André S. Labarthe

André S. Labarthe
André S. Labarthe interrogeant Jean-Christophe Averty à la cinémathèque française le 2 juin 2008

André S. Labarthe, né le 18 décembre 1931 à Oloron-Sainte-Marie (France), est un critique, producteur, réalisateur et scénariste français.

Sommaire

Biographie

André S. Labarthe commence sa carrière de critique cinématographique dans les années 1950. Il rencontre André Bazin qui le sollicite pour rejoindre la rédaction des Cahiers du cinéma en 1956[1]. Il découvre le cinéma sans avoir la passion débordante pour le septième art que Jacques Rivette ou François Truffaut qui font déjà partie de la revue. Son regard critique va seul décider André Bazin à l'intégrer à l'équipe.

Membre discret et secret de la Nouvelle Vague, en marge de la marge, Labarthe est un esprit solitaire en perpétuelle ouverture sur le monde, associant librement le cinéma à la psychanalyse, au surréalisme, à la danse, à la littérature, à l'érotisme.

Sa propre vision va effectivement pour beaucoup contribuer aux positionnements critiques des Cahiers. À l'instar de ses collaborateurs, André S. Labarthe partage la même admiration pour certains réalisateurs tels que Jean Renoir, Howard Hawks ou John Ford. Il demeure aussi très attentif au cinéma émergent et participe à la promotion de la Nouvelle Vague et des nouveaux réalisateurs américains indépendants[1] (John Cassavetes, Shirley Clarke). Ses dispositions à cet égard l'amèneront aussi à défendre le jeune cinéma italien, parfois contre l'avis de certains de ses confrères.

En 1964, il entame la collection Cinéastes de notre temps qu'il coproduit avec Janine Bazin et dont il réalisera lui-même plusieurs épisodes[1]. Cette collection qui s'étend sur plus de quarante ans se compose de portraits de 52 minutes de cinéastes réputés. Le premier épisode, diffusé sur l'ORTF en 1964, est réalisé par Robert Valley et est consacré à Luis Buñuel[1] auquel André S. Labarthe est très attaché et qu'il a beaucoup contribué à faire reconnaître au sein de la critique. La collection propage au travers de la télévision, la vision critique des Cahiers et ancre davantage sa lecture de l'histoire cinématographique.

La démarche documentaire de Labarthe est antispectaculaire. Elle ne cherche pas le scoop, la réalisation est épurée et le commentaire succinct voire absent. Les documentaires de la collection Cinéastes de notre temps tente de retranscrire l'univers du réalisateur et fait oublier la présence de l'interviewer. En 1972, la collection s'interrompt. Elle reprendra sur La Sept-ARTE en 1988 sous le titre Cinéma, de notre temps[1] dont les différents épisodes seront produits par la société de production audiovisuelle AMIP Xavier Carniaux. Ce changement de titre est lié à la volonté de l'auteur de constater cette rupture dans la continuité de la collection et la naissance d'une nouvelle époque, plusieurs réalisateurs filmés, alors contemporains, étant décédés entre temps.

Durant cette pause dans la série, André S. Labarthe ne reste pas inactif. Il collabore aux émissions Cinéma, Cinémas et Égale cinéma, pour lesquelles il réalise différents sujets sur ses cinéastes favoris. Il réalise aussi plusieurs documentaire sur la danse, notamment sur le chorégraphe William Forsythe, William Forsythe au travail, ainsi que carolyn Carlson, Patrick Dupont, Ushio Amagatsu, qui emploie les mêmes principes de réalisation que Cinéastes de notre temps.

André S. Labarthe demeure avant tout un critique cinématographique. Qu'il s'emploie à exercer son métier dans ses articles ou derrière une caméra, c'est toujours dans un esprit d'analyse, de mise en perspective.

Citations

  • « Introduire une caméra au sein du dispositif de l’entretien en modifie considérablement les effets. Tout ce que la transcription sur papier élimine, les silences, les regards, les rires, les gestes, les intonations, tout ce qui ponctue et colore l’expression des idées et parfois même, les pollue, tout cela, la caméra le ramène au premier plan et finit par constituer un matériau dont le réalisateur est bien obligé de tenir compte s’il ne veut pas se contenter de demeurer un simple organe d’enregistrement, comme disait Artaud. »
  • « Le dispositif est moins une machine à mettre de l’ordre qu’un piège à attraper le hasard, à fixer ces petits détails qu’on pourrait trouver anodins, ou farfelus, ou anecdotiques, ou simplement idiots, mais qui sont, en fait, le tissu même du film qui est en train de se faire. Au fond, l’ennemi, c’est l’intention. Pour moi, la mise en scène est ce qui permet d’exterminer toute trace d’intention. Vous comprenez le prix que j’accorde à des concepts comme : hasard, chance, expérimentation. Ce sont des choses qui m’intéressent prodigieusement dans ce que ça entraîne de réflexion sur la nature du cinéma[2]. »
  • Sur Michelangelo Antonioni : « Un cinéaste comme Antonioni était loin d’être aimé des Cahiers du cinéma, Truffaut ne l’aimait pas, Godard à peine. Moi, ça m’avait frappé. Au cours de la projection de l’Avventura en 1961 à Cannes, j’avais senti quelque chose que je n’arrivais pas à définir. C’est que, soudain, 65 ans après son invention, le cinéma découvrait que son personnage principal n’était pas Garbo ou les stars, mais c’était le temps ! »
  • Sur Jean-Pierre Melville : « Je savais que Melville était acteur de lui-même, il jouait son personnage. On tourne le premier jour … le Stetson, l’imper, la Mustang, il arrive devant chez lui. Comme la plupart des plans, on l’a fait plusieurs fois. Le lendemain, on arrive avec l’équipe à 8 heures, il n’est pas là ! On attend un peu. Puis, vient sa secrétaire qui nous dit qu’il ne viendra pas, il ne veut plus tourner. Je demande à l’équipe d’aller attendre au bistrot à côté et je l’appelle. Il m’explique qu’il ne pensait pas que ça serait tant de travail. Je lui dit qu’on s’était pourtant bien mis d’accord, je rame pendant deux plombes et au bout du compte, il accepte de continuer. »
  • Sur le cinéma : « Le cinéma ne m’intéressait pas tellement pour les films mais pour les conditions dans lesquelles on les voyait. Pour moi, le cinéma est lié à la clandestinité. Quand j’étais au collège, il fallait s’échapper. C’était à Sarlat en Dordogne. Il y avait une sorte de transgression dans ce plaisir. Je me souviens d’un film qui s’appelait Piège – je crois qu’il y avait Stroheim dedans – et L'Empreinte du dieu. »

Filmographie

Comme réalisateur

  • 1965 : Roger Leenhardt ou Le dernier humaniste (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1966 : Marcel Pagnol ou le cinéma tel qu’on le parle (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1966 : Raoul Walsh ou le bon vieux temps (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Hubert Knapp
  • 1966 : Entre chien et loup, John Ford (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Hubert Knapp
  • 1967 : Samuel Fuller Independant Filmmaker (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1967 : D’un silence l’autre, Josef von Sternberg (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1967 : Le Dinosaure et le bébe, dialogue en huit parties entre Fritz Lang et Jean-Luc Godard (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1968 : Pierre Perrault, l’action parlée (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Jean-Louis Comolli
  • 1968 : Les Deux Marseillaises (documentaire)
  • 1968 : Jerry Lewis (première partie) (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1968 : Festival de Tours (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1969 : Conversation avec George Cukor (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Hubert Knapp
  • 1969 : John Cassavetes (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Hubert Knapp
  • 1969 : Noël Burch
  • 1969 : 1969 : King Vidor (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Hubert Knapp
  • 1970 : Rome brûle, portrait de Shirley Clarke (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Noël Burch
  • 1971 : Busby Berkeley (collection Cinéastes de notre temps) (TV) - coréalisé par Hubert Knapp
  • 1971 : Jean-Pierre Melville: portrait en neuf poses (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1971 : Jerry Lewis (seconde partie) (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1972 : Claude Autant-Lara, l’oreille du diable (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1972 : Norman Mac Laren (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1982 : Cinéma, Cinémas (série TV)
  • 1988 : Sylvie Guillem au travail (documentaire de 52 minutes)
  • 1989 : William Forsythe au travail, documentaire (TV)
  • 1990 : Nanni Moretti (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1991 : Claude Chabrol, l'entomologiste (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1990 : The Scorsese Machine (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1994 : Eric Rohmer, preuves à l'appui en deux parties(collection Cinéastes de notre temps) (TV) - avec la collaboration de Jean Douchet
  • 1995 : Le cinéma à vapeur à l'occasion du centenaire du cinématographe
  • 1996 : Georges Franju, le visionnaire (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 1999 : David Cronenberg: I Have to Make the Word Be Flesh (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 2000 : Hitchcock et Ford, le loup et l’agneau (collection Cinéastes de notre temps) (TV)
  • 2001 : Artaud cité - Atrocités (Collection un siècle d'écrivains, 47 minutes)
  • 2003 : Maigret Simenon, le discours de la méthode (TV)
  • 2011 : No comment - à propos de Film socialisme de Jean-Luc Godard (collection Cinéastes de notre temps)
  • 2011 : Lettre à Jacky Evrard (Pour les 20 ans des Rencontres du court-métrage de Pantin)

Comme scénariste

  • 1978 : Mamma Rosa ou La farce du destin (feuilleton TV)

Comme acteur

Comme lui-même

Sur son travail

Publications

  • Essai sur le jeune cinéma français, Terrain Vague, 1960
  • Cassavetes, autoportraits, collectif- éditions Cahiers du cinéma, 1995
  • Bataille à perte de vue (le carnet), éditions Jempresse, 1997
  • Bataille, Sollers, Artaud, trilogie éditée par Filigranes, 2001
  • La desserte, éditions Filigranes, 2001
  • Le Triboulet. Cinq rencontres avec André S. Labarthe, Filigranes, 2004
  • Du premier cri au dernier râle, Yellow Now, 2004
  • La Saga Cinéastes, de notre temps. Une histoire du cinéma en 100 films, avec Thierry Lounas, Capricci éditions, 2011

Art contemporain

André S. Labarthe entretetient depuis longtemps une relation très forte à l'art moderne et contemporain.

Le Chat de Barcelone, fut présentée au public en 2010 à la Maison d'Art Bernard Anthonioz à Nogent-sur-Marne.

Références

  1. a, b, c, d et e André S. Labarthe enfin mis en lumière dans Le Monde du 26 avril 2011.
  2. Entretien avec André S. Labarthe, réalisé par Luc Lagier, à Paris, le 29 janvier 2005.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article André S. Labarthe de Wikipédia en français (auteurs)

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