Les Quinze joies de mariage

Les Quinze joies de mariage

Les Quinze joies de mariage est un texte satirique français, anonyme, en prose, de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe siècle, qui présente un tableau plein d'humour et d'acuité des querelles et tromperies conjugales : la satire misogyne voisine avec une analyse impitoyable de l'aveuglement des époux placés dans des situations quotidiennes et concrètes.

L’auteur du texte reste anonyme, malgré le huitain de vers octosyllabiques placé à la fin et qui contient le nom de l'auteur[1] ; mais la charade a jusqu’ici gardé son secret. Plusieurs noms ont été proposés : le plus souvent Antoine de La Sale, mais aussi Jean Wauquelin, Gilles Bellemère, Abel Lemonde de Mers, Simon de Hesdin[2].

Le texte date d’après 1382 : il mentionne en effet la bataille de Roosebeke ; il est antérieur au milieu du XVe siècle car il est cité dans les Cent Nouvelles nouvelles.

L’auteur parodie un texte de dévotion populaire, les Quinze joies de la Vierge, et énumère en quinze tableaux les « joies », c’est-à-dire les affreux malheurs de l’homme pris dans la « nasse » du mariage, présenté comme la source de tous les maux domestiques, érotiques et autres, et surtout comme l'origine du malheur suprême de tout être humain : la perte de la liberté. Le ton est nettement misogyne et anti-féministe et s’inscrit dans une tradition médiévale qui remonte à saint Jérôme (Adversus Jovinianum) où les machinations et ruses féminines font le malheur de l’homme ; mais le mari est présenté comme un balourd sans imagination, « métamorphosé en âne sans qu'il soit besoin d'aucun enchantement », aussi coupable que son épouse, et qui a bien cherché son malheur : « Dieu n'a donné froid qu'à ceux qu'il sait assez chaudement emmitouflés pour pouvoir le supporter. »

Le texte offre un tableau vivant et enjoué des pièges de la conjugalité, sans désir de corriger les mœurs, mais en jetant un regard ironique, toujours amusé. L’intérêt du texte tient en particulier à ce que chacun des quinze tableaux, mi-narratifs mi-satiriques, dans une langue proche de la langue parlée, est en soi une petite nouvelle avec de nombreux dialogues vifs et réalistes.

Le texte est transmis par quatre manuscrits et fait l’objet de deux éditions incunables à la fin du XVe siècle[3], puis d’une édition en 1595 ; il sera constamment réédité depuis. Il a notamment fait au XIXe siècle et XXe siècle l’objet d'éditions bibliophiliques illustrées :

  • Les quinze joies du mariage, Paris, Techener, 1837 : réédition en caractères gothiques tirée à 126 exemplaires de l'édition de Trepperel, avec reproductions des vignettes gravées sur bois du XVe siècle et fac similé de manuscrit.
  • Les quinze joies du mariage, Paris, Kieffer, 1932 : illustré par Jacques Touchet.
  • Les quinze joies du mariage, Paris, Union latine d’édition, 1937 : commentaire et traduction de Raoul Mortier, illustré par Marcel Jeanjean.
  • Les Quinze joies de mariage, Paris, Éditions Terres Latines, 1946 : illustré par Jean Traynier.
  • Les quinze joies du mariage, s.l., Aux dépens d’un bibliophile et de ses amis, 1947 : tirage de 150 exemplaires sur grand vélin de Lana, illustré d’eaux-fortes érotiques non signées.

Notes

  1. « De la belle la teste oustez / Tres vistement davant le monde / Et sa mere decapitez / Tantost, et apres le seconde / Toutes trois a messe vendront, / Sans teste, bien chantee et dicte : / Le monde avec elles tendront / Sur deux piez, qui le tout acquite. / En ces huyt lignes trouverez le nom de celui qui a dictes les .XV. joies de mariage au plaisir et a la louenge des mariez. »
  2. La solution de la charade semble être « Lorson » : les consonnes L R S (en ôtant le début de belle, mère et messe) sont réunies par O, image de la rotondité du monde, et le N final représente les « deux piez », mais aucun nom d’auteur ne correspond ; cf. Jean Batany, « Un drôle de métier, le status conjugatorum » dans Femmes, mariages-lignages: XIIe-XIVe siècles, De Boeck, 1992, p. 39.
  3. L’édition princeps est lyonnaise (Guillaume Le Roy, vers 1479-1480), puis Jean Trepperel l’imprime en 1499 à Paris.

Bibliographie

  • Les .XV. joies de mariage, éd. Jean Rychner, Genève, Droz, 1999 : aperçu sur Google livres.
  • Les quinze joyes de mariage, éd. Joan Crow, Oxford, Blackwell, 1969.
  • Les quinze joies de mariage, traduites et présentées par Monique Santucci, Paris, Stock, 1986.
  • Les quinze joies de mariage, mise en français moderne par Isabelle Jourdan, Rennes, La Part Commune, 2008.
  • L. Pierdominici, Lire la joie ou l'efflorescence du texte dans les "Quinze joies de mariage", in ALEX VANNESTE (ed.), Memoire en temps advenir, Hommage à Theo Venckeleer, Louvain: Peeters, 2004.

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