée au XIXe siècle, mais on peut lire l'histoire des techniques depuis les origines à travers l'histoire de la maîtrise de ses différentes formes, la découverte de ses différentes sources et les moyens de la transporter. Toutefois, il faut prendre garde de ne pas s'y limiter car c'est aussi oublier les autres aspects de la technique qui sont, entre autres, la maîtrise des contraintes mécaniques, de la découverte et la transformation des éléments, l'exploitation de micro-propriétés qui améliorent une technique existante, les motivations qui ont poussé à résoudre tel ou tel problème, etc. L'histoire de la maîtrise de l'énergie peut être un fil directeur, mais est simplificatrice et valorise les techniques à partir du XIXe siècle.[1]

Avant la roue, la principale source d'énergie était le muscle humain pour atteindre la source primaire d'énergie qu'est la nourriture. Pour tailler, lancer, couper, etc, seule la force humaine était disponible. L'humain a cherché à améliorer son efficacité, par exemple dans le lancer de javelot en inventant le propulseur, ou le levier, puis la poulie, etc. L'unicité de sa source d'énergie n'a pas empêché l'humain de se servir de son cerveau pour faire des pièges, développer des stratégies, fabriquer des armes de chasse plus efficaces, et améliorer son quotidien.
À travers le feu, l'énergie thermique n'a longtemps été utilisée qu'à transformer des éléments disponibles : cuire des aliments, la poterie, et plus tard la métallurgie.
Avec la domestication, la force animale est devenue une nouvelle source d'énergie disponible, elle a permis une meilleure agriculture et des transports de charges plus importants, mais aussi une plus grande disponibilité des aliments carnés. La roue est venue après : elle permet d'utiliser la force animale pour transporter, faire tourner des moulins broyeurs de grains.
L'énergie éolienne a été utilisée pour naviguer, l'optimisation de la taille, de la forme et du matériau des voiles, ainsi que du bateau, est une recherche toujours en progrès.
L'énergie potentielle mécanique a été exploitée d'abord dans les arts militaires par l'utilisation de ressorts principalement en bois (arc, catapulte, etc.), puis, au XVe siècle, en horlogerie quand des ressorts métalliques ont pu être fabriqués.
L'énergie géothermique est utilisée depuis au moins l'Antiquité pour réchauffer certains batiments.
L'énergie hydraulique, maîtrisée grâce aux moulins à eau, a permis d'avoir en permanence à disposition, et presque sans baisse de régime, une énergie pour un temps infini. Toutefois, en occident son utilisation a été longtemps limitée à meuler des grains, alors qu'en Chine elle a très tôt permis d'activer les soufflets d'une métallurgie en plein développement. L'énergie éolienne joue un rôle similaire, mais est souvent moins importante. Une particularité chinoise : très tôt des cerfs-volants y ont été utilisés comme monte-charges.
L'énergie gravitationnelle est utilisée très tôt par Héron d'Alexandrie pour ses automates, elle est utilisée, dans la construction, pour actionner des grues à roue, en particulier au moyen-âge. À partir du XIIe siècle elle sera systématiquement utilisée pour l'horlogerie.
C'est au XVIIIe siècle que commence l'utilisation de la transformation de l'énergie thermique en énergie mécanique, par le biais de la machine à vapeur. La machine à vapeur permet de s'affranchir des contraintes de l'énergie hydraulique, notamment la proximité d'un cours d'eau assez fort. Des améliorations lui permettent même d'être transportée, d'où le bateau à vapeur, la locomotive à vapeur, puis l'automobile. C'est l'époque où la recherche des sources d'énergie est devenue une préoccupation à part entière : principalement les énergies fossiles (le charbon puis le pétrole).
L'électricité est un moyen de transporter l'énergie, elle sera utilisable à l'échelle industrielle à partir de la fin du XIXe siècle. Toutefois, elle n'est pas le seul moyen de transport utilisé : avant elle, l'énergie était transportée principalement par des transmissions mécaniques, ce qui limitait la distance de transmission, de plus cela occasionnait d'importantes pertes d'énergie jusqu'à ce que les roulements à billes et autres huilages des mécaniques optimisent les frottements. Au sein d'une même usine, pour activer certains outils mécaniques, le transport de l'énergie a été aussi envisagé par la pression hydraulique, à laquelle a été préféré l'air comprimé plus compatible avec les dangers de l'électricité.
L'énergie atomique n'apparaît qu'au milieu du XXe siècle.
L'énergie solaire n'a commencé à être directement utilisée qu'au XXe siècle.

Relations entre techniques et sciences

Jusqu'à la renaissance, et mis à part quelques situations historiquement isolées, les techniques se sont développées indépendamment des sciences. De plus, les techniques ont généralement précédé et inspiré les sciences. Sciences (savoirs théoriques) et techniques (savoirs-faire) ont été développées par des personnes différentes, appartenant à des catégories sociales différentes, et sont sans rapport direct bien qu'elles interagissent dans les sociétés où elles cohabitent.[1]

Au XVIe siècle, en Europe, est déjà amorcé un rapprochement entre sciences et techniques, comme cela s'est manifesté chez des ingénieurs tels que les emblématiques Brunelleschi, Léonard de Vinci. À partir du XVIIe siècle, des ateliers réalisent des instruments scientifiques, des scientifiques s'intéressent parfois aux problèmes techniques (Galileo Galilei, Christiaan Huygens, Blaise Pascal…), et les Académies de Sciences (en Angleterre au XVIIe siècle, en France au XVIIIe siècle) s'intéressent officiellement aux techniques. La bourgeoisie, au pouvoir économique croissant, manifeste son intérêt pour une vision synthétique des techniques et des sciences, comme cela peut se voir dans l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert.[1]

À partir du XIXe siècle les liens entre techniques et sciences se densifient : bien que les grands progrès techniques soient dus en général à des techniciens, voire parfois des bricoleurs, les sciences précèdent parfois les techniques et permettent d'en créer de nouvelles (l'électricité en est le meilleur exemple), et surtout les sciences s'inspirent ouvertement des progrès techniques pour mieux comprendre certains phénomènes naturels (la thermodynamique, par exemple).[1]

Au XXe siècle, émerge la technoscience : de nombreuses innovations techniques sont dues à des progrès scientifiques (en physique, en biologie) mais les recherches scientifiques sont aussi très dépendantes d'apports techniques importants (expérimentations, calculs sur ordinateurs). De nombreuses multinationales investissent dans la recherche scientifique de premier plan afin d'assurer leur compétitivité technique (IBM, Bell Laboratories, industrie pharmaceutique, etc.).[1]

Références

  1. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p  et q Ahmed Djebbar, Gabriel Gohau et Jean Rosmorduc : Pour l'histoire des sciences et des techniques, Hachette et CNDP éditeurs, 2006, (ISBN 2011708869 et ISBN 2240022159).
  2. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k , l , m , n , o , p , q , r , s , t , u , v , w  et x Bruno Jacomy, Une histoire des techniques, Seuil éditeur, 1990, (ISBN 202012405X)
  3. Page 78 du livre de Ahmed Djebbar, Gabriel Gohau et Jean Rosmorduc : « Pour l'histoire des sciences et des techniques », Hachette et CNDP éditeurs, 2006, (ISBN 2011708869 et ISBN 2240022159).
  4. Gérard Noiriel, Population, immigration et identité nationale en France : XIXe ‑ XXe siècle, Hachette, coll. « Carré histoire », Paris, 1992, 190 p. (ISBN 2-01-016677-9) 
  5. a  et b Histoires de machines, ouvrage collectif, éditions Belin, 1980 (première édition : chez Belin en 1978, pour l'édition américaine en 1963). (ISBN 290291816X)
  6. Cette théorie de la roue a été notamment exposée par André-Georges Haudricourt dans L'Origine des techniques, aux éditions de la Maison des sciences de l'homme, 1988.
  7. État, nation et immigration ; Gérard Noiriel, collection Folio-histoire, Gallimard éditeur, 2005. Chapitre VI : Du patronage au paternalisme.

Voir aussi

Articles connexes

Portails

  • Portail:Archéologia

Bibliographie

Livres utilisés pour la rédaction de cet article
  • Ahmed Djebbar, Gabriel Gohau et Jean Rosmorduc, Pour l'histoire des sciences et des techniques, par Hachette et CNDP éditeurs, 2006, 160 pages (ISBN 2011708869 et ISBN 2240022159).
  • Bruno Jacomy, Une histoire des techniques, Seuil éditeur, 1990, 380 pages environ, (ISBN 202012405X)
Autres textes
  • Jean C. Baudet, De l'outil à la machine. Histoire des techniques jusqu'en 1800, 2003, Paris, Vuibert.
  • Jean C. Baudet, De la machine au système. Histoire des techniques depuis 1800, 2004, Paris, Vuibert.
  • Maurice Daumas, Histoire générale des techniques (cinq volumes), Presses universitaires de France, collection « Quadrige », octobre 1996 (ISBN 2-13-047860-3) ;
  • Émission de la BBC : civilisation.
  • Bertrand Gille :
    • (s. dir.), Histoire des techniques, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1978 ;
    • Les Ingénieurs de la Renaissance, thèse histoire, Paris, 1960 ; Seuil, coll. « Points Sciences » 1978 (ISBN 2-02-004913-9) ;
    • Les Mécaniciens grecs, Seuil / science ouverte, 1980 (ISBN 2-02-005395-0) ;
  • L'Âge d'or des sciences arabes, Actes Sud / Institut du monde arabe, oct. 2005 (ISBN 2-7427-5672-8) ;
  • La Recherche en histoire des sciences, Le Seuil / La Recherche, 1983 (ISBN 2-02-006595-9).
  • Déclaration de congrès US donnant la paternité de l'invention du téléphone à Antonio Meucci en la retirant à Bell ici en anglais

Lien(s) externe(s)

  • ATHENA, la liste nationale de diffusion d'information sur l'histoire des techniques

Périodiques

Autres

Ce document provient de « Histoire des techniques ».

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